4. Initiation

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Sans la quitter des yeux, Atara enfila son manteau en cuir par-dessus sa robe noire à col Claudine, puis glissa ses pieds, chaussés de collants résilles bleu éclatant, dans ses énormes bottes à plateformes noires. Toujours dans un silence pesant, les deux amies sortirent de l'immeuble et marchèrent vers le poste de police. Dès qu'elles arrivèrent, Atara eu la bonne idée de maintenir fermement le bras d'Anna, qui tentait de se précipiter vers le sergent Myers.

- Bonjour, dit Atara à la femme. Nous travaillons en collaboration avec...

- Oui, on m'a prévenu de votre arrivée. Le sergent est juste là-bas, ajouta la dame de l'accueil, toute souriante.

En remerciant cette dernière, Atara baissa sa garde et son amie s'échappa, se ruant sur Myers. Telle une furie, elle lui fit face et rua son torse de coup de poings, en scandant inlassablement :

- T'es vraiment un enfoiré, Hopper Myers ! Je t'interdis de dire ça à mes clients potentiels ! Je vais te tuer ! Salaud !

Atara, éreintée, ne chercha même pas à raisonner Anna et se laissa tomber sur une chaise, à côté d'un jeune agent blond, qui regardait la scène d'un air amusé. Myers saisit violemment Anna par ses frêles poignets et réussi arracher une grimace de douleur à celle-ci.

- Ce n'est pas avec ta force de lapin de trois jours que tu vas me blesser, railla-t-il. Tu es toujours aussi faible qu'au lycée ; moi qui pensais que tu aurais peut-être progressée !

Anna respira lentement, en essayant de se calmer, et réussi à estomper les rougeurs sur son visage. En allant s'assoir à côté de sa secrétaire, elle ne put s'empêcher de répondre à la provocation d'Hopper :

- Je ne voulais pas te faire trop mal, tu as suffisamment souffert quand je t'ai giflé à la fin du bal, tu sais, au lycée.

Ce fut au tour d'Hopper de rougir et de perdre ses moyens, devant ses collègues qui ricanaient bêtement. Toutefois, il reprit vite contenance, se racla bruyamment la gorge afin de faire cesser le bruit et annonça d'une voix impérieuse :

- Ordre du jour : meurtre de Sir Murdock, enquête prioritaire sur le fameux tueur en série et... collaboration avec ces deux personnes ici présentes, déclara-t-il enfin avec réticence. Je vous laisse deux minutes pour vous présenter. On passera ensuite à la répartition des tâches.

Hésitante, Anna se leva, passa une fine main dans ses cheveux blonds et raides, et déclara d'un ton officiel :

- Bonjour à tous, je suis l'inspectrice Anna Smith et voici ma secrétaire, Ataranaïskaya Rasowsky. L'épouse de la victime nous a contactée pour que nous puissions nous occuper de cette affaire en priorité ; pour cela, Atara et moi-même allons rejoindre les rangs de la police, afin de faciliter l'enquête. Je vous remercie par avance pour votre coopération.

Elle se rassit en silence et écouta les applaudissements polis retentir dans la salle ; elle tourna la tête vers son amie, qui leva les pouces en l'air en signe d'approbation. Hopper jeta un regard mauvais à Anna, puis continua son discours :

- Bravo, c'était vraiment passionnant. Bon, le major Strauss a décidé de faire des groupes ; je tiens juste à préciser que ce n'est pas moi qui ai choisi la répartition des groupes.

Il se racla une nouvelle fois la gorge et continua d'un air maussade, en lisant rapidement sa liste :

- Premier groupe, Karl avec Madeline ; vous ferez la recherche complète sur la famille des Murdock. Deuxième groupe, Spencer et Phil, vous irez au labo et vous travaillerez sur les recherches ADN. Ensuite... voyons voir... Eric, tu bosseras avec la secrétaire de Miss Smith à la surveillance. C'est-à-dire que j'autorise le piratage et l'infiltration des caméras de surveillance, mais avec retenue, ajouta-t-il avec un œil sévère.

Hopper attendit que les premiers groupes soient mis en place pour continuer.

- Quatrième équipe, Jenna et Harold, vous chercherez les suspects potentiels et les motifs possibles du crime. Cinquième groupe, soit Charlie et Keith, vous rechercherez le plus d'éléments possibles sur les lieux des crimes. Quand vous serez prêts, allez-y et n'oubliez pas, il va falloir rester sur vos gardes, il y a un meurtrier qui se balade ici.

- Chef !, beugla un agent, qui devait être l'agent Keith. Vous ne bossez pas sur cette affaire avec nous ?

- Si, soupira-t-il. Le major a trouvé drôle de me faire collaborer avec Miss Smith ; il savait, qu'au fond de moi, j'en rêvais.

En se tournant vers son amie, Anna se fit mal au cou ; elles se regardèrent longuement. Les yeux d'Atara tentaient de raisonner Anna, mais cette dernière paniquait.

Hopper chercherait forcément à se venger de cette histoire ridicule. C'était en première, au bal de Noël : il avait un peu trop bu et, avec ses amis, ils disaient tout un tas de choses déplacées. « Smith la pute » « Personne t'aime ! » « Retourne avec ta mère ! Ah, mais t'as pas de mère, c'est vrai ! » « Sale chienne ». Hopper pouvait être son ami depuis la petite école, cela en fut trop pour Anna. Elle se souviendra toujours de la façon dont elle avait frappé son ami. Depuis ce jour, Anna et Hopper se détestaient cordialement.

Une fois que les différentes équipes furent toutes parties, il ne resta que les deux ennemis dans la salle ; un silence pesant, gênant, presque étouffant s'installe entre eux. Cela dura pendant d'interminables minutes. Anna faisait les cent pas, tandis qu'Hopper lisait nonchalamment le contenu d'un petit carnet noir.

- Bon, Hopper, je sais bien que tu me détestes, dit enfin Anna au bout d'un certain temps. Et tu dois sûrement savoir à quel point c'est réciproque. Mais nous sommes des adultes maintenant ! On doit pouvoir coopérer sans nous chamailler à longueur de journée. Je ne sais même pas quel est mon rôle ici !

Le sergent soupira longuement, se leva et tendit le carnet noir à Anna. Cette dernière le saisit et regarda Hopper d'un air interrogateur, qui se voulait légèrement méprisant.

- Et c'est quoi ce truc ?

- Ce « truc », comme tu dis, est mon propre carnet de notes, dit Hopper. Pour pouvoir travailler ensemble, on doit apprendre, ou plutôt réapprendre à se faire confiance. C'est pour être sûr qu'on ne se cache rien, expliqua-t-il devant l'air incrédule de la jeune femme. Il faut que tu me donnes le tien du coup.

- Tu penses sincèrement que j'ai envie d'avoir confiance en toi ?, railla Anna.

- Tu n'as pas le choix !

La jeune femme inspira profondément et se raisonna intérieurement. Elle n'avait pas le choix, et elle le savait. Elle fixa les yeux gris, vides d'émotions, du sergent de ses yeux verts perçants.

- D'accord, finit-elle par dire. Alors, Hopper Myers, par quoi commençons-nous ?


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