V- j'bois

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T'sais Céleste, même jeune j'étais un connard. J'me rappelle, à 17 ans j'me tapais des barres en lançant des pierres sur les passants avec mes fréquentations pas fréquentables. Mais toi, t'as jamais vu ça.

J'sais pas comment t'as pu rester, ni comment t'as pu m'aimer, Céleste. J'suis un fils de satan, un connard, pas un homme qui rend heureux.

Même ton gosse m'aimait pas. J'ose pas dire "notre" gosse vu comment j'm'en suis occupé. Elle était toujours distante, perdue dans ses pensées, la p'tite Thaïs. Puis quand j'l'engueulais elle m'regardait avec ses yeux noirs, noirs comme le néant. Et moi intérieurement j'tremblais devant son r'gard, j'tremblais mais j'continuais d'crier, comme si ça changeait les choses de s'exploser les cordes vocales.

Thais, elle, elle tremblait jamais. Elle dormait jamais non plus. Tu t'rappelles? Toutes ces fois où tu la r'trouvais sur son rebord de f'nêtre, les pieds dans l'vide? T'arrivais, tu disais rien, t'étais douce dans tes gestes, et tu la prenais dans tes bras couverts de bleus. Tu la berçais, tu t'taisais, puis tu l'allongeais dans son lit, en v'nant parfois avec elle.

  Thaïs t'fixait avec des yeux un peu moins noirs, sûrement parce qu'elle t'aime. Puis tu sortais d'la chambre et tu laissais couler tes larmes en silence. La dernière fois qu'j'ai essayé d'poser une main sur ton épaule, maladroit, t'as frissonné et tu t'es écartée. J'te f'sais peur, j'crois...

Enfin bref, maint'nant j'suis seul dans notre appart' et j'sais pas c'que t'es dev'nue. J'espère qu'Thaïs va bien et que tes côtes son ressoudées, Céleste. Est-ce que t'es heureuse, loin d'moi?

Perso j'bosse plus. J'bois à la place. D'ailleurs en c'moment j'suis bourré comme un trou, j'me demande comment j'arrive à tenir mon stylo. Les mystères d'l'alcool...

J'crois que j'vais m'arrêter là pour ce soir. À d'main, Octavia, je t'aime.

CÉLESTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant