Dernière partie du chapitre 1, un peu plus courte que les autres mais de peu c'est promis !! Je vous retrouverai dans le chapitre 2, bonne lecture !
Chapitre 1 - Pris à la gorge
Partie 3
Une dague sanguinolente tomba à ses pieds, son propriétaire s'affala sur le sol, le ventre traversé de part en part. Son agresseur se tordait de douleur à quelques pas, le visage à moitié arraché. Haroldd prit sa tête entre ses mains, les cris résonnaient dans son crâne. Partout, du sang, des entrailles, des corps. Ici, un soldat se vidait de ses intestins, il tentait de les retenir d'un geste désespéré, mais ne pouvait rien faire alors qu'ils glissaient entre ses doigts. Là, un nain enfonçait sa hache dans la cervelle d'un ennemi, fendant son casque et éclaboussant la poutre du contenu de sa boîte crânienne. Haroldd voulait fuir, ses jambes étaient lourdes, elles refusaient de lui obéir. Le mage apparu devant lui, les runes s'inscrivirent dans l'air, menaçantes, mortelles. Le sort se forma avec lenteur, le cri jaillit de sa poitrine, réel, strident.
Haroldd se réveilla en sursaut. Des gouttes de sueur perlaient sur ses joues, ses vêtements trempés collaient à sa peau. Il haleta bruyamment pendant de longues secondes avant de pouvoir enfin se calmer. La bataille de la veille l'avait traumatisé, le jeune homme n'avait jamais connu de violence de cette ampleur.
Il se leva en hâte, poussa la porte qui s'ouvrit en grinçant et s'élança dehors sous la lumière naissante du petit matin. Les pavés claquaient sous ses bottes alors qu'il courait à travers les ruelles. Son cœur battait à tout rompre à mesure qu'il se rapprochait du Veau qui tète. Il s'attendait à entendre la voix prendre à nouveau contrôle de son corps à chaque instant, pourtant, il arriva à destination sans encombre. La grande bâtisse se dressait à quelques mètres devant lui, Haroldd resta caché à l'ombre des maisons de l'autre côté de la rue. Une sensation froide l'empêcha d'avancer, il était effrayé.
La vue de cet endroit si familier déclencha une vive émotion, les yeux du jeune homme se remplirent de larme et sa vision se troubla. Il connaissait par cœur les deux étages de l'établissement, les poutres en bois sombre montaient jusqu'au toit lui-même d'un gris ténébreux. Les murs en briques sales étaient recouverts d'affiches crasseuses à moitié déchirées. Aux portraits de criminels recherchés se superposaient des annonces pour des combats de chiens. Sur le flanc gauche se trouvait une écurie pouvant accueillir tout type de monture, des chevaux de Khaldiir en passant par les magnifiques Serpent-Brume. Haroldd adorait aller admirer les superbes destriers entre deux services. Mais aujourd'hui, il n'y avait pas l'ombre d'un animal, ni même d'un être humain aux abords de l'auberge. En regardant plus attentivement, il remarqua des reflets argentés, des soldats ! Ils étaient en faction sur les toits, postés sur des plates-formes, construites à même les tuiles ou dans les murs.
« Tu comptes rester là encore longtemps ? demanda sèchement Vaa'rhis, faisant sursauter le jeune homme par la même occasion.
— Il fallait que je revienne. J'ai besoin de savoir s'ils sont...
— Morts ? Sans doute, mais tu ne peux pas t'en assurer pour l'instant, rentrons.
Haroldd ne bougea pas. Il serra les poings si fort que ses ongles commencèrent à creuser des sillons sanglants dans ses paumes.
— Lorsque je ferme les yeux, je vois encore les corps s'amonceler sur le sol, j'entends le bruit métallique des épées qui s'entrechoquent, l'odeur du sang me brûle la gorge...
— Il faudra t'y habituer, ce n'est pas ta dernière bataille. Tu viens d'entrer dans un monde dangereux.
— Mais je n'ai jamais demandé cela ! s'emporta Haroldd, tout est arrivé par ta faute, c'est toi que le mage voulait !
Il sentit les larmes s'écouler lentement sur ses joues et se laissa tomber sur le sol, la tête entre les mains. De douloureux souvenirs resurgirent, il revoyait Marthe lui préparer une de ses délicieuses tartes aux pommes, après une dure journée de travail. Il entendait l'océan de voix qui s'échappait de la salle principale de l'auberge, le doux bruissement des Serpent-Brume. Il resta prostré de longues minutes avant de rompre le silence.
— Pourquoi moi ? Qu'ai-je fais pour attirer ton attention ?
— Tu penses vraiment avoir été choisi ? J'ai besoin d'un hôte doté d'une grande énergie pour utiliser au mieux mes pouvoirs, je me suis donc attaché à la première créature compatible et je dois dire que pour l'instant, tu me déçois.
— Je ne comprends pas ce que tu veux de moi, sanglota le jeune homme.
— Très bien, soupira Vaa'rhis, laisse-moi t'éclairer sur plusieurs choses. Je ne sais pas par qui ou pourquoi j'ai été créé, je ne connais pas non plus l'étendue de mes pouvoirs, à vrai dire, je vis actuellement mes premières heures hors de la Tour.
— Tu habitais dans la Tour des mages ?
— De quelle autre tour pourrais-je venir d'après toi ? Ne m'interromps plus maintenant. J'imagine avoir été créé par un Archimage il y a environ une décennie. J'étais depuis lors scellé, enchainé serait plus juste, dans une pièce sombre où tourbillonnaient de puissants courants arcaniques. J'en sortais de temps à autre pour être attaché de force à de fragiles humains. Bien sûr ils ne pouvaient pas me supporter plus de quelques minutes et finissaient irrémédiablement par mourir en se tordant de douleur. Mon existence monotone s'est achevée lorsqu'un groupe insolite a pénétré dans ma pièce pour m'arracher à mon socle. L'un d'entre eux a réussi à s'enfuir avec moi tandis que les autres tombaient sous les maléfices des mages. Comme tu le sais, il s'est réfugié dans l'auberge où j'ai perçu une opportunité en or. Je ne peux pas voir à proprement parler, je ressens les courants d'énergie qui émanent des êtres et celui qui provient de ta personne m'a littéralement aveuglé, je me suis donc empressé de m'attacher à toi.
— Je n'ai rien de spécial, comment aurais-je pu produire quelque chose d'aussi puissant ?
— Je l'ignore, avoua Vaa'rhis. Mais je le découvrirai bien assez tôt. Heureusement pour moi, tu es aisé à manipuler.
— Je pense que je dois te remercier de ne pas m'avoir empêché de venir ici, je sais que tu aurais pu prendre de nouveau le contrôle de mon corps et me l'interdire. Tu éprouves donc des sentiments tout compte fait.
— Des sentiments ? Non, je ne connais rien de tel, j'ai simplement agi dans mon propre intérêt. Tu n'aurais pas cessé de m'importuner pour revenir ici j'ai préféré t'accorder ce plaisir au plus vite. Allons-nous en maintenant. »
À son grand regret, Haroldd savait qu'il n'y avait rien d'autre à faire. Le cœur encore chargé d'émotions, il jeta un dernier regard par-dessus son épaule avant de rebrousser chemin.
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L'Ombre de Makh'Aman
FantasyHaroldd travaille dans l'auberge la plus chaleureuse de Makh'Amnan. Bien à l'abri des danger de la ville, il mène une existence paisible jusqu'à une funeste nuit. Du sang, des cris, puis lui... Un compagnon aussi dangereux qu'encombrant qu'il devr...