LETTRE DEUX

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LETTRE DEUX

                     Chère Louise,

Je crois que je n'oublierai jamais la fois où tu as brisé notre amitié en 3ème. On était peut-être jeunes et insouciantes mais tu restes l'origine de mon premier cœur brisé. Même pas en amour, mais bel et bien en amitié.

Je voulais te ressembler, du fond du cœur, toi la jolie blonde qui portait du rouge à lèvres dès la 4ème, qui pouvait s'offrir des tonnes de vernis plus beaux les uns que les autres. Je crois même qu'à une période de ma vie, je t'ai idolâtrée.

Le matin où tu as arrêté de me parler, pour te concentrer sur ta nouvelle bande d'amis, me laissant seule dans la gueule du loup, j'ai compris qu'il n'y avait rien de plus terrible que la solitude. Tu m'as rendue vulnérable. Tout ça par lâcheté. Parce que je n'étais pas la fille avec qui tu voulais traîner.

Ce n'est pas une histoire clichée où tu restes la fille superficielle qui fait du mal aux autres pour ton propre bonheur. J'ai toujours su que tu étais fondamentalement quelqu'un de bien et que sous les couches de méchanceté de surface, tu restes la fille qui m'a offert une très belle et grande première amitié.

Quand j'y repense, les années collège remontent à si loin. Tellement loin que parfois, je me demande si ces années ont réellement existé. Dans ma mémoire, il y a comme un trou béant entre ma rentrée de 6ème et le dernier jour de 3ème. Le brevet me faisait peur, en y repensant. On touche le BAC du doigt. Wow. Le BAC quoi.

Tu m'as fait beaucoup de mal Louise. 

Même au lycée, tu es la fille en première ligne, que tout le monde admire en secret. Les secondes te regardent avec envie. J'en ai même entendu une qui parlait de ta beauté et de ton nombre grandiloquent de followers sur insta. C'est vrai que ce n'est pas rien 4300. Et c'est vrai que tu es diablement jolie, même si je me souviens très bien ces années où tu me parlais de tes boutons et de tes premières règles. J'ai toujours été, dans les coulisses de ta gloire d'adolescente.

Notre amitié est ratée. Tu nous as éloignées l'une de l'autre. Et je pense au fond de moi, qu'il n'y aura jamais une seconde chance. Que même si, dix ans plus tard, en te revoyant à la terrasse d'un café, je n'oserais pas t'aborder.

Pitoyablement, je n'ai pas réussi à jeter nos clichés du photomaton. On n'avait que 13 ans à l'époque, et on souriait comme des dingues. Encore une fois, on était beaucoup trop jeunes et insouciantes.

Je t'en veux aussi pour Tristan. Mais c'est encore une autre histoire bête. Tu l'as rendu inaccessible en te l'appropriant. Ce brun n'a jamais été ton objet, mais à cause de toi, tout le monde l'a considéré comme tel. Et c'est tellement mal de croire que nous ne sommes que des objets à posséder ou à revendre. Même lui, il y a cru.

Tu sais, Louise... Tu es celle qui m'a fait croire qu'être en troisième ligne était ce que je méritais au plus profond de moi. Et je t'en veux infiniment pour ça. Sincèrement. Peut-être que j'aurais été une autre personne si tu n'avais pas coupé les ponts ce mardi de juin.

Oh et puis, tu brilles tout le temps Louise. Même en spé maths et une part de moi espère encore te ressembler. T'atteindre. Réussir à comprendre comment tu fais pour nous laisser tous bouches bée face à tout ce que tu entreprends.

Tu m'as tout de même appris à ne plus trop dépendre des autres. Même si, j'attends toujours quelques explications, puérilement.

J'espère que tu n'oublieras pas mon existence après des années, et que si un jour, tu me croises en terrasse, tu viendras me saluer pour qu'on puisse, peut-être, se retrouver et exploser de rire comme en 5ème, naïvement, dans le photomaton.


S.

31 LETTRESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant