BEAST

𝐂'est toi qui paies

       

Gangrène du coeur,
Endormie sur la banquette arrière, les faibles rayons du soleil qui crèvent les nuages gris défilent sur son visage à mesure qu'ils passent les carreaux de la Lincoln. Depuis le rétro, Remington lui accorde quelque coup d'oeil. Il ne sait plus trop quoi penser d'elle et si son plan fonctionnera vraiment, si il aura une véritable valeur auprès des siens. Il devrait envisager de revoir son plan, commençant à douter sur le fait qu'elle sache très bien ce qu'il entreprend de faire ; la vendre à sa famille comme un putain de trophée de guerre. Honorer son blason avec un être bel et bien vivant, n'est-ce pas un peu cruel même de la part d'un homme qui un jour a été chasseur ?

On enseigne à ceux qui seront de futurs prodiges de la mort, que le coeur ne doit pas exister face à la bestiole que l'on prend en chasse. Une belle créature, un être qui pourrait devenir son frère, on ne peut pas se permettre de baisser les épaules et de laisser ses sentiments prendre le dessus parce que sinon l'autre vous bouffe sans remord. Alors, il faut être plus froid que son adversaire, savoir être plus violent et brute, sans vie et avec un seul intérêt, la gloire de la famille. Remington, comme ces deux autres frères, a subit le même entraînement donné par son père, chasseur de longue date qui a tué des centaines de bestiole. Il les appelle « les déchets du nucléaire » et pour lui, ça sonne plutôt bien. A une époque, Remington partageait ses idées.

Aujourd'hui il remet en doute ce qu'on lui a inculqué.

Ces bestioles, que l'on dresse comme des êtres maudits dont il faut en éradiquer tout ceux qui vivent sur cette Terre. Ils ont quand même un aspect humain, évoquent des sentiments et vivent selon des coutumes et des valeurs. Depuis que la croix au fer rouge lui a été plaqué sur la joue il cherche à comprendre pourquoi haïr un être qui finalement lui ressemble un peu. Fate, couchée dans son dos, elle n'a rien de bien cruel. Juste un lot de sentiments déchirant mais rien de plus. Elle n'est pas non plus de mauvaise compagnie, pour le moment. Il craint juste son comportement dans la grande ville et que quelqu'un vienne à comprendre que cet ancien chasseur se balade avec une créature. Elle pourrait mettre le chaos, renverser beaucoup de choses. Et puis là où ils vont, ceux qui dirigent la ville c'est la famille Wood.

La sienne.

Il risque d'en croiser certain, cela fait bien des mois qu'il n'a vu aucun des membres appartenant à son sang. Il ne sait pas sur qui il peut tomber, il sait juste que si son père est encore en vie, c'est sur lui qu'il ne faudra pas tomber. Ni sur son grand-frère qui pourrait très mal le prendre de voir son frère se pavaner en compagnie d'une ravissante jeune femme telle que Fate. Par contre, son autre frère pourrait flairer la créature à des kilomètres.

« J'ai faim. »

C'est Fate, qui vient de relever la tête. Arf, cela ne va pas être chose aisé que de s'occuper d'elle. Il lâche un soupir, d'un côté l'idée de s'arrêter lui plait. Cela fait trois heures qu'il conduit et fixe la route en s'embrouillant avec ses propres pensées, avaler un truc lui fera du bien. Il remarque le dessin d'une petite ville, les toits brillant sous le soleil. Ils trouveront bien un petit diner auquel s'arrêter.

Il gare la voiture sur le parking et descend en même temps que la jeune femme qui s'en va déjà vers l'entrée du restaurant routier. Il la suit en se pressant un peu, il ne veut pas la perdre de vue. Elle a des armes à la ceinture, un couteau dans la ranger et sûrement autre chose de caché dans son gilet, elle pourrait agir n'importe comment et ce serait franchement regrettable que d'avoir à l'arrêter là maintenant. Il lui saisit le bras alors qu'elle allait pousser la porte pour entrer.

« S'il te plaît, cesse d'être aussi volage. Je veux bien te trimballer un peu partout mais il falloir que tu m'écoutes un minimum. Me regarde pas comme ça, j'aime pas recevoir des ordres non plus, mais pour ton bien et le mien, il va falloir que tu fasses un petit effort. »