Chapitre 3

1.1K 103 5
                                    

« L'homme le plus fort du monde est celui qui est le plus seul. »

Henrik Ibsen

Ce moment horrible m'avait toujours hantée.

Ce moment où j'avais découvert l'ampleur de mon don.

J'avais environ neuf ans et des poussières lorsque cet évènement traumatisant s'était produit. J'étais tranquillement assise en classe, cherchant mon cahier d'exercices dans mon cartable afin de le donner à ma maîtresse qui le réclamait. Au fur et à mesure que je retournai les feuilles volantes couvertes de dessins qui remplissaient mon sac, j'avais senti un nœud se nouer dans mon ventre, il n'était pas là. J'avais levé les yeux vers la femme sévère qui attendait toujours, c'était une personne dépourvue de douceur et d'instinct maternel, colérique et vraisemblablement mal faite pour le métier qu'elle exerçait. Notre échange s'était éternisé et son regard s'était durci. Elle m'avait violemment prise par la main, pour me mettre dans un coin mais s'était arrêtée à mi-chemin, me tenant toujours, pour me gronder plus à son aise. Sur le moment, j'avais eu peur et le contact de nos deux peaux nues s'était électrifié. Elle ne me lâchait toujours pas et avait brusquement commencé à me secouer. La panique m'avait envahie et, la trop longue durée de notre contact aidant, j'avais explosé. Pas dans le sens « flammes, destruction, hurlements et chaos », mais intérieurement. Mon esprit avait repoussé les horribles pensées de la maîtresse et toute l'énergie formée par ma peur et ma frustration accumulées dans son corps. J'avais eu le temps de voir son regard d'horreur pure avant qu'elle ne soit prise de spasmes et qu'elle ne tombe à terre. Au bout d'un moment qui avait paru durer des décennies à mes yeux horrifiés, elle s'était immobilisée. Morte.

Personne ne s'était jamais douté que la petite fille perdue que j'étais pouvait être responsable de ce malheur. « Crise cardiaque » avaient conclu les adultes, sûrs d'eux.

J'aurais dû être heureuse de ne pas avoir été découverte, mais ce n'était pas le cas. J'avais du garder cet immense poids sur mes épaules toute ma vie, toute mon enfance, sans pouvoir me confier à quelqu'un.

Evidemment.

Qui aurait pu être ce quelqu'un ?

Je n'avais personne.

J'étais seule.

·

·

Une Dirigeante se tenait devant moi. Lorsqu'elle me vit, une lueur intéressée s'alluma dans son regard.

« - Bonjour Mademoiselle, vous devez être Kat... Tumberry, non ? me demanda-t-elle.

- Euh...oui, je vais appeler mes parents. »

J'avais glapis ces derniers mots d'une voix faible avant de tourner les talons en direction de la salle à manger, où se trouvaient Shannon et Oliver.

Lorsque j'arrivai devant eux, je ne réussis pas à prononcer un seul mot.

« - Aurai-tu l'obligeance de nous dire qui est à notre porte ?! S'exclama ma mère avec énervement.

-Il y a une...une Dirigeante... balbutiai-je tant bien que mal »

Aussitôt les visages de mes parents se décomposèrent. Ils se tournèrent l'un vers l'autre et échangèrent un long regard inquiet. Oliver prit enfin la parole.

« - Ma chérie...tu as fait quelque chose de mal ? demanda-t-il à sa femme.

- Non, et toi ? lui répondit-elle d'une voix tremblante.

-Moi non plus. Alors... »

Ils pivotèrent vers moi d'un même mouvement.

« - Kat ! J'espère que tu n'as rien fait de répréhensible ?! Si tu nous attire le moindre ennui... Tu pourras chercher d'autres personnes chez qui loger ! me dit Shannon d'une voix sifflante. Va la chercher. Et dépêche-toi ! »

Terrifiants pouvoirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant