The Last Sunset

Chapitre 8 - L'échappatoire

Papa est mort depuis deux ou trois semaines maintenant, tout ce que je sais c'est que nous sommes dans le courant du mois d'Août, à vrai dire c'est devenu difficile de garder la notion du temps quand on ne fait rien de ses journées et que chaque jour se ressemble. Ma sœur et moi ne travaillons plus, la majorité de la population non plus d'ailleurs. Les gens ont arrêté d'aller travailler à partir du moment où cela devenait trop dangereux et sans garanties, l'attaque de la conserverie n'était qu'un début ainsi qu'un élément déclencheur. En effet, les autres conserveries de la ville ont été attaquées par la suite faisant encore plus de morts et forçant les employés de celles-ci à les déserter. Un environnement fragile avec des personnes qui meurent et la disparition de mise à disposition de nourriture, quel intérêt de continuer à travailler ? Les gens ont donc peu à peu arrêté de travailler, quelques soit leur emploi, même l'armée a du mal à retenir ses soldats qui veulent comme tout le monde retourner auprès de leur famille et se protéger. Les infrastructures dans la ville sont bien avancées mais inachevées, que va-t-il se passer quand la luminosité naturelle ne sera plus suffisante ? Que les températures seront trop basses pour être supportées sans chaleur artificielle ? Nous ne le saurons probablement jamais et nous n'en arriverons probablement pas là vu à quelle vitesse la situation est en train de se détériorer.

Pour l'instant l'armée a encore le contrôle mais pour combien de temps ? Ce qu'il reste de réserves est en effet gardé dans des entrepôts sécurisés, on parle là de conserves, de médicaments, de bidons d'eau et d'essence, de vêtements, d'outils et d'ustensiles en tout genre. En soit tout ce qui a de la valeur et qui s'avère utile. En revanche ces ressources sont limitées et vouées à l'épuisement progressif puisque plus personne, du moins dans notre ville ne participe à la création de nouvelles. Les militaires les délivrent en échangent de prix toujours plus forts ou via le troc, en offrant la possibilité d'obtenir une denrée ou un objet contre quelque chose de valeur égale ou supérieure. A priori cela semble équitable, sauf que les personnes les plus démunies qui à l'inverse de notre foyer n'ont pas des réserves financières conséquentes n'ont plus les moyens de s'offrir le nécessaire pour vivre. J'ai bien conscience que nous avons des moyens et que nous avons été prévoyants à temps ce qui nous a permis d'établir des réserves en anticipant le plus possible la pénurie, mais c'est loin d'être le cas de tout le monde, certains ne pouvaient se le permettre, d'autres ne l'ont pas jugé indispensable. Ce qui fait qu'aujourd'hui il reste peu et il y a beaucoup de monde qui est dans le besoin sans pouvoir subvenir à celui-ci. L'équation n'est pas compliquée et son issue est inévitable, si les choses continuent dans ce sens, les gens qui n'ont plus rien n'auront par définition rien à perdre non plus ce qui entraînera des affrontements et finalement un état de guerre civile où le chacun pour soi prime et où la loi du plus fort sera légion. Pour l'instant et comme je le disais, la puissance militaire est assez dissuasive pour permettre à l'armée de maintenir la situation telle quelle. En revanche, tout ce qui n'avait pas été sécurisé ou stocké par l'armée a été pillé par les uns et les autres, les petites boutiques, les pharmacies isolées, les magasins... J'y ai même participé, il suffit soit d'être au bon endroit au bon moment, ou parfois de penser à un magasin spécifique qui n'est pas une priorité pour les autres, de savoir relever un rideau de sécurité, fracturer une serrure et tout type d'obstacle. Il faut aussi savoir être discret, car toute personne prise sur le fait par l'armée est abattue. Savoir repérer les endroits isolés et pas encore vidés est la clé, sachant aussi qu'à chaque pillage, la capacité de chacun est réduite par ce qu'il peut transporter avec lui, tout déplacement en véhicule étant exclu sous peine d'être repéré rapidement. Enfin, je dis ça mais à l'heure qu'il est il ne reste plus grand-chose qui n'a pas été vidé de ses choses de valeurs, je continue de faire des virées, tous les jours, ou plutôt toutes les nuits devrais-je dire, je pars en expédition avec Milord pour essayer de trouver quelque chose ayant de la valeur ou pouvant nous être utiles par la suite, c'est ma façon de me changer les idées et d'essayer de prendre soin de ma sœur, ainsi je ne rentre jamais les mains vides ! Concernant l'attitude à adopter ou plutôt les actions à mener maintenant que cette ville n'a quasiment plus rien à nous offrir, nous y avons réfléchi et nous en avons discuté avec Eva, le plus simple et judicieux serait de fuir, aller chez Yvan, il m'avait été d'une telle aide, je continue d'y penser quotidiennement, aller s'installer avec lui pourrait constituer notre salut, ou en tout cas être une solution plus viable sur le moyen terme que de rester ici, le temps de se poser à nouveau, se préparer en marge de la population et du danger et puis en attendant de trouver mieux, si mieux il y a. Oui ce serait un environnement bien moins hostile pour nous, sauf que cette hypothèse n'est aujourd'hui pas envisageable. En effet, il n'est plus possible de quitter la ville, en tout cas pas à bord d'un véhicule. Petit retour en arrière : les jours suivant l'assassinat de papa, les conserveries continuent d'être attaquées, très vite l'armée réagit et essaie de les sécuriser. Des affrontements interviennent, le coupable est identifié, il s'agit de groupes armés du mouvement Chaos, d'après les informations de l'armée, les attaques sont similaires dans toutes les grandes villes. Les hommes de Chaos s'emparent de tout ce qu'ils peuvent, principalement de la nourriture et des armes puis quittent les villes. En réaction, l'accès et la sortie des villes sont bloqués, plus personne ne peut entrer ou quitter les villes d'accueil quel qu'en soit le motif, ainsi les terroristes qui n'ont pas pu fuir à temps sont enfermés à l'intérieur de la ville et ne peuvent pas s'en aller ou alors sans provisions avec eux et à pieds.