La jungle

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Vous êtes à bout de souffle et la fatigue vous détruit petit à petit le moral. La jungle est terriblement épaisse, oppressante. Elle se referme de plus en plus sur vous, vous emprisonnant dans ce monde moite, vert...et dangereux. Dire que le début de l'expédition se déroulait dans la bonne humeur... vous croisiez des animaux tous plus surprenant les uns que les autres, des fleurs aux parfums et aux formes attirantes et l'air était, à la limite, supportable bien qu'humide et odorant. Les bruits d'eau, de cascades déferlantes. Les lumières du ciel vous enveloppant dans un halo vert et brumeux. Vos compagnons étaient des hommes et des femmes courageux et déterminés à avancer pour explorer d'avantage. L'exploration de cette jungle a toujours été un grand rêve pour vous tous.
Et maintenant, vous regrettez votre vraie maison et par dessus tout, le repos et la vie tranquille. Des seize camarades de départ, seulement cinq ont survécu aux maladies, à la faim, aux accidents de parcours... Pauvres types...
Vous continuez d'ouvrir le chemin grâce à votre machette. Vos quatre amis vous suivent à la trace et ils affichent une mine de désespoir total. Leurs traits sont émaciés et ils sont couverts de cicatrices. Voilà trois heures que vous marchez et chaque plante, chaque bruit devient l'objet de craintes.
Vous vous arrêtez soudainement. Une clairière ! Dans cette jungle ! C'est un miracle ! Vous interpellez les autres :

" C'est... c'est bon ! J'ai trouvé une place pour le camp !"

L'un de vos amis regarde le ciel. Il est sombre. La nuit tombe. Tous ensemble, vous vous empressez d'allumer un feu et de monter la tente. A peine après avoir posé votre sac de victuailles et divers objets plus ou moins utiles, vous tombez à la renverse. Une douleur aiguë agite votre jambe et vous sentez les larmes monter aux yeux. Votre mollet est lacéré d'une immense et sanguinolente plaie suintante. Une vieille blessure que vous auriez aimer oublier... Le sang est tellement infecté qu'il commence à virer au vert - noir et le pus sort tout autour de la blessure. C'est si profond qu'on pourrait y voir l'os. La douleur élance votre jambe entière. L'un de vos amis s'approche :

"Oh merde... tiens bon, on va te laisser la place dans la tente et t'soigner ça..."

- Saloperie de forêt...renchérit un autre. J'aurais jamais dû partir dans cette partie là. La prochaine fois, il faut prendre l'est...

- S'il y a une prochaine fois..., dites vous avec peine.

- Tout le monde connaît déjà l'est de la jungle. Au moins nous auront eu le mérite de découvrir quelque chose...

- Avec tous ces morts...vraiment. Je repense à celui qui s'est fait bouffer par les fourmis...

- Oh ta gueule, on s'en souvient..."

Vous êtes fatigué. Si fatigué que vous n'arrivez même plus à savoir qui parle à qui dans le groupe. Vous voulez dormir. Vous essayez de vous remémorer les plus beaux instants passés avec tous vos amis, vivants comme morts mais cela ne vous apporte que les souvenirs de leur fin atroce pour la plupart. Vous revoyez la rivière en crue, noyant deux de vos camarades et engloutissant une bonne partie des vivres. La nuit à six dans des tentes pour deux avec les moustiques apportant le paludisme, la malaria... La boue et l'eau qui allèrent jusqu'à pourrir un des membres de l'équipe. La faim vous dévorant, les animaux vous attaquant par peur ou fureur...
Vous êtes à bout. Les quatre autres aussi. L'un a perdu un oeil, un autre n'a sans doute plus que quelques jours à vivre vu l'état de sa face - rouge de fièvre et constamment une expression nauséeuse, un autre cas de malaria - et vous, avec votre jambe.

"Oh, t'inquiète pas ! Regarde ! Le feu est allumé !"

C'est votre plus fidèle ami. Celui qui a perdu un oeil mais qui a encore l'espoir de sortir vivant. Vous ne l'écoutez même plus. Vous ne le croyez même plus. Même la chaleur réconfortante du feu ne parvenait pas à vous ôter de l'esprit l'idée que personne ne s'en sortira.
Vous vous traînez jusqu'à la tente. Vous vous affaissez. Vous entendez les autres dehors se mettant soudainement à hurler et plusieurs rugissements. Vous vous en fichez. Vous saviez bien que personne ne survivrait.

Puis brusquement, tout devint noir.

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