II. Pardon

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Il a prononcé mon prénom comme si il avait le droit de le faire. Il m'a regardé sans baisser la tête, sans aucune gêne. Quel effronté. Mais bon, je suppose qu'il est fier de ce qu'il a fait au collège, oh oui, il devait sûrement en être fier. Il m'a adressé la parole d'un ton déterminé, comme si il pouvait l'être.

C'est répugnant.

Je marche vite, je n'ai pas le temps de m'attarder pour des choses si futiles. Oui, c'est futile. Avoir revu mon harceleur, celui que j'aimais autrefois, ne me fait rien. Je m'en fiche pas mal, ça aurait pu être éviter. C'était aussi possible qu'impossible, c'est juste une simple coïncidence, futile. Même si c'est ce que j'en pense, mon cœur lui, me crie le contraire. Il a mal. Vous connaissez cette sensation d'oppression? Vous avez l'impression qu'un horrible poids s'abat sur vos poumons, ce qui vous empêche de respirer, respirer cette chose si vitale. Cette sensation vous empêche de voir net autour de vous, et même dans votre esprit un brouillard s'étend, incroyablement vite. Je suis vulnérable dans cette situation, cela fait tellement longtemps que je n'avais pas entendu mon cœur battre, que je n'avais pas ressenti le besoin de m'enterrer vivant. Il faut que je me dépêche de rentrer, ou bientôt ma vue risquera d'être brouillée par les larmes nerveuses qui ne cessent de me menacer de monter, de se montrer.
Je rentre chez moi, je ne salue personne, j'ai si peur, même si je refuse de l'admettre. Je monte directement dans ma chambre et je ferme la porte à clef derrière moi. J'ai besoin d'un moment, rien que d'un moment, où je suis seul. J'ai comme qui dirai, besoin de réfléchir. Je jette mon sac dans un coin et je me mets en boule sur mon lit. Je n'arrive pas à y croire, me tordre l'esprit pour quelque chose d'aussi bête. Cela me dégoûte, je me dégoûte. Je ne me savais pas aussi faible. Je ne suis qu'un faiblard. C'était la dernière que je baissais la tête devant mon passé. Dîtes moi, dîtes moi comment suis-je censé oublier quelque chose qui refait surface, sans aucun d'entre nous ne s'y attendait? Enfin, c'était prévisible. Moi et lui habitons la même planète, notre rencontre hasardeuse était possible. Mais je pensais qu'il se ferait petit, après ce qu'il m'a fait subir, pendant toutes ces années. Je ne m'y attendais pas. Il m'a parlé, j'ai paniqué. Je pensais m'être endurci durant toutes ces années, mais finalement, lorsqu'il m'avait pris le poignet, le mien était si frêle par rapport au sien. J'avais l'impression d'être un agneau, pris au piège par un loup d'une ancienne meute mal réputée. Sa prise était si forte, tout en étant douce. Comme si il cherchait à me garder, mais tendrement. Quelles pensées naïves, bêtes, niaises. Je ne me savais pas si idiot, honnêtement.
Je me lève de mon lit pour me regarder dans le miroir, mon visage est rouge. Il faut que je me calme. Vraiment. Tout cela juste parce qu'il m'a pris le poignet. Je secoue la tête et me gratte l'arrière de la nuque. Je ne peux tout simplement pas perdre mes moyens face à lui, ma fierté me l'interdit. Si cela devait arriver, je ne me le pardonnerai pas. Et à la façon d'un samouraï, je me tuerai sans aucune hésitation, pour avoir nuit à mon honneur qui m'est si précieuse. Je ne perdrai pas face à lui.
J'entends la voix de ma mère m'appeler. Je descends lentement les escaliers et je fais dépasser ma tête du mur séparant la cuisine et le couloir.

-Oui maman?

Ma mère, une femme ayant la quarantaine, mais qui pour son âge, fait très jeune. On aurait pu facilement lui donner la trentaine, plutôt. Elle a une voix si douce lorsqu'elle me parle. Mais quand elle est énervée, il vaut mieux ne pas être dans les parages. Elle me fait remarquer que j'aurais pu dire bonjour en venant au lieu de monter directement dans ma chambre. C'est  vrai. Mais si elle savait.

-Désolé.
-Ce n'est rien. Alors, ton, premier jour dans ton nouveau lycée? Dit-elle sur un ton enjoué.
-...Normal.

J'hausse les épaules pour lui donner un pressentiment supplémentaire comme quoi la journée a été banale. Elle me regarde déçue, puis dans la minute qui suit, elle commence à me raconter sa rude journée de travail. Ma mère est bien gentille, mais je m'en fous. Je n'ai jamais osé lui dire qu'elle ait bu un verre avec un tel un tel, qu'elle ait fait tomber sa tasse ou qu'elle s'est engueulée avec un collègue, m'indiffère complétement. Avec tout ce qu'elle fait pour moi, je lui doit bien ça non? Même si j'ai  la désagréable impression d'être son psy. Mais bon. Je fais avec depuis un bon moment déjà. Après qu'elle ait fini, je soupire et elle me demande si j'ai faim.

-Non, je n'ai pas très faim ce soir.

Je lui fais un léger sourire et je retourne dans ma chambre. Je pense que je vais me mettre à dormir, maintenant. Il faut que je dorme, je serai si bien dans mes trêves, dans mes rêves, dans les vapes. J'adore dormir, je suis dans mon monde, personne ne vient me faire chier, je ne risque pas de tomber sur Hideaki, au moins. Ce crétin qui occupe mes esprits une fois encore, négativement. Je me change pour me mettre en pyjama et je me glisse sous les couvertures. Je suis bien comme ça, je me sens en sécurité. Je soupire de bien être et je ferme les yeux. 

Le lendemain, la chose que je hais le plus au monde, se met à sonner, à faire ressentir sa présence; mon réveil. Celui qui m'envoie aux Enfers chaque matin, c'est cruel. Il ne peut pas me laisser dormir tout le restant de ma vie? Au moins, dans mon somme, je pourrais décider de mes actions, comme un héro de shonen. Je l'éteins, et je me redresse dans mon lit. Je baille et je passe une main dans mes cheveux. Je suis crevé... Je sors du lit et je m'empresse de prendre une douche bien chaude. Sentir les gouttelettes brûlantes couler le long de mon torse me fait toujours du bien, ressentir ce sentiment de bien être dés le matin me détends, et me prépare pour la journée. Même si il fait chaud à en crever, je prendrai toujours ma douche chaude du matin, je ne peux pas abandonner une routine si plaisante juste à cause d'une simple température. J'enfile mon uniforme et je prends une tranche de pain de mie en bouche, je mets mes chaussures et je prends mon sac.

-J'y vais.

Je sors de la maison en prenant soin de la fermer à clef derrière moi. Je marche tranquillement sur le chemin du lycée, les mains dans les poches. J'arrive dans le lycée et je m'assois sur un banc, éloigné des groupes d'amis, éloigné de tout. J'ai envie d'être tranquille, une fois encore. Je sors un livre de mon sac, pour montrer aux autres que je suis occupé, que je ne suis pas prêt à m'engager dans une quelconque conversation. Tandis que je lis mon roman, je sens une ombre devant moi me cacher des rayons de soleil. N'est-ce pas clair, l'est-ce pas assez? Je soupire et lève mon regard vers mon élément perturbateur. Je sursaute lorsque je vois que c'est...Hideaki. Je fronce les sourcils et je range mon livre dans mon sac et je m'apprête à me lever. Sauf que lorsque je lève mon postérieur du banc, il me pousse légèrement pour me rassoir sur le banc, je me fais mal au poignet et j'écarquille les yeux. Les souvenirs refont surface. Non... Des images de moi ensanglanté me reviennent. Ne vous échappez pas de mon cœur je vous en pris... Accordez moi ce caprice, foutus traumatismes...

-Fubuki, écoute moi... S'il te plaît!!

Je lève la tête, une expression de douleur plaqué au visage, les dents et les poings serrés. Je le pousse plus violemment et il tombe par terre. Je me mets au dessus de lui et le regarde de haut.

-Ne m'appelle pas par mon prénom, enflure.

Je le regarde un moment et je cours, en prenant mon sac en route. Qu'est-ce qu'il me veut bordel?! Je ne lui ai rien demandé alors pourquoi vient-il m'embêter?... Je vais derrière le bâtiment du lycée et je souffle un bon coup après avoir avalé une grande bouffée d'air frais. Il faut que je me calme, ou je vais être dans le même état que hier. Je glisse le long de la parois froide, les larmes me menacent à nouveau de couler. Il faut vraiment que j'arrête de baisser la tête comme ça après l'avoir vu. Je me tape les joues et je passe une main dans mes cheveux. Je soupire et attends tranquillement que cela sonne. En première heure, j'ai sport. Je me dirige vers la salle de classe pour me changer en survêtement. Je croise le regard d'Hideaki et je lui lance un regard froid. Je n'y prête pas attention et me dirige vers mon casier. J'enfile rapidement mes vêtements de sport et mes baskets. Je me dirige ensuite dans le grand gymnase en suivant les élèves, je ne connais pas le lycée après tout. Aujourd'hui, j'ai entendu dire qu'on allait faire volley. Super... J'adore les sports d'équipes... Comme si j'avais le caractère d'être chef d'équipe ou quoi. Je ne veux pas être choisi, je veux passer ma vie sur le banc des blessés, des dispensés. J'ai rien à foutre sur le terrain. Finalement je dis au professeur de sport que je me suis foulé la cheville ce matin en venant, ce qui est totalement faux. Enfin, il est vrai que mon poignet me fait encore très mal à cause de l'autre brute... Je me masse le poignet en soupirant. Les premières équipes bleu et rouge se mettent en place sur le terrain, Hideaki fait parti de l'équipe rouge. Pour sa couleur de cheveux peut-être. Enfin bon. Je regarde dans le vide, pensant à toutes sortes de choses. Faisant semblant de m'intéresser au match alors que j'en ai rien à faire. Je soupire et ferme les yeux, finalement. Avant que je ne puisse avoir quelconque réaction j'entends quelqu'un hurler "Attention", c'était trop tard. Je me prends le ballon dans la tête, et je m'évanouis sur le coup. 
Quelques heures plus tard, je me réveille... A l'infirmerie? Je me redresse et pousse un gémissement de douleur.

-Reste allongé.

Je tourne la tête vers la source de la voix, c'est Hideaki, qui essore une serviette froide. Je fronce les sourcils et lui lance un regard méfiant. Qu'est-ce qu'il me veut lui? Je sers la couette de toutes mes forces restantes.

-Va t-en...

Il soupire et se rapproche de moi. Avec la serviette froide qu'il dépose sur mon front. Aaah c'est froid... Mais bon, cela me fait du bien... Je pose la main sur la serviette et m'allonge.

-Je peux enfin te parler sans que tu détales comme un lapin...Fubuki. 

-Arrête de m'appeler par mon prénom, tu n'es pas mon ami...

-Tu n'as pas d'amis, alors à ce rythme, personne ne te nommera par ton prénom  et tu finiras par oublier comment tu t'appelles. Non? Dit-il en ricanant.

Qu'est-ce qui lui fait croire qu'il peut rire devant mes yeux? Quel effronté, ça me dégoûte.

-Quoi qu'il en soit, sors. Je n'ai pas besoin de toi.

-... Pardon. Pour tout...

Je le regarde un moment, un sourcil haussé, dans l'incompréhension. Pourquoi maintenant? Je secoue la tête et lui tourne le dos. Je ne vois pas en quoi c'est le moment de demander pardon, j'ai une bosse sur la tête. Je soupire et me glisse à nouveau sous les couvertures. Il a reçu un coup ou quoi?

-Pardon pour les choses horribles que je t'ai fait subir, autrefois.

-Hein?...


Heart is breakableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant