3 : Démence

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Après un long repos nécessaire, il songeât à ouvrir la récompense, mais son ombre lui tapota l'épaule. Elle n'était pas plus grande que lui, beaucoup moins inquiétante. Courant le long des murs comme à son habitude, elle lui montra les panneaux arrachés, et lui fit comparer avec ceux qu'il n'avait pas lu. Ils étaient restés accroché en bas, les murs n'étaient pas fissurés et aucuns morceaux de liens sombre n'y étaient resté attachés. Mono venait de comprendre que l'ombre y tissait tous ses liens, que sa grosseur et sa force étaient rattachées à eux. Plutôt désappointé, il chercha le panneau « Pourquoi continuer », « Ce que tu regretteras de savoir », « Pas de retour en arrière possible. » et lui questionna : « Et ça ? Tu penses vraiment que j'aurais pu l'éviter ? ». Son ombre lui mima que s'il était stupide, que s'il se posait moins de question, réfléchissait moins, il ne lui aurait pas laissé le loisir de lui donner des attaches. Elle tempéra en affirmant qu'elle est là aussi pour assurer ses arrières et le protéger. « Parce que tu as cherché à me protéger hier ?! Tu te moques de qui ?! » Elle répond posément que s'il n'avait pas peur, il pourrait se tailler mille fois les veines avec du verre brisé sans prendre conscience du danger, ajoutant à cela que chez les ombres, tout est histoire de taille, d'apprivoisement, et qu'elle ne devrait plus essayer de le bouffer s'il apprend à la connaitre. Mono acquiesce d'une moue disgracieuse et s'apprête à ouvrir la fameuse porte, quand celle-ci lui retapote l'épaule. « Quoi encore ? » balança-t-il ? L'ombre prit une démarche gênée, prit le dos d'une planche et inscrivit ces mots : « C'est moi qui les ait tous écris... » Le sang de Mono ne fit qu'un tour, il largua un énorme « Salope ! » et frappa d'un direct du droit dans son ombre, c'est-à-dire contre un mur. Mono se tordait au sol de douleur, tandis que son ombre semblait se foutre royalement de sa gueule. Qui aurait cru ce n'était pas très constructif de se battre contre ses reflets ? Pendant que Mono récupérait de son mal aux phalanges, son ombre le rassura, affirmant qu'au moins il s'était guérit de la tumeur de l'ombre, la peur d'avoir peur, assurément ce qui l'a fait le plus grossir au dernière marches de l'escalier. « T'as fini la leçon ? On peut y aller ? » s'impatientât-il en se massant la main. Son ombre conclu en disant qu'il peut beaucoup apprendre d'elle, qu'au fond elle ne veut que le protéger et l'empêcher de souffrir car elle n'existe pas sans lui. « Mais je peux aussi choisir de te faire disparaitre. » Sa remarque la peine, elle affirme qu'elle ne lui en voudra pas s'il fait ce choix. Elle lui rappelle qu'il n'y a pas d'ombres sans lumières, pas de peurs sans désirs. Abandonner tout désirs inclus aussi celui de vivre. Mono rétorqua net : « L'envie de vivre ? Mais comment je pourrais bien la perdre ? Après tout ce que j'ai traversé ? ». L'ombre se rapetissa, penaude, murmurant qu'elle ne sait rien de plus que ce qu'il sait déjà. Mono s'impatienta pour de bon : « Alors pourquoi tu me dis que je peux apprendre de toi ? Tu me saoules à la fin ! J'ouvre cette porte ! » L'ombre gonfle, se tord en une voile de frégate, et fait résonner dans sa tête : « As-tu une seule idée de ce qu'est l'Absurde !? ». Mais Mono la rembarre pour de bon : « Non et je m'en carre du danger que ça peut être ! Rien ni personne ne peut être aussi chiante que toi alors c'est bon, je suis sevré ! ». Mono ouvre la porte. La vraie limite commence à rouler vers lui. La boule noire est réelle.

La forme de la salle était circulaire. En son centreplusieurs éléments se démarquaient les uns des autres : Une vasquecontenant à manger, un autre contenant à boire. Il se précipita sur les denrées,régénéra quelques forces et aperçu un autel. Il semblait prendre une placeconsidérable derrière les autres éléments, impossible à rater. Sur cet autelreposait un humain. Mono s'approcha de lui, et vit cet être les yeux clos, l'expressionneutre, tout muscles raides. Il le toucha, tenta de communiquer, de le fairebouger, en vain. Il remarqua dans sa main une entaille semblable à la sienne,sauf qu'elle n'avait pas coagulé. Les gouttes de sang tombaient avec unelugubre parcimonie dans une petite rigole rouge foncé. En lui soulevant lespaupières, il vit que le regard ne portait nulle part, sa peau avait un contactde glace. Ce n'est qu'à cet instant précis ou Mono ouvrit la porte noire, cellequi n'avait rien derrière. Même une fausse porte était plus compréhensible. Monotenta de questionner son instinct, mais il était malade. Sa raison aussi d'ailleurs.Il riait, pleurait ou les deux en même temps ? La belle horlogerie de sonesprit avait un rouage brisé et le reste du mécanisme crissaient d'un bruit stridentcausée par la rouille de ses sanglots. Détraqué, mais alors pourquoi tant deréactions ? Mono ne connaissait rien de lui, ce truc sur l'autel. Aprèstout, cette chose aurait pu être un parfait étranger comme son âme-sœur.N'importe qui qu'il fut, il aurait toujours été une rencontre. L'absencecruelle lui grignota le plexus. Certes, il avait déjà découvert la douleurphysique, la soif, la faim, le besoin de dormir, il avait réalisé que sonreflet n'était personne d'autre que lui, appris à connaitre bien des peurs maislà... Non, rien ne l'avait plus frustré, rien ne lui avait donné plus envie devoir, toucher, sentir l'autre que ce corps, ce reste d'une personne qui auraitmême pu être lui. Il finit par sécher son visage, éleva doucement la tête. Ilse retourna brièvement, son ombre avait quintuplé de volume. Celle-ci rugitcomme un prédateur et recommença à le poursuivre. Vite une porte, sortird'ici ! Il emprunta un nouveau couloir, ferma la porte derrière lui. Sonombre restait menaçante, mais bien moins grande qu'auparavant. « Qu'est cequi te prends tout à coup ? » lui lança t'il derrière lui en courant,mais son ombre grondait un râle profond sans message. Il ralenti sa course, lesbattements de son cœur, jusqu'à marcher et arrêter sa fuite. 

Ayant retrouvé soncalme, loin de la salle circulaire, il se retourna et dit avec aplomb :« Tu peux m'expliquer pourquoi tu t'es mis à grossir ? » L'ombresa justifia en disant qu'elle a du mal à parler une fois plus grosse que lui etsurtout qu'elle n'était plus seule. « Comment ça t'es plus seule ? »s'interloqua-t-il, puis son ombre lui pointa du doigt sa deuxième ombre. Déjàqu'une seule c'était compliqué à gérer, mais alors deux... Mono demanda desexplications à ses ombres, sa première lui répondit quelque chose comme :« Tout ce que je sais c'est qu'elle ne fait pas partie de moi. Comme je necherche qu'à te protéger elle doit surement être très dangereuse. Je ladéteste. » tandis que l'autre se taisait, glaçant l'atmosphère. Monocontinua son chemin, jusqu'à ce qu'il atteigne une nouvelle porte, neréfléchissant pas plus, ne cherchant pas à comprendre ce qu'il se passait,comme si la réponse lui tomberait une nouvelle fois dans les bras, une fois laprochaine porte franchie. Il ouvrit la porte suivante, qui donnait sur la mêmesalle circulaire. Et cette charogne... Les ombres grandirent rapidement à vued'œil mais Mono fit rapidement volteface. Il marchait maintenant en paschassés, dos à la mort ou plutôt son résultat. Ses ombres rodaient à nouveau,unies et séparées, nourries par ses questions sans réponses qu'il luttait àignorer. Il arriva ainsi devant une autre porte, et l'emprunta pensant qu'ilétait préférable de ne pas rester ici. Ne pas tomber. La gigantesque caged'escalier était devenue un gouffre vorace, toute cette hauteur parcouruel'avait mis en proie à une chute fatale. Bien qu'il ne soit jamais tombé de sihaut, il crut sentir ses yeux zoomer vers le fond insondable, aspiré par levide. En un éclair l'ombre avait lancée des grappins par vingtaine. De vieuxpanneau délaissés se replantèrent aux murs à nouveau et il n'y eut qu'unephrase qui bariolait peu à peu toute la salle « A quoi bon ? ».Mono était trainé vers le vide, mais l'autre ombre l'empêcha de sombrer en seraccrochant aux vasques. Tirailler par deux peurs contradictoires, il fitcependant le choix de se retourner, suivant les lignes de l'ombre qui cherchaità le sauver, fixant au maximum la vasque de nourriture. Après un long momentqui lui fit tourner, il entendit des cordes céder derrière lui. La toutedernière phrase était courte et simple, mais il semblait l'avoir un peuoubliée. Dans un état de conscience approximatif, il referma la porte derrièrelui. Les ombres ne savaient plus quelle forme prendre, et Mono se dirigea versles vasques en titubant. Il mangeât jusqu'à avoir mal au ventre, bu jusqu'à serendre malade et s'endormi avachi sur le sol. 

Mono ou La peur de vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant