Larmes Nocturnes.

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Dans ma tête, la sentence était tombée; coupable.
Dans mon coeur, le doute et l'espoir coexistaient avec la raison.
Et si, je dis bien si, il n'avait rien fait?
Et si, c'était plus compliqué que ça en avait l'air?
Il avait l'air si fragile comme ça.

J'abbatis mon couteau sur le dernier morceau de saumon qu'il me restait. Il arrivait, je n'avais que quelques secondes pour penser à ce que je dirais.
Rien? Peut-être.
Je devrais le laisser parler par lui-même.
J'aurais dû.

— Et puis, les toilettes portent conseil?
— Viens, on part d'ici.
— Je.. mais..

Ce sont les seules paroles qu'il prononça.
Il se défilait.
Et moi je me sentais stupide.
Stupide d'avoir trop parlé.
Stupide d'avoir tout gâché.
Stupide d'être stupide.

Et c'est dans mon rôle de parfait stupide que je me retrouvais devant chez moi, sous la pluie, la voiture d'Asahi s'éloignant, créant une mélodie presque dramatique.

— Passe-moi la télécommande !
— Nan. Dégage, c'est à mon tour de regarder ce que j'veux !
— Hinata Boke !
— Change de disque, t'façon c'est moi qui gagne cette fois !

La chaleur de l'appartement prit d'assaut mon visage.
Une odeur de brûlé flottait; Hinata avait probablement tenté de cuisiner quelque chose.
Ou simplement de faire bouillir de l'eau, allez savoir !

Ce n'est pas tous les jours que quelqu'un disait cela, mais retrouver Hinata et Kageyama était presque reposant.
Presque, et seulement pour ce soir.

— Hinata, je te jure que si tu ne me donnes pas la télécommande, je te fais aucune passe demain !
— Mais... C'pas juste, t'as pas le droit..

Ladite télécommande vint s'écraser sur le mur, près de moi.

— Oh! Nishi, déjà rentré? lança Kag's.
— Wouay. Et vous, ça va? Hinata a cuisiné?

Rires d'Hinata et soupir de Kageyama.
J'avais ma réponse.

— Je vais me laver et dormir, soyez silencieux. Merci.
— Ça va? Tu sembles bizarre, suspecta Hinata.

Je ne sais pas si c'est ma voix ou mon visage, mais l'un d'eux m'avait trahit.

— Nan, mais wouay. Bonne nuit.

Je filai sous la douche sans demander mon reste.
J'avais cru que l'eau arriverait à masquer les larmes, mais j'eus seulement l'impression que les deux liquides se mélangèrent pour n'en former qu'un.
Douloureux, aveuglant et triste.
Pitoyable même.

Je n'eus pas le courage de m'habiller, ni même de me sècher proprement et c'est donc nu, les yeux dévastés et le corps trempé que je me jetais sur mon lit.

J'attrapai ma télécomande, et ouvrai la télévision.
J'avais envie de me changer les idées.
Outre une émission de cuisine,une autre de décoration et les infos, il n'y avait pas vraiment quelque chose d'interessant.
Ce sont ces dernières qui restèrent à l'écran.
Pas que j'y porte vraiment attention; on y parlait encore d'un prétendu gang de rue qui sévissait près de chez moi, mais dont je n'avais vu le moindre acte en dehors qu'à la TV, ainsi que d'un couple d'Américains ayant été retrouvés noyés, à une vingtaine de rues de chez moi.

Les infos ont toujours le don de vous remonter le moral quand tout va mal.
Toujours prêtes à vous annoncer que certains gens vivent pire que vous.

Habituellement, les regarder me déprimait, mais ce soir mon cerveau s'activait plutôt à se remémorer les événements de la soirée.

Après avoir quitté le restaurant, Asahi n'avait presque pas parlé.
Nous avons roulé plus longtemps qu'à l'aller, et il ne cessait de regarder derrière.
Je crois qu'il avait peur d'être suivis, qu'on sâche que nous étions là, comme si nous étions fautif de quelque chose.

Comment le simple fait de lui parler de L'Incident avait pu le mettre dans cet état de stress?

Plus important que Comment, Pourquoi?
Pourquoi il avai fuit?
J'en étais encore surpris.
J'avais cru qu'il n'avait rien à cacher, qu'il était innocent.
Il faut croire que j'avais eu tort.

Au fond, qui était-il vraiment?
Que savais-je de lui?
Nous allions au même club, j'avais dormis chez lui, et rien.
Quatre sorties au resto et des ballons de volley.
Certe, il me fascinait, m'attirait et je le trouvais magnifique, mais je ne savais rien de lui.

J'avais essayé de chercher sur Facebook, Twitter, Line et même Tumblr, mais rien.
Aucune trace de lui.
Comme s'il n'avait jamais existé.
Un fantôme m'aurait été plus facile à cerner.

J'éteignis la télévision.
Le noir envahit la chambre, seul la Lune projetait un rectangle blanc sur le sol.

La porte s'ouvrit.
Hinata entra.
Je me cachai sous les couvertures.
Pas que je sois pudique; avec les entrainements, nous étions tous déjà vu nus.
Seulement, mon visage risquait de me trahir, même dans la pénombre.

Je n'entendais plus Kageyama, ce qui signifiait qu'Hinata et lui allait probablement dormir aussi.
Ce dernier était déjà en pyjama et me fixait depuis le seuil de ma chambre.

Il se glissa sous les couvertures, dos à moi, et me murmura un simple "raconte".

Un long soupir de soulagement s'échappa de ma gorge.

Le Photographe - Asahi. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant