LETTRE CINQ

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LETTRE CINQ

                  Cher Lucas,

Je m'en veux un peu d'avoir écrit des choses pas si cool que ça dans la lettre de Bastien. Et vu que tu es son meilleur ami, ça m'arrangerait infiniment que tu lui dises de ma part que je m'excuse à nouveau pour mon manque de gentillesse dans sa lettre et que je suis sûre qu'il ira loin dans sa vie vu qu'il se débrouille toujours très bien dans des situations extrêmes.

Parlons maintenant de toi, Lucas. Je ne sais pas vraiment qui tu es profondément et je dois t'avouer que je me reconnais parfois en toi. Nous sommes tous les deux invisibles, presques absents, voire fantomatiques.

Dans un duo, nous sommes celui ou celle qui vient en tête après notre acolyte. Hortense est mon acolyte, Bastien le tien. Et il a fallu que les deux sortent ensemble à un moment donné pour qu'on puisse forcément se remarquer et se rapprocher. Comme dans une mauvaise blague ou un conte de fées.

Mais je n'ai jamais fait l'effort de vouloir me rapprocher. Je savais pertinemment que si je posais les pieds dans une seule de tes soirées, je serais obligée de faire ta connaissance et tenir la chandelle au couple. J'ai scrupuleusement évité ça du mieux que je pouvais, mais on s'est quand même retrouvé à un moment donné à la soirée de Rachel à ne pas se parler, face à face. Mais avec ces regards brouillés et ces petits sourires au coin.

C'était aussi ambigu que frais. J'ai bien aimé.

Ce qui reste gênant Lucas, c'est que je n'ai jamais compris si on se serait embrassé à cette soirée-là. Le soir où Hortense et Bastien avaient décidé inhabituellement de rompre.

Une part de moi persiste à croire que nous aurions échangé un baiser étant donné que tu as ri en me voyant galérer à diluer ma boisson et qu'avec tout l'alcool qui me montait à la tête, j'avais envie de goûter tes lèvres.

J'ai failli te donner mon premier baiser ce soir-là. Failli. Presque.

Comme si la probabilité du baiser était tellement haute que le destin a du nous jouer des tours. Si on s'était embrassé, peut-être que nous n'aurions pas eu la même histoire. Peut-être que je serais sorti avec toi et qu'on regarderait le ciel en comptant le nombre de kouign-amanns volés par les mouettes.

D'invisible à invisible, j'aimerais te donner un petit conseil : n'hésite jamais à sortir de ta zone de confort Lucas. Ces lettres que j'écris font que je sors de la mienne, que j'expose mon point de vue tout en devant les cacher dans des manuels. Tu vas me trouver dingue; mais, oui, distribuer des enveloppes me rend courageuse. Tu sais la boule au ventre et le sourire rayonnant arraché après un exploit accompli...

Et j'adore le courage à petite dose.

Aie du courage toi aussi, le garçon de mon presque-premier baiser,

S.

31 LETTRESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant