la " Voie"

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Roulant il ne savait où avec sa Plymouth Sport Fury, Mathis buvait de grandes gorgées d'un petit flacon de whisky. Il avait l'impression que les voitures de la file d'en face le regardaient, l'observaient . En ce moment, Mathis aurait voulu disparaître, ne plus exister. Il avait un mal de crâne pas possible et sa vue commençait à se troubler. Arrivant à Saint-Jean de Poquelin, il tourna à la rue du Gui et se gara sur le côté pour reprendre ses esprits. L'alcool commençait doucement  à lui monter à la tête et des milliers de questions bourdonnaient dans sa tête : 
« Pourquoi il n'y arrivait pas ? Il avait pas complètement tort, l'autre con là avec son tee-shirt vert ! T'as eu le meilleur des départs, comment tu peux être au chômage avec un cursus pareil ?!!! Il y a pas trente-six solutions, si personne ne veut de toi, c'est que t'es mauvais, mon vieux !!! La pire des merdes, un raté, un homme qui ne devrait même pas exister !!! Mais non, ce n'est pas possible ! Depuis tout petit, on me dit que je suis excellent !!! Je... Mais enfin...On lui aurait menti ?!! Se serait-il laisser berner par de stupides politesses de grand-mère fière de voir son petit-fils ?!! Mais non, mentir est mon domaine ! Mais si je suis mauvais, peut-être ne l'aurai-je pas remarqué ? Mais que suis-je alors ? Je suis un artiste, bon dieu de merde !! Je... je suis artiste, hein ? Je suis un artiste… Je... »

Assis dans sa voiture, Mathis tremblait. Il avait le regard perdu d'un homme à qui on avait enlevé tous ses repères. Un homme qu'on avait bercé d'illusions et qui soudain, était retombé sur terre. Les yeux écarquillés, terrifiés, il regardait autour de lui, apeuré.

« Mais si je suis pas un artiste, que suis-je ? Si le théâtre n'est pas ma voie, qu'est ce que...»

Mathis s'arrêta soudainement. Il ne bougeait plus, ne disait plus rien. Il se passa quoi, une minute ? Deux minutes ? De l'extérieur, on ne pouvait voir qu'un homme immobile mais les apparences étaient trompeuses car sachez qu'en ce moment même, à l'intérieur de lui, s’opérait un grand changement. Il se mit soudainement à sourire, un sourire niais, béat, de l'homme qui vient de comprendre la chose la plus évidente au monde. Sur la maison numéro 12 devant laquelle il s'était garé, on avait oublié de retirer les clés de la porte. Elles pendaient, là, imbéciles, oubliées et n'attendaient plus qu'à être utilisées. Mathis sortit de sa voiture puis il se mit à rire.
Ce n'était pas l'acteur qui l'avait attiré dans Shining... c'était le tueur !

Tout était clair maintenant ! Oh oui, tout était si clair !!! Il regarda sa montre : 22h. Parfait !

Il traversa la route, sourire aux lèvres, les yeux toujours rivés sur ses foutus clés. Il plongea la main dans sa poche et en sortit une paire de gants, laisser des empreintes serait fâcheux tout de même ! Il ouvrit le portail en se demandant de quelle manière il allait tuer les gens à l'intérieur... Il avait plein d'idées ! Les acteurs sont souvent très imaginatifs... Traversant la pelouse du jardin, il regarda la lumière jaune qui émanait des fenêtres en pensant qu'il faudra l'éteindre avant de partir pour bien faire penser aux voisins qu'ils dorment et lui laisser le temps de partir. Il ne faut laisser aucune trace, aucune... Il arriva jusqu'à l'escalier qui menait jusqu'à la porte d'entrée. Il se mit à sourire à pleines dents, il tremblait mais c'était de l’excitation, son cœur battait la chamade et sur son front perlaient quelques gouttes de sueur. C'était comme avant d'aller sur scène, le stress, le trac ! Mais ce n'était pas un problème, il avait l'habitude maintenant... Il allait être un artiste !!! Oh oui, il avait trouvé sa voie !!!
Soudain, une voiture se gara sur le parking juste à côté de celle de Mathis...

Coup de Théâtre !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant