VI. J'ai peur de ce qui se cache au fond de toi.

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E L I S A B E T H

J'étais arrivée au campus il y avait de cela onze heures, une nuit et deux crises d'angoisse. J'avais à peine eu le temps de déballer mes affaires et de prendre une douche que je m'étais écroulée de fatigue sur mon lit.

Je m'étais réveillée vers sept heures, avec l'alarme d'un réveil qui n'était pas le mien. Perturbée, j'ouvris les yeux et lorsque je vis une forme humaine à mes côtés, je sursautai en hoquetant. La personne concernée se tourna vers moi en levant les mains vers le ciel. C'était en fait une fille, dont les cheveux longs et noirs étaient entremêlés à cause de son sommeil et dont les yeux clairs étaient en total contraste avec sa chevelure.

- Je ne suis pas une psychopathe, ne t'inquiètes pas !

J'hésitai entre rire et me barrer en courant, mais finalement un ricanement s'échappa de ma bouche.

- En fait, hier quand tu es venue, j'étais déjà au lit à cause d'une migraine. Tu devais être bien crevée parce que tu ne t'es même pas rendue compte que tu t'étais couchée dans mon lit. Mais tu t'es, genre, direct endormie, alors je voulais pas te réveiller.

Je pouffai. La scène était absurde. Je me suis rendue compte que j'avais pouffé. Ça faisait du bien de pouffer. Peut-être que si, finalement, j'étais prête. Peut-être que j'avais ma place ici.

Effectivement, en face de nous, il y avait un autre lit. Je sortis des draps pour attraper mon ardoise, calée contre l'armoire qui faisait face à la porte.

Au fait, je suis Beth.

- Au fait, je suis Méline.

Au fait, je suis muette.

Elle ria.

- Au début je pensais que tu ne voulais pas me parler. Je me disais "Merde, sur qui je suis tombée ?"

J'esquissai un sourire.

- T'es dans quels cours ? elle demanda.

J'écrivis sur l'ardoise. Peinture, littérature, histoire des arts, sciences humaines et photographie.

- Tu fais de la photo ?

Non, en fait il fallait que je prenne une deuxième option et c'est celle qui me paraissait la moins nulle.

Elle ricana.

- J'ai les mêmes cours que toi, à part la peinture et la photographie. Honnêtement je ne sais même pas tenir un pinceau.

Sa phrase me fit sourire.

- T'es plus vieille ? Ou alors la puberté n'est pas égale avec tout le monde. Sérieux, on dirait pas que t'avais treize ans il y a cinq ans.

Je m'attendais à cette question. Je laissai le feutre glisser sur le plastique. J'ai vingt-trois ans.

- La vache. Enfin, non, pas la vache. En fait, t'as juste l'âge des dernières années. Comment ça se fait ?

J'haussai les épaules.

- Pardon, j'ai été indiscrète.

L'eau reste silencieuse Où les histoires vivent. Découvrez maintenant