I. Je ne voulais plus te voir

68 3 2
                                    

L'être humain... C'est un être si cruel. Il est capable du pire comme du meilleur. Il peut être pourri jusqu'à l'os ou bon jusqu'au cœur. C'est un être qui n'est pas fixe. Il change au cour du temps, il s'empire, il s'améliore. Il peut chuter, se relever. Il peut réaliser tant de choses. Mais pour que cela marche, il faut le vouloir. La volonté d'y croire est plus forte que n'importe quoi, mais il ne faut pas laisser tomber, une fois que l'on a quelque chose en main. Vous savez, l'être humain est bête, surtout très bête oui. Malheureusement c'est comme ça, et pas autrement. Parce qu'une fois que l'être humain rencontre quelque chose qui lui est inconnu, il a peur, et il rejette ce petit quelque chose de différent. Être un mouton, être comme tout le monde, c'est ce qu'ils veulent tous. Qu'on les aime, qu'on les admire. Être populaire, riche, célèbre... La liste pourrait continuer encore longtemps. Et j'en ai fait les frais, de cette stupidité humaine.
Je suis gay. Lorsque j'étais au collège, en cinquième, j'aimais un garçon nommé Hideaki. Ah ça oui, je l'aimais. J'étais gay, je le savais. Le fait de l'être ne me dérangeait pas plus que ça. L'amour reste de l'amour. On n'y peut rien. Cela vient comme cela part. On ne peut pas contrôler ses sentiments. Lorsque je l'avais dit à mes parents je m'en rappelle, ma mère a été très compréhensive. Cependant, mon père l'était moins. Après tout, il voulait que son fils soit beau, grand, fort, l'utopie habituelle de père me direz-vous. Il en attendait malheureusement trop de moi, et quand je l'ai annoncé, j'ai lu l'énorme déception dans ses yeux gris perçant dont j'ai hérité. Il était assez distant avec moi, mais après ce qu'il s'est passé, il a décidé de me soutenir, et de me protéger. J'ai des parents formidables. Ils ne sont pas comme eux, en tout cas... Ce qu'il s'est passé? J'avais déclaré à Hideaki que je l'aimais. Résultat? Le lendemain, j'étais devenu le punching ball de tous les petits cons du coin. Je m'en rappelle, on m'avait appelé "Arselicker le suceur". Intelligent n'est-ce pas? Au moins, ils s'étaient faits chier pour me trouver un surnom qui ferait rire n'importe quel imbécile de la classe. Ils m'encerclaient puis me frappaient, m'insultaient. J'étais seul contre tous. Ma vie paisible était soudainement devenue un enfer invivable. J'ai souvent tenté quelque chose pour mettre fin à cette misérable vie. Mais hélas, mes parents, je ne pouvais les laisser tous seuls, je ne pouvais pas faire mon égoïste et mourir sans me soucier d'eux. Que feront-ils si je n'existais plus? Pleureront-ils? Feront-ils un autre gosse comme si ne rien était? J'en sais rien. C'est pareil pour les autres, mais je savais que beaucoup de monde serait loin d'être malheureux si ils me savaient "mort". J'ai toujours rêvé de mourir et puis, hanté ceux qui m'ont fait souffrir dans le passé. C'était un rêve de gamin certes, mais me dire que j'allais mourir un jour pour me venger après me redonnait le sourire. C'est glauque? Non, ça ne l'était pas. Quand un petit imbécile est seul face à une horde de problèmes, faire face est impossible, il préfère s'accrocher à une petite lueur qui lui donnerait ne serai-ce qu'un léger sourire véritable. Même si c'était glauque, même si on me juge comme une personne étrange, voir déranger, même si ce n'était pas forcément la lueur dont j'avais besoin, j'avais besoin d'elle malgré tout. Juste, l'idée de pouvoir me venger un jour me redonnait un peu d'espoir. Utopie enfantine. Aujourd'hui je ne le pense plus bien sûr. Je me suis forgé une carapace et j'ai enfermé tout ce passé qui m'a longtemps suivi dans une boîte dont moi seul connait le mot de passe, non, en fait je l'ai oublié, pour que je ne puisse jamais l'ouvrir à nouveau, cette boîte qu'est mon cœur. J'avais mal à cette époque, être harcelé et trahit par celui que l'on aime. C'est horrible. Finalement je n'y crois plus, en cette chose si convoitée. Oui, ce truc là, pour moi, ce n'est qu'une idée idéalisée. Cela n'existe pas, non.

L'amour n'existe pas en ce monde.

Ce truc il finit toujours par vous faire mal. A vous laisser des cicatrices. C'est un horrible et égoïste sentiment. Moi, je n'y crois pas, je ne suis pas idiot. Comme tous ceux là. Du moins, je ne le suis plus. J'ai une différente façon de fonctionner, de penser. Sûrement plus intelligemment qu'avant, en tout cas.

Aujourd'hui, j'intègre mon nouveau lycée. Mon regard de glace plaqué à mon visage. Je ne suis pas venu ici pour me faire des amis, je suis venu pour étudier, je ne dois pas me laisser distraire par des choses aussi futiles que l'amitié. Je ne peux tout simplement pas arrêter ce que j'ai réussi à construire pendant toutes ces années. Le professeur principal m'accompagne dans ma nouvelle classe. Je n'ai pas vraiment pris le temps de m'arranger ce matin devant la glace, mais c'est à peu près la même chose chaque jour; mes cheveux bruns foncés ébouriffés qui contrastent parfaitement avec mon teint blanc comme la neige. Mes yeux en amande gris loup fixaient le vide tandis que je marchais dans les couloirs avec le professeur qui parlait inutilement, puisque je n'écoutais pas, rien de ce qu'il disait en tout cas. Il ouvre la porte de la salle de classe, et j'entre après qu'il ait annoncé mon arrivée. Je me plante devant le tableau, fixant toujours le vide. Le professeur me demande de me présenter, je déteste ça. Pourquoi ça doit être le même scénario cliché d'une histoire nouvelle? C'est débile. Pourquoi clamer mon nom alors qu'ils l'oublieront quelques minutes après? Je soupire et lève mon regard froid vers les élèves. je les regarde, je les scrute. Ils ont tous l'air idiots, ou c'est juste mon impression personnelle? Je soupire à nouveau.

-Je suis Fubuki Fujiwara.

Les filles me regardent intriguées, je m'en fous pas mal. Je ne suis pas attiré pas les filles, de toute manière. Et je ne veux plus être attiré par personne. Alors que j'allais m'assoir, un garçon se lève brusquement de sa chaise, les sourcils froncés. Il a l'air choqué. Je ne vois pas en quoi. Je le scrute attentivement, il me rappelle quelqu'un. Bizarrement.

-Hideaki! Ne te lève pas comme ça, tu perturbes le silence qui régnait!

Hideaki...? J'écarquille les yeux pendant un moment et affiche à nouveau un visage impassible. Je fronce les sourcils. C'est lui?... Vraiment? Il n'a pas changé depuis. Quoi que, si. Il s'est teint les cheveux en rouge et il a des piercings, comme il l'a toujours voulu je suppose. Il a toujours eu ce côté "bad boys" même au collège. Vraiment pas changé. Si cela se trouve, même son esprit est resté le même. Sa façon stupide de penser... Cela doit être le même, forcément. Répugnant humain. Je le regarde froidement et je vais m'assoir à ma place, seul, à côté de la fenêtre au fond, je n'ai pas envie que quelqu'un m'emmerde, je suis si bien, seul. Une fois que la sonnerie retentit, je me lève lentement et range mes affaires en faisant bien attention. Puis une horde de filles vient autour de moi. Je soupire et leur fait un regard noir.

-Laissez-moi tranquille.

Je prends mon sac sur mon épaule et je m'empresse de quitter la salle, mais une main attrape mon poignet. J'entends un souffle haché par l'effort dans mon dos. Je me retourne, c'est lui, Hideaki Takagi. 

-S'il te plaît Fubuki... Ecoute moi...

-Ne m'appelle pas par mon prénom, ordure.

Je fronce les sourcils et dégage mon poignet de sa prise qui était étrangement douce. Qu'est-ce qui lui a fait croire qu'il pouvait être si familier avec moi? Je m'essuie le poignet et je fixe à nouveau le vide en marchant en dehors du lycée en te laissant, en plan, toi, l'harceleur d'enfance. Si il y avait une chose que j'avais bien souhaité un jour c'était de ne plus te voir. Oui, Hideaki Takagi...

Je ne voulais plus te voir.

Heart is breakableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant