12/ Tour en moto

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- Tu te moques de moi, Rafael ?

Il me sourit de son air angélique avant de se retourner vers son engin et de prendre le casque qui était posé dessus.

- Je ne monterai jamais sur...ça !

- Allez Lara, ce n'est pas aussi dangereux que ce que tu crois.

Il se rapprocha de moi et me mis délicatement le casque avant de l'attacher fermement sous mon menton. Il prit ensuite ma main et me tira vers son effrayante moto.

- Tu verras, tu vas adorer.

Non je n'allais pas adorer du tout ! J'avais une phobie des motos, et cette Harley ne me mettait pas en confiance du tout.

- Je ne laisserai rien t'arriver.

Son regard doux finit par me convaincre et je m'installai donc sur la moto à sa suite. Je ne l'avais jamais vu aussi tendre avec moi, peut être était-ce pour cela que j'avais fini par accepter de grimper derrière lui.

- Et toi tu n'as pas de casque ? m'inquiétai-je.

- Accroche-toi bien, fut la seule réponse que je reçus de sa part.

Il démarra alors et fit rugir le moteur avant de partir à une vitesse folle. Heureusement que je lui avais précisé que j'avais peur des motos...

Je m'accrochai, comme si ma vie en dépendait, à sa taille et à vrai dire c'était peut-être le cas. Ma tête se réfugia dans son dos et mes ongles s'enfoncèrent dans son torse tant j'avais peur. Cependant, il ne dit rien et me laissa faire.

Je jetai un petit coup d'œil au compteur de vitesse replaçai ma tête dans son dos aussi rapidement. Tout va bien, Lara. Il ne va pas si vite que ça, tentai-je de me convaincre. Je l'entendis lâcher un rire, sûrement se moquait-il de moi.

Nous finîmes enfin par nous arrêter et je pus relever ma tête et ouvrir les yeux. Nous étions au fin fond de nul part, entourés de champs déserts.

- Euh...Rafael ? Tu m'as emmenée ici pour me tuer ? Et enterrer mon corps ? le questionnai-je, des trémolos dans la voix.

- Je n'aurai pas pris cette peine, je t'aurais simplement tiré une balle.

Il s'éloigna ensuite, me demandant comme si de rien n'était de le suivre.

Rassurant dis donc.

- On est où là ? lui demandai-je.

- Dans un coin où j'aime bien aller, dit-il en haussant les épaules.

Rafael m'emmener dans un coin où il aimait bien aller ? Avais-je le vrai Rafael en face de moi ? Parce que celui que je connaissais tuait des personnes devant mes yeux...

Je le rejoignis finalement et nous marchâmes côte à côte, nous éloignant un peu plus des routes.

Je sentis sa main s'emparer de la mienne et je me sentis me raidir avant de me détendre petit à petit.

Je ne savais pas dans quoi nous nous embarquions tous les deux et je n'avais pas envie d'y réfléchir pour le moment.

- C'est là.

Je levai la tête et me trouvai face à une falaise avec une vue sur toute la ville de Juarez. J'en restai bouche bée, tellement la vue était belle.

- C'est magnifique Rafael, murmurai-je.

Une boule de nostalgie m'envahit. Tout ces magnifiques paysages allaient me manquer quand j'allais devoir retourner en France.

Le beau ciel bleu sans aucune trace de quelconque nuage. Les lumières des foyers qui paraissaient si chaleureux et s'étendaient à perte de vue en dessous de nous. Ces mêmes foyers qui vivaient dans la terreur. J'aimerais tellement aimer ces pauvres gens. Et le pire était que j'en avais le pouvoir : en arrêtant le cartel de Juarez. En arrêtant Rafael.

Rafael s'assit sur le bord de la falaise et me tira légèrement pour que je m'asseye à ses côtés.

- Tu penses à quoi, Lara ?

Comment pouvais-je lui expliquer sans trop en révéler ?

- J'ai de la peine pour tous ces enfants qui naissent dans la peur et la mort...

Son visage se tourna vers le mien et il ancra son regard dans mes yeux. Essayait-il de me percer à jour ? L'avait-il déjà fait ?

- Que veux-tu dire par là ?

Je soupirai. Évidement, il ne pouvait pas comprendre.

- Je veux dire que, toute cette violence est-elle vraiment nécessaire ?

Il soupira à son tour avant de se remettre à fixer le paysage, pensif. Je crus que je n'obtiendrai jamais de réponse de sa part mais il reprit finalement la parole.

- Ça fait parti de notre vie, ici. Tu finiras par t'y habituer.

Ses paroles étaient dénuées d'émotion. Dénuées de sens, à mes yeux. Cela devrait être interdit de vivre dans une telle violence et finir par s'y habituer.

Cela me brisait le cœur que toutes ces tueries fassent parties du quotidien de ces pauvres gens.

- C'est justement ça le problème Rafael ! M'exclamais-je sûrement trop violemment, car il retourna subitement toute son attention vers moi. Tous ces gamins ne devraient pas craindre de mourir à chaque instant alors qu'ils n'ont que cinq ans. Il ne devrait pas y avoir autant de morts, autant de personnes qui pleurent leurs proches. Autant de corruption dans la police, c'est inhumain...

Ma voix se cassa vers la fin de la phrase, tant j'avais de la peine pour ces pauvres gens.

Rafael me surprit une fois de plus et fit quelque chose à laquelle je ne me serais jamais attendue venant de lui. Il essaya de me réconforter. Il me prit dans ses bras, et je me laissai aller contre son torse.

- Je sais Lara, je sais. Mais ici ce n'est pas pareil que dans d'autres pays. Ici, nous faisons ça pour survivre. Quand t'es adolescent, trois choix s'offrent à toi. Ne rien faire et continuer ta vie en te préparant à mourir du jour au lendemain. Entrer dans la police qui est corrompue jusqu'à la moelle. Ou bien entrer dans un gang.

Il avait raison, mais au fond de moi j'étais convaincue qu'il restait toujours un moyen de stopper tout ça, tout ces gangs.

- Au début tu fais ça pour gagner de l'argent, continua-t-il le regard dans le vide. Tu te dis que si tu deviens riche tu pourras partir loin d'ici et mettre ta famille à l'abris. Mais dès que tu essayes de partir, de sortir du gang ils tuent ta famille. Sans aucune pitié. Alors tu comprends, tu comprends que pour survivre dans ce monde il faut être sans pitié. Tu veux te venger, tu veux venger la mort de ta famille donc tu fais tout pour grimper les échelons. Tu te dis que si tu es tout en haut tu pourras mettre un terme à tout ceci. Alors tu te fais respecter en tuant tous ceux qui s'opposent à toi. Et tu arrives finalement à être tout en haut de la pyramide. Pourtant tu comprends que tu es allé trop loin pour faire demi tour, que tu as toujours envie de plus, que ta soif de vengeance et de pouvoir augmente de jour en jour. Tu te méfies de tout le monde, ici même tes proches peuvent te trahir. Et tu ne peux plus partir, quand tu es chef de gang c'est jusqu'à la mort, alors tu restes et tu essayes de survivre. Comme tout le monde ici.

Il se leva ensuite, se détachant de moi et retourna vers la moto. Je restai assise quelques instants, encore bousculée par ce qu'il venait de me raconter. Les larmes coulaient le long de mes joues, depuis que j'avais compris qu'il me racontait son histoire, sa vie. Il avait assez confiance en moi pour se confier à moi, et pourtant j'allais le trahir moi aussi. 

J'allais lui planter un couteau dans le dos en le dénonçant.

Au final je n'étais pas si différente que tout le monde ici. J'allais moi aussi le faire souffrir. D'une autre manière, mais j'allais le faire souffrir. 


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Alors ? Vous en pensez quoi ? ✍️ ❤️

Odiame TOME 1 - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant