On raconte que la présence d'un miroir, placé en face du bocal d'un poisson combattant, amène celui-ci à cogner la vitre transparente de son habitat. L'être des eaux s'alarme de l'apparition soudaine d'un ennemi : son propre reflet. Sa volonté de détruire son vis-à-vis n'est alors que le réflexe qui en résulte. Un réflexe de survie. L'animal aquatique frappera sa tête molle contre le verre, indéfiniment, jusqu'à qu'il se tue ou qu'on lui retire la menace de son double.
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Le miroir de ma chambre est haut, frôlant presque le plafond. Imposant, il surplombe mes meubles tel un gratte-ciel à l'orée de pavillons.
Le miroir de ma chambre me renvoie un reflet qui me fait frémir de dégout, verser une larme de tristesse ou tendre un poing rageur.
Le miroir de ma chambre est dans un coin. Je pourrais facilement l'éviter, le contourner, esquiver l'attaque de ses rayons en détournant mes prunelles de sa vérité...
Mais ce long rectangle de verre me rend masochiste sur les bords. Dégout, tristesse, colère : plutôt que de les ignorer, je pars à leur rencontre en même temps qu'à celle de mon portrait.
Celui-ci condense ma laideur extérieur et intérieur, les deux s'étant peu à peu entremêlées.
Je me suis trouvée hideuse, je l'ai intériorisé.
Je ne souriais plus, pourtant le seul remède pour m'illuminer.
L'extérieur est venu briser les barrières de mon être, s'y immisçant, rendant mon cœur aussi difforme que mon enveloppe. Ce processus m'a façonnée à l'image des protagonistes de contes : nombreux sont les "mauvais" représentés laids, nombreux sont les "bons" représentés beaux. Comme si la corrélation tombait sous le sens...
Cruauté.
Dans ces histoires vivent aussi les "autres". Personnages du décor, ils n'interviennent pas dans le récit ou si peu. Ils sont sans couleurs, sans reliefs... Invisibles.
Moi, j'oscille entre les traits noires, verdâtres et marrons des disgracieux et ceux à peine esquissés et non teintés des oubliés.
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Certains prennent leur dose d'énergie en avalant d'une traite un café serré.
D'autre prennent leur dose de confiance en soi en se désaltérant de plusieurs verres d'alcool ou en inhalant des herbes pas nettes.
Moi, l'irrationalité me pousse à en prendre une de toute autre sorte : une dose de complexes.
Je sais que la glace me fera mal mais - je ne peux m'en empêcher - je m'avance vers elle...
Et, dans ces moments de face à face avec moi même, je deviens poisson. Mais qui, à la différence de l'être bigarré aux très longues nageoires, n'est pas combattant.
Un poisson qui ne lutte pas donc, mais qui hait de toute son âme son être mis à nu dans la glace. Qui aimerait le modeler en profondeur mais ne sait pas comment s'y prendre. Qui cognerait le verre à l'en briser s'il le pouvait. Qu'importerait les mains ensanglantées, le reflet serait à tout jamais détruit. Il n'y aurait plus d'être, plus d'ombre, plus de chair...
Juste un cœur battant.
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Texte beaucoup plus long de ce que vous avez l'habitude de voir, donc je vais pas trop m'étaler.
N'hésitez pas à laisser un avis sur la forme ou le fond (les complexes). ^-^
Je me suis fait un petit délire avec les poissons x)
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Nos Peines, Nos Chaînes
PoesíaC'est l'histoire d'une vie ou de plusieurs. De moi, de il ou elle, de vous, de nous. C'est l'histoire d'un bonheur et d'une liberté qui se sont faits papillons. Ils volettent à notre portée mais nous n'arrivons pas forcément à les attraper... Nos pe...