❝ 𝐎n toque, avant d'entrée ❞

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𝐋e manoir surplombe la forêt, sa toiture crève le ciel du mieux qu'elle peut, la tour principale tranche la lune et cette dernière expose son reflet sur le bois noirci du bâtiment. D'ici, il serait évident de croire que cet endroit est inhabité, que les enfants viennent parfois se loger ici en quête d'un peu de frayeur parce que, dans la région, on sous-entend que les lieux sont hantés par un être blanc qui se pavane entre les couloirs, fait craquer les escaliers et pousse un râle dès qu'on pousse sa porte.

    Il serait fou de s'aventurer là-bas, personne n'ose vraiment mettre les pieds dans ces lieux, même les enfants, personne n'a l'audace de vérifier les légendes forgées autour de cet endroit. Si il était réellement hanté, on le saurait déjà, la presse en recherche d'un peu de frisson à revendre aurait déjà empiété ici pour essayer de saisir le cliché du siècle. La réalité c'est que jamais personne n'a poussé cette porte, jamais personne n'a gravit les marches du perron ni-même un peu approché cet endroit qui repousse juste à la vue. Pourtant, entre les sapins du bois, passant au dessus des racines, tentant de ne pas se mêler les pattes dedans, un homme balade son corps là, tenant une lanterne éclairant un peu le passage. Il a le bras tendu, tout son corps l'est. Il est vêtu de noir, seuls ses yeux d'ambre ressortent de manière à trancher la nuit. Un hiboux, si on peut dire, partit en quête d'un animal à se mettre sous la dent, en quête de viande fraîche et d'os croustillants.

    Il n'a pas l'air âgé, le visage n'est pas marqué par le temps et pourtant il semble être marqué par quelque chose de plus violent et ingrat que l'âge, quelque chose qui pourrait détruire quiconque protégeant son apparence ; les blessures du passé, les blessures de sa vie, de son travail. On appel cela un chasseur, mais pas de celui qui court après le chevreuil armé d'un fusil, non. Un chasseur qui chasse les capacités, la dangerosité des autres. Engagé par une société qui a comme but premier d'assurer la protection des villes, de les épargner de la fureur des créatures. Aujourd'hui il n'a aucun contrat à mener, juste l'ambition de couper une tête et de la ramener. C'est un chasseur déchu, à qui on ne confie plus rien, à qui on ne donne aucune confiance. La croix marquée au fer rouge sur sa joue droite parle d'elle-même ; signe distinctif de la trahison. Une marque que l'on ne cache pas, de celle que l'on supporte, de celle qu'on tente d'oublier en silence.

    Il se présente enfin face à la bâtisse, ses sourcils se froncent. Un vent frais parcoure l'endroit et vient chatouiller ses joues, sa nuque. Il remonte le col de son manteau, un vêtement qui lui tombe jusqu'aux pieds, qui couvre son corps au mieux, qui le fait glisser dans la pénombre. Il rabaisse un peu la lanterne, siffle et un animal saute à sa gauche ; un loup, gris, à l'évidence. Il s'assoit prêt du maître, sa queue pousse un peu les feuilles mortes qui jonchent le sol. Un silence s'installe alors que les pupilles ambrées du chasseur examinent le bois noir du manoir, ses fenêtres du rez-de-chaussée éclatées dont certains morceaux de verre remplissent le sol du perron. Tout à l'air de craquer dans cette baraque, difficile de croire qu'elle tient encore debout. Il est possible que des centaines d'années traînent dans son dos et pourtant, la voilà toujours debout. Pourquoi personne n'a pensé à foutre le feu à cet endroit pour de bon ? Tout le monde semble frissonner à l'idée même que l'on puisse apporter des torches enflammées ici, tout le monde craint une malédiction quelconque. Il finit par soupirer, il ne croit pas aux rumeurs, légendes et autres bêtises que l'on balance dans les bars du coin.

Son pied gauche se pose sur la première marche du perron, elle n'a pas l'air solide pour un sous, il mesure un peu la faiblesse du bois, abîmé par l'humidité et le temps si ravageur. Ses yeux se braquent sur le loup qui attend sagement, toujours assit au même endroit, qu'on lui donne l'ordre de bouger. Pour le moment, il doit rester là à faire le guet et alerter en cas de problème. On ne sait pas ce qui pourrait venir troubler le calme de la forêt. Le chasseur entame la montée des quelques marches qui craquent sous son poids. Il atteint le perron et découvre, haussant un sourcil, une multitude d'oiseaux mort, les plumes servant presque de tapis à l'entrée. Majoritairement ce sont des corbeaux qui semblent être venu attendre la mort ici, dont personne n'a rien arraché de leur corps en putréfaction. Il hume un peu l'odeur, effectivement, ça sent le cadavre. Après un rapide coup d'oeil il s'aventure jusqu'à la porte principale du manoir et s'engage à la pousser. Quelques centimètres d'ouverture avant qu'elle ne se bloque, retenue par des chaînes en argent véritable. Fermée de l'intérieur ? Pourquoi faire ? Il s'abaisse et passe sous ses dernières, son corps est assez mince pour pouvoir se faufiler. Par ailleurs, ce n'est pas le plus épais des hommes. Son corps est souple, enclin à passer partout. Il arrive alors dans l'entrée du manoir, un énorme lustre menace de tomber à chaque instant au-dessus de sa tête, un escaliers principal se présente face à lui, l'unique qui permet d'accéder aux étages.

BEASTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant