Septembre 2014 / Haute-Savoie / France
Mathis venait de regarder le cadran de sa montre en caoutchouc vert, il était 17h24. Le ballon de basket qu'il avait pris dans le garage était calé sous son bras droit et ses lunettes noires de la marque Ray-Ban® étaient correctement posées sur son nez. Au lieu de fixer l'heure qui clignotait en noir sur sa montre de « gamin », le brun fixait le panier de basket en carton que son père avait cloué sur le mur au dessus de la porte de garage grise quand il devait avoir 11 ans. Il passait sans arrêt sa langue sur sa lèvre inférieure et bien qu'il avait déjà les joues naturelles rosées, le rouge lui montait aux joues comme la jauge d'un temps de chargement.
Mathis, il était mignon, du moins c'est ce que les filles lui disaient tout le temps, mais visiblement il ne l'était pas assez pour être invité à la table des terminales du lycée. Clément, lui aussi il était mignon, mais lui il était invité à la table des terminales et ça, ça énervait beaucoup Mathis. Pour lui, Clément n'avait plus les pieds sur terre, il était sur une autre planète depuis la rentrée, sûrement parce qu'il avait réussi à passer en terminale alors que Mathis avait redoublé son année de première ES.
Clément, c'était son meilleur ami ou bien ça ne l'était plus, Mathis ne savait plus trop, il était plutôt perdu en ce moment, c'était aussi pour cette raison qu'il restait planté devant la porte du garage dans sa veste coupe vent entièrement rouge. Sa mère Clotilde l'espionnait derrière la grande fenêtre de la cuisine avec un verre d'eau à la main, elle le trouvait « bizarre » depuis presque 3 semaines. Alors que le quarantenaire aux cheveux mi-longs poivre et sel, qu'on appelait bien souvent papa ou même parfois Jean-Paul, levait les bras depuis 3 minutes avec la tête cloitrée dans le cou.
«– T'en fais pas, c'est l'adolescence ça. Radote Jean-Paul, pour la cinquième fois de la semaine.
– Il a 17 ans, l'adolescence pour lui c'est bientôt finie. Moi je te dis qu'il se trame un truc pas net avec lui.
– Arrêtez de me fixer comme ça, je suis pas un foutu rat de laboratoire. Aboie Mathis de l'autre côté de la fenêtre.
Clotilde claque son verre d'eau à moitié consommé sur l'évier blanc de la cuisine et Mathis lâche son ballon de basket qui n'est plus très bien gonflé. Il aurait voulu aller au terrain de basket un peu plus bas dans le village, au lieu d'être devant chez lui avec 2 spectateurs sournois à la fenêtre. Mais il ne pouvait pas y aller, parce qu'il avait trop la pétoche de tomber sur Clément et il ne voulait surtout pas vivre un moment gênant à côté de lui.
Au lycée, tout le monde avait remarqué que Mathis Normand et Clément Vrignaud ne se parlaient plus depuis la rentrée scolaire. Plus personne ne voyait Mathis et Clément discuter de basket, de jeux vidéos et de cigarettes dans les couloirs, ni manger ensemble à la cantine, surtout depuis que Mathis ne venait plus manger à la cantine. Tous les élèves se connaissaient forcément, puis Mathis et Clément étaient assez populaires, même avec un peu moins de 200 lycéens. Ils l'étaient, mais ils n'avaient pas la grosse tête pour autant, c'était d'ailleurs à se demander s'ils en avaient réellement conscience.
Clément, c'était le plus sympa et le plus drôle des deux, alors que de l'autre côté, Mathis était le plus fort en sport et le plus créatif. Et pourtant, Clément était le plus malin puisqu'il n'avait pas redoublé son année de première, contrairement à son meilleur ami qui n'était visiblement pas très scolaire.
C'était nul sans lui, voilà à quoi pensait Mathis derrière ses lunettes aux bords pointus. Ça n'avait aucun sens de jouer sans son meilleur copain et c'était également pour cela qu'il ne s'était pas présenté aux inscriptions du club de basketball de son village la semaine dernière. Il avait commencé à jouer à 11 ans et c'était avec Clément qu'il avait appris à jouer dans un vrai club, enfin plutôt dans un petit club de village. Il s'entraînait rarement sans lui, ils étaient tout le temps à deux pour jouer au basket, que ce soit pendant l'entraînement du coach ou en dehors des cours. Les deux familles n'en pouvaient plus de voir toujours l'un avec l'autre, mais ils ne les voyaient pas l'un sans l'autre non plus. Personne n'avait compris ce qu'il s'était passé entre eux, sauf ceux qui étaient à la cantine le deuxième vendredi de la rentrée. Clément lui avait simplement tendu une perche et Mathis l'avait attrapé d'une drôle de façon.
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Nuls
Fiksi Remaja2017: Noam a trompé Daphné 2014: Mathis ne calcule plus Clément 1982: Odile et Ju mangent un tas de trucs devant le mini-stade 2011: Paco, Charles et Arthur n'ont pas d'autres amis [ABANDONNÉE]