Chapitre 1 : Je n'étais qu'une petite fille.

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Mon cher,

Personne ne sait quelle était ma vie avant ce mois de mai, avant que je n'arrive pour tout chambouler. Personne ne sait que j'ai un jour eu une existence, avant qu'ils ne me rencontrent. Personne ne sait qu'il fut un temps où je ne connaissais même pas leur existence. C'était un temps où je ne me doutais pas des malheurs de la vie, enfant libre et innocente.

J'étais une petite fille de CE2, qui s'amusait avec ses poupée et ses petits cheveaux, dans sa chambre rose.

J'étais une petite enfant de 8 ans qui aimait jouer à l'épervier dans la cour de récré avec ses amis.

Je n'étais ni heureuse ni malheureuse, et je n'y pensais même pas, comme n'importe quel enfant de mon âge.

Et ceux qui me voyaient de loin se disaient que j'était une mignonne petite fille toute choupinette, douée à l'école, et qui allait réussir sa vie. Ce qu'ils n'ont jamais vu en moi.

Mais je vivais avec une mère de qui je n'ai jamais été proche. Elle était très prise par son travail, et je ne me souvient pas, à cette époque, avoir eu quelconque jeu, quelconque moment, ou quelconque vraie conversation avec elle. J'en avais même peur, peur de ses yeux, peur des bols qu'elle cassait quand elle était en colère. Mais je savais qu'elle m'aimait et qu'elle aurait donné sa vie pour moi.


Je me sens coupable de te parler comme ça de ma mère, à toi qui n'as connu la tienne que très peu de temps. Mais j'ai besoins d'en parler. Comme tout le reste.

J'avais un père que je ne connaissais pas, que je voyais de moins en moins. Il venait, quelques fois. Il bavassait cinq minutes et puis s'en allait.

Il s'enquissait tojours de mes résultats scolaires, et c'est à cette époque que j'ai commencé à bosser comme une malade en esperant qu'il reste plus longtemps.

Mais il ne restait pas.

Il repartait toujours, montait dans sa voiture grise, et je lui faisais coucou de la main avec ma mère, sur le perron.


J'avais une petite caboche vide, je pensais être intelligente en apprenant mes cours, mais je ne savais rien du monde, je ne savais rien de ce qui ne concernait ni l'école ni la vie à la maison. Je ne sortais jamais, n'étais jamais partie en vacances, et je ne comprenais rien à ce qu'il se  disait au journal télévisé.

Et je n'étais pas assez curieuse pour vouloir savoir. Je n'étais pas assez curieuse pour me demander où était mon père pendant tout ce temps. Je n'étais pas assez curieuse pour me demander ce qu'il se passait en dehors de l'école, de la maison, de mon village.

Je n'étais qu'une gamine ignorante qui ne réfléchissait pas, et qui croyait que les leçons de maths et de grammaire étaient les seules choses à savoir pour vivre.

À cette époque, jamais je n'aurais pu prévoir ce qui allait arriver.

Jamais je n'aurais pu prévoir que tu aurais tant à faire pour moi.

Je ne te remercierais jamais assez.

Bien à toi,

Jo.


Bien à toi, Jo.Where stories live. Discover now