03 | o happy meal! our school and native hell!

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VENDREDI LE 6 OCTOBRE, 8h30

Avec un sourire encourageant à l'adresse de la nouvelle élève, Yuma Mallowan s'avança dans la salle. Les bras croisés, la tête baissée, elle hésitait à le suivre.

Elle n'avait pourtant pas à s'inquiéter, la cloche venait tout juste de sonner. Et puis, quand bien même auraient-ils été en retard, Longfellow n'aurait pas donné une retenue à une nouvelle; malgré la quarantaine avancée, il était le stéréotype vivant du professeur cool et relax — sauf si, bien entendu, on le poussait trop à bout.

— Suis-moi, tout le monde te regarde, lui chuchota-t-il en s'apercevant qu'elle était restée plantée près de la porte.

Margaux lui fit les gros yeux. C'est vrai, elle ne parlait pas bien anglais. Il lui traduisit ses propres paroles en se demandant pour la énième fois ce matin comment elle allait se débrouiller pour s'intégrer à Happy Meadow High. Il voulait bien lui servir d'interprète pour aujourd'hui — après tout, c'était sa toute première journée —, mais après, que deviendrait-elle? 

La fille près de lui, il se dirigea en silence vers la table du troisième rang que Nell et lui occupaient pendant le cours d'histoire, puisqu'ils bossaient ensemble lors des exercices et des travaux d'équipe. Il s'attendait à trouver son amie déjà installée à la table, sa trousse Jack Skellington placée devant elle, mais il n'y avait personne. Nell n'était pas encore arrivée.

Inconsciente de son trouble, Margaux s'assit en silence sur la chaise de Nell. Sans pouvoir s'en empêcher, Yuma lui coula un regard agacé, mais n'osa pas lui demander de s'asseoir ailleurs; le directeur comptait sur lui pour que cette fille passe une bonne première journée à Happy Meadow High.

Il se tourna donc vers Jules et Amadeus, assis côte à côte derrière lui, les sourcils froncés. Ses amis comprirent sa question muette et haussèrent les épaules. Eux non plus ne savaient pas où la brunette était passée. Il s'apprêtait à leur demander s'ils l'avaient vue depuis hier soir, au Wendy's, quand Longfellow rejoignit leur table. Grand et maigre — il portait bien son nom —, leur professeur portait des lunettes carrées et sa touffe grisonnante et frisée, qui lui recouvrait tout le crâne, lui donnait l'air d'un brocoli périmé.

Les mains sur les hanches, il sourit à la nouvelle élève en guise de salutation.

— Je suis Leopold Longfellow. Le directeur m'a informé de votre arrivée aujourd'hui... Maggie, c'est ça?

— Margaux, s'empressa de le corriger Yuma, qui se doutait que la pauvre fille n'avait pas compris un mot de ce que venait de lui dire le vieux brocoli. 

La passion pour la matière qu'il enseignait couplée à son caractère hyperactif — il buvait, selon les rumeurs, plus de cinq cafés avant d'arriver en classe le matin —, avait la mauvaise manie de s'exprimer très vite — trop vite, même pour un anglophone.

Tous les élèves de Happy Meadow High bénissaient l'existence des PowerPoint que Longfellow déposait sur le portail des cours à la fin de la journée, car sans eux, jamais ils ne pourraient prendre en note toutes les événements et personnages historiques étudiés en classe.

— Margaux, répéta Longfellow d'un air pensif. C'est français.

Ce n'était pas une question. Du coin de l'œil, Yuma vit la jeune fille rougir sous le regard scrutateur de Longfellow. Soudain, ce dernier s'exclama d'une voix exaltée : 

— Ah, les Français! S'ils avaient gagné la Bataille des Plaines d'Abraham en 1759, les Britanniques n'auraient sans doute jamais pris les rênes du Canada. Nous ne serions peut-être jamais nés, vous et moi. Ou alors, nous parlerions tous français. Incroyable que l'issue d'une simple bataille puisse ainsi changer l'avenir d'un pays, n'est-ce pas?

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⏰ Dernière mise à jour : Dec 12, 2017 ⏰

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