Prologue

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Le chat déboula par sa chatière dans la rue principale, jonchée de nombreux déchets stagnant dans des flaques d'eau parsemant le sol. La pluie tombait drue. La bête s'ébroua, secouant ainsi son poil noir gorgé d'eau. Mais à peine fut-il sec, que de nouvelles gouttes vinrent le mouiller. Il détestait ce temps. Aussi, il se remit en route, les oreilles plaquées en arrière, les muscles bandés. Il traversa la rue très vite. Une fois de l'autre côté, il se retrouva protégé par l'avancée d'un toit. Ainsi, il longea les murs, puis bifurqua. Il se retrouva dans une étroite venelle, où des sacs de déchets, dégageant une odeur fétide, prenaient presque toute la place. Ses yeux verts, dont les pupilles s'étaient dilatées au maximum, effleurèrent la silhouette d'un modeste escalier de pierre menant au porche d'une maison branlante. Sans plus attendre, il décida d'y monter. Aussi silencieux qu'une ombre, sa silhouette déformée sur les murs à peine éclairés, il gravit les marches inégales jusqu'à atteindre la plateforme. Là, il découvrit une fine barre de métal qui grimpait jusqu'aux toits. Le félin n'hésita pas une seconde et, pas à pas, ses coussinets l'empêchant de déraper, il se rendit tout en haut. La pluie avait presque cessé lorsqu'il eut terminé son ascension. En équilibre sur les tuiles encore glissantes, il regarda autour de lui. De son perchoir, il pouvait voir les rues zigzaguant entre les maisons aux toits pointus, et aux volets clos. Une lumière brillait, au loin. La stricte et froide silhouette de la tour de l'église se découpait sur la toile sombre que formait le ciel. Ses cloches se mirent soudainement à sonner avec violence dans le silence de la nuit. Cela fit sursauter le chat. Mais il se remit vite de ses émotions. Faisant abstraction du bruit, il ferma les yeux en humant l'air humide, rafraîchit par l'averse. Il sentait l'odeur d'autres animaux – des rats pour la plupart, mais aussi quelques-uns de ses compères qui se battaient pour un morceau de nourriture. Un délicieux fumet vint lui chatouiller les narines. Des rires lui parvinrent ensuite. Il devait s'agir d'un de ces endroits que les humains fréquentaient, tard le soir. C'étaient de petites salles, empestant la fumée, où les gens jouaient, se battaient, riaient. Le chat aimait bien ce genre d'endroits. Et puis, les humains ne finissaient jamais leurs plats. Aussi subitement qu'elle avait commencé à sonner, la cloche de bronze s'arrêta, coupant court à ses délicieuses pensées. Le claquement d'une porte lui fit tourner la tête dans cette direction. Il eut tout juste le temps de voir une ombre s'enfuir dans l'obscurité. Une drôle de sensation lui parcourut l'échine. Pourtant, il mit ceci de côté. Pour l'instant, il voulait redescendre et se faufiler par la vieille poterne entrouverte du bar. Peut-être resterait-il un peu de jambon oublié dans une assiette ?

L'Empailleur d'EnfantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant