Il était 18h, peut-être, le soleil brillait encore derrière les nuages, les gens allaient et venaient, s'arrêtaient attendre le tramway, le monde bougeait comme chaque après-midi dans le centre de Nantes. Margaux était de ceux-là qui, les écouteurs vissés sur les oreilles, laissait se dérouler les quelques minutes indiquées sur le panneau d'affichage. Rien ne semblait dépasser. Il y avait bien une jeune femme, à quelques mètres, entourée de deux hommes ridiculement cachés sous leur capuche. On ne la voyait pas, on ne la remarquait pas. Comme si elle était là depuis toujours, que ses "Laissez moi" et c'est "Je ne suis pas intéressée" faisait parti intégrante du brouhaha urbain, et ce depuis toujours. Margaux due bien admettre que le regard qu'elle leur lançait n'avait rien de convivial, de poli, ou d'amuser. Elle remarqua vite qu'elle fuyait désespérément, quelques pas à droite, quelques pas à gauche, les yeux fuyants eux aussi. Notre héroïne retira ses écouteurs, rangeant ces derniers dans son sac et, les sourcils froncés, tenta de s'assurer que ce qu'elle croyait était réalité : que cette pauvre fille se faisait emmerder - pardonnez ce terme cru, mais on appelle ça emmerder dans la langue des femmes. La rouquine se reconnaissait dans ces gestes, tout comme elle reconnaissait des cons dans les hommes qui l'entouraient.
Et personne ne bougeait. Personne parmi les dizaines de citadins entassé à l'arrêt n'avait le cran d'intervenir. Certains dirait que personne n'avait le culot, certains idiots. Margaux n'avait rien d'un super héro, elle était rongée par la timidité, mais quel genre de salaud sifflote le générique de pokemon à côté d'un harcèlement ?
"Léa ! Ça fait un bail putain, comment tu-vas ?"
Elle vint s'interposé, serrant amicalement dans ses bras cette inconnue. Un baiser sur chaque joue, d'un air naturel, souriante, avant de se tourner ses yeux noisettes sur chacun des hommes.
"Tu les connais ?" demanda Margaux entre innocence et soupçon.
La demoiselle ne répondit pas. Ils ne la regardèrent pas, tournèrent les talons, s'en allèrent sûrement emmerder une autre femme qu'ils appelleraient "responsable" par la jupe ou le décolleté qu'elle porterait. La rousse put lire le soulagement, la reconnaissance dans les yeux de celle qu'elle venait d'aider. Ceux-ci se remplirent de larme, tandis qu'elle hoquetait un "Merci". Margaux sentit son coeur se serrer à cette vue. La fille était jeune, adorable, magnifique aussi, bouleversée et tremblante dans la voix et dans les gestes.
"De rien, sourit Margaux, j'étais obligé. Ils n'ont pas le droit, tu sais. C'est des connards. On doit s'entraider si personne d'autre ne le fais. Tu veux que je te raccompagnes chez toi ?"
"Margaux pète le feu", hein ? Serais-je trop insolente si je disais que non, Margaux ne pète pas le feu, mais qu'elle est une femme qui a connu les mêmes emmerdes quotidiennes, le même harcèlement que beaucoup trop des femmes aujourd'hui. Margaux a un coeur. Je profites de ce passage pour faire passer un message : merde, c'est un traumatisme, c'est dégueulasse et sexiste, tout le monde le sait, tout le monde le dit, mais alors pourquoi personne ne fait rien ? Est-ce qu'on va vraiment finir par acheter des bombes lacrymogène à nos filles pour qu'elles osent mettre un pied dehors ? J'espère bien que non. Il ne faut pas être Super Man pour faire sembler de connaître une personne et l'aider, il ne faut être ni fort ni charismatique. Tu ne risques rien, et tu sauves une pauvre fille qui n'a rien demandé. C'est dur ? Non. On ne parle de pas viol. On ne parle même pas de viol. Si personne ne peut empêcher les mecs de harceler une femme dans la rue pour avoir son numéro et, on en doute pas, l'emmener dans son lit, comment pour voulez empêcher des viols ? C'est comme ça que tout commence, c'est à la fois rien et tout. Alors, pour une fois, ouvrez la. Capiche ?
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Margaux Visdeloup.
General FictionMargaux est passé par beaucoup. Elle a surmonté, a enduré, appris et aimé. Anna, surtout.