L'oiseau du Void

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En se réveillant le lendemain matin, Red mit quelque secondes pour se souvenir de la veille, et surtout de pourquoi il n'était pas dans son lit. Mais quand il eut enfin recouvré tout ses esprits, il eut un instant honte en se disant qu'il était venu réveiller Sans en pleine nuit pour un stupide cauchemar. En même temps, ce n'était pas la première fois. Régulièrement, ils venaient l'un chez l'autre bien avant l'autre pour chercher du réconfort après un sommeil particulièrement agité. Se traitant tout de même d'abruti intérieurement, il récupéra sa canne et se leva. Il sourit en jetant un dernier coup d'œil au squelette endormi et ferma doucement la porte derrière lui avant de partir.

Encore ensommeillé, il pris la direction du bar-cafétéria où il avait retrouvé Dust la veille. Une fois dans la salle, ses pupilles en firent le tour pour trouver quelqu'un avec qui manger. Il restait une place avec Cherry et Swap. Parfait. Il alla se servir auprès de l'homme feu au comptoir avant d'aller s'installer auprès de ses amies. Cherry, assoupie, sursauta quand Red les salua.

« Encore endormie ? La questionna-t-il, amusé.

- ... Me suis encore engueulée la moitié de la nuit avec ma sœur... »

Remarquant l'hématome sur sa joue gauche et son air fatigué, Red n'osa pas en demander plus. Il connaissait les réponses, et il savait que ça finirait en dispute : il pensait que Cherry ne comprenait pas sa chance d'avoir sa sœur, et la jeune fille disait qu'il n'avait pas idée de celle de ne pas en avoir. Il se contenta de sourire avant de se replonger avec passion dans ses tartines de moutarde.

« Au fait les filles, on aurait besoin de vous cet aprem. En fait on aurait des balises à poser dans les sphères Lust, Fell et Swapfell. Du coup avec Dust on voulait vous engager pour la Swapfell, Sans et moi on fait la Fell et Dust va avec Raspb' pour la Lust. Ça vous va ?

- Moui, faudra juste voir avec Mafia, mais ça a l'air bien. Pourquoi pas ce matin ? Demanda Swap.

- On est les trois seuls à être réveillés, faut faire les démarches avec Mafia et j'ai des trucs à faire. »

Red termina son pain à la moutarde en silence avant de saluer les jeunes filles et de partir.

Sachant qu'il allait bien assez marcher dans la matinée, il se téléporta directement dans sa chambre pour s'habiller. Une fois vêtu de ses vêtements habituels, il pris un sac et, deux téléportations plus tard, ce dernier était plein de nourriture et d'eau, avec en plus une bouteille de sauce au poivre et une boussole.

Vérifiant discrètement que personne ne le voyait, il s'aventura dans le Void. L'ayant pas d'autre point de repère et ne pouvant se téléporter au hasard au risque de ne plus pouvoir revenir, il se fia à sa boussole pour retrouver son chemin. Après environ une petite demi-heure de marche dans l'étrange clarté de l'immensité sombre, il aperçut une petite cabane.

« Qu... Qui va là !? Bégaya une voix enfantine.

- Ce n'est que moi, gamine... » Répondit Red avec toute la douceur dont il était capable.

Sortit alors de l'abri une petite silhouette quelque peu indistincte. De loin on aurait pu la confondre avec le Mal, mais contrairement aux nuées elle avait une forme définie, quoiqu'un peu floue. On distinguait sans difficulté une petite fille d'environ douze ou treize ans, toute recouverte de fumée noire avec de longs cheveux éthérés. Elle portait des habite trop grands pour elle, sans doute donnés par Red vu le rouge et le noir omniprésents. Mais ce qui la distinguait le plus des tas noirs étaient ses yeux. Deux ronds changeant vert sombre ou bleu clairs brillaient dans deux amandes blanches.

« Pourquoi t'es pas venu hier ? Demanda sèchement l'enfant.

- Désolé, gamine, mais j'ai eu beaucoup de travail, vraiment... Mais regarde ce que l'au ramené pour me faire pardonner... »

À l'instant où le squelette sortit la bouteille de sauce, toute trace de rancune disparut des yeux de la petite fille et un immense sourire illumina son visage rond.

« De la sauce poivre ! Merci, merci ! »

Sans plus parler, la petite fit rentrer Red dans la cabane. À l'intérieur, le mobilier se résumait à deux vieux poufs, une table basse, des étagères aux murs et un petit feu de camp. Les deux s'assirent sur les fauteuils improvisés et le squelette envoya la bouteille de sauce à l'enfant qui la porta avec envie à sa bouche.

« Alors gamine, tu t'en sors ?

- Mh,j'me suis faite attaquer trois fois hier ! Cette fois c'est sur, le Mal a repéré que je ne faisait pas pas parti de lui, enfin pas tout à fait... fit elle tristement.

- Je te le redis pour la centième fois, mais viens ! Je peux pas te traîner de force, mais si il te plais, viens avec moi...

- ...Non... La fois que j'ai voulu te suivre, et bah j'me suis faite attaquer...

- Et si tu me disais par qui...

- Je sais pas, justement... »

Sans ajouter un mot, Red fit signe à l'enfant de venir sur ses genoux, ce qu'elle fit avec joie.

« Dis, tu chantes ? »

Avec le sourire, Red commença à entonner doucement de sa voix grave et douce une chanson apprise auprès d'un des enfants humains.

« Ce pigeon est aimé

Trois jours par sa pigeonne

Ça lui suffit il sait

Que l'amour n'as qu'un temps. »

La petite laissa un peu le squelette chanter seul avant de le rejoindre avec son timbre doux, un octave plus haut que lui.

« Regardez les passer eux

Ce sont les sauvages

Ils vont où leur désir

Le veut par dessus monts

Et bois et mers et vents

Et loin des esclavages

L'air qu'ils boivent

Ferait éclater vos poumons... »

Et en cet instant, son petit secret dans ses bras, leurs voix se mêlant, rien n'aurais pu rendre Red plus heureux. Sauf peut être qu'elle le suive au moment où il devrait partir, retourner à sa vie. Depuis cinq ans qu'elle était ici, elle n'avait jamais voulu le suivre.

Red et l'enfant avaient passé enlacés ainsi toute la matinée, chantant, parlant et racontant des blagues avant que le squelette ne décide de réagir à la quinzaine de messages de Sans qui se demandait où il avait disparu. Soupirant, il se remit sur ses jambes difficilement, et avec un sourire, il embrassa le front de la petite fille.

« À demain, mon petit oiseau.

- À demain, Papa ! »

And... What's next, Partner ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant