L'horloge du tableau de bord de la voiture indiquait 05:12. Les premières lueurs rougeoyante de l'aube faisaient enfin leurs apparitions. La nuit avait été particulièrement longue et ennuyeuse et elle touchait finalement à sa fin. Dans moins de deux heures, l'équipe de jour prendrait le relais et ils pourraient enfin rentrer chez eux et se reposer.
On ne devenait pas gendarme par hasard, c'était une vocation, sans cela il était impossible de suivre le rythme. Les 35 heures, ils les faisaient régulièrement en seulement deux jours. Pour Samuel plus qu'une vocation, c'était une fierté de famille qui se transmettait depuis plusieurs générations de père en fils.
Quiconque connaissait la famille de Samuel avait un jour ou l'autre entendu son grand père lui raconter la traque et l'appréhension de Max Ricci, l'un des mafieux les plus influents des années 70. Un des articles de journaux qui concernait cette arrestation, était encadré et ornaient le manteau de la cheminée de l'habitation de son grand père comme un trophée de chasse.
Tous les hommes de la famille intégraient la police nationale que ce fusse dans les brigades spécialisées ou simplement gardien de la paix. Pour sa part, Samuel avait choisi d'intégrer la gendarmerie qui était très différente car ils étaient militaires. Contrairement aux policiers, les gendarmes savaient quand ils prenaient leur service mais les gardes pouvaient parfois durées deux jours d'affilé. La motivation n'était pas sans faille, il arrivait parfois à Samuel d'en avoir marre de ne rien pouvoir prévoir, de refuser la plupart des invitations de ses amis et que la population soit si peu reconnaissante puis il sauvait la vie d'une personne ou il mettait un salopard derrière les verrous. C'est dans ces moments-là qu'il se sentait vraiment utile et à la bonne place.
Samuel avait beaucoup d'ambition et il se rêvait déjà membre d'une unité d'élite telle que le Groupe d'Intervention de la Gendarmerie Nationale (GIGN) ou le Peloton de Surveillance et d'Intervention de la Gendarmerie (PSIG). Tous les soirs, il scrutait les offres. Il travaillait dur que ce soit physiquement ou intellectuellement pour ne pas rater la prochaine occasion.
Clarisse avait fait une arrivée très remarquée dans la petite brigade de Jouars-Pontchartrain. Elle avait un physique de top model, grande, blonde aux cheveux bouclés et aux mensurations de mannequin. Ses yeux gris changeaient de couleur en fonction du temps. Les préjugés dans cet univers masculin allaient bon train et quelques minutes après son arrivée, certains refusaient déjà de faire équipe avec cette « playmate » car ils ne se sentaient pas en sécurité.
Quelques jours plus tard elle gagna leur respect lors d'une arrestation. Elle maîtrisa à elle seule, un colosse de plus de 100 kilos en quelques secondes et sans aucune difficulté grâce à une clef de bras judicieusement effectuée. Elle avait fait ses armes dans la gendarmerie mobile et n'avait pas peur de rentrer dans le tas lorsque c'était nécessaire, peu importe la carrure de la personne en face.
Aujourd'hui, c'était la première fois qu'ils travaillaient ensemble. La tranquillité de cette nuit leur avait permis de faire plus ample connaissance. Clarisse était une femme particulièrement intrigante, si on s'arrêtait à son physique, ses ongles manucurés et son maquillage, elle paraissait superficielle mais quand on creusait un peu on découvrait une force de la nature avec du caractère. Elle n'était pas femme à se laisser marcher sur les pieds. Grâce à plus de dix années de cours de Krav Maga, elle maitrisait des techniques de combats de l'armée israélienne.
Le lieutenant avait informé Samuel qu'elle s'était distinguée plusieurs fois lorsqu'elle était gendarme mobile pendant les manifestations.
Cette femme ne le laissait pas indifférent surtout qu'il était de nouveau célibataire depuis peu.
Son regard se noyait dans celui de la jolie blonde, il buvait chacune de ses paroles quand soudain la radio le sortit de ses pensées.
« Tango Delta de centre opérationnel de la gendarmerie message prioritaire prenez note.
– Les affaires reprennent... » Samuel sentit deux sentiments contraires se percuter, d'un côté il y allait surement y avoir enfin de l'action mais de l'autre il aurait préféré que Clarisse se dévoile un peu plus. Il saisit le micro et l'actionna. « Transmettez C.O.G. pour Tango Delta.
– Individu suspect au 147, un quatre sept grande rue, homme environ un mètre quatre-vingts, sweat à capuche gris et jean bleu. La requérante est la voisine. L'individu a cassé une fenêtre et se trouverait toujours sur les lieux. Nous ne savons pas si l'individu est armé.
– Bien reçu C.O.G. nous nous rendons sur place. Message prioritaire terminé. »
Clarisse enclencha le gyrophare et mit en route le bi ton avant que la Clio bleu marine traverse à tombeau ouvert la petite commune de Jouars-Pontchartrain. A l'approche de l'adresse indiquée, ils ne laissèrent que le signal lumineux pour éviter de faire fuir le suspect. La voiture se gara face à l'habitation et les deux gendarmes sortirent du véhicule arme au point.
A peine arrivé sur les lieux, ils firent les premières constatations et ils remarquèrent immédiatement que la porte comportait une vitre brisée. Des gouttelettes de sang coulaient le long des fragments de verre. La porte avait été laissé entrouverte, ils la poussèrent un petit peu plus avant de s'annoncer.
« Gendarmerie ! Gendarmerie ! »
On aurait dit qu'ils se connaissaient depuis toujours. Sans s'être concerté, ils se protégeaient mutuellement. Ils fouillèrent les pièces du bas, ils firent chou blanc mais ce qui était étrange c'était qu'il n'y avait pas la moindre trace d'un passage. Pas un tiroir retourné, pas une seule affaire au sol et personne en bas.
A l'étage, alors qu'ils ouvrirent une énième porte, ils se retrouvèrent dans une chambre dans laquelle ils trouvèrent un homme affalé sur le lit. Il était encore tout habillé et ronflait très fort. Les gendarmes le réveillèrent. Tout d'abord, comme ils s'y attendaient, l'homme pris peur lorsqu'il vit les militaires le braquait avec leurs armes de service. L'homme hurla et répéta au moins une dizaine de fois qu'il n'avait pas d'argent et il se mit à pleurer. Il lui fallut un moment avant de comprendre que ce n'étaient pas des braqueurs mais la gendarmerie. Les gendarmes comprirent, pour leur part, très rapidement la situation lorsque l'haleine de l'homme qui empestait le whisky et autre alcool leur arriva aux narines.
Ce que la voisine avait pris pour un cambriolage n'était autre qu'un homme saoul qui ne trouvait pas ses clefs et avait préféré fracturer la fenêtre de sa porte d'entrée plutôt que d'appeler un serrurier.
Après avoir informé le COG de la conclusion de cette enquête éclair, les gendarmes reprirent leur patrouille.
Samuel regarda de nouveau sa montre, il fut soulagé de constater qu'il restait moins d'une petite demi-heure avant de retourner à la caserne et de se plonger dans son lit mais cela c'était sans compter sur le dernier appel qui changea sa journée et surtout le cours de sa vie toute entière.
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Haiti
Mystery / ThrillerPlonger au coeur d'une enquête qui vous emmènera au plus profond de l'horreur.