Chapitre 3

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Je ne pouvais plus supporter leur présence. Devoir affronter leurs regards pleins de fausse sympathie me donnait la nausée. Je me suis levée brutalement avant de sortir de cette maudite maison avec comme échos les hurlements de mes parents.

Je marchais d'un pas rapide et assuré sans vraiment savoir où je me rendais. C'était comme si mon corps ne me répondait plus. Je me laissais porter par le vent glacial. Aucune pensée ne traversait mon esprit. J'étais complètement vide. Mes yeux étaient sec et mon cœur était brisé en milliers de morceaux.

Après plusieurs longues minutes de marche, je m'étais retrouvée devant la forêt, celle où moi et Lisa avions l'habitude d'aller après les cours pour nous amuser il y a quelques années de cela. Je la traversais sans réfléchir, me rappelant parfaitement du chemin à prendre et des petits raccourcis cachés. Je tournais à gauche sachant que j'y trouverais une rivière. Comme je m'y attendais, tout était exactement pareil que dans mes souvenirs. Des algues dansaient à la surface et des rochers entouraient l'eau créant une sorte de bouclier. Beaucoup d'habitants s'étant aventurés ici disaient avoir aperçu une silhouette rappelant celle d'une sirène. Je devais avouer que cet endroit était parfait pour voir apparaitre une créature fantastique. Pourtant, à ce moment-là j'étais seule, avec pour seule compagnie les craquements de mes pas sur les branches mortes.

Je m'avançais jusqu'à la rivière et marchais avec prudence sur les rochers glissants, en espérant trouver une sorte de paix intérieure mais tout ne faisait qu'empirer. Le bruit des oiseaux, des arbres, de l'eau, des battements de mon cœur resonnaient dans ma tête comme une mélodie assourdissante. Rien n'allait et rien ne réussirait à s'arranger... rien. Je n'avais envie que d'une chose ; me laisser aspirer par les eaux. Je voulais disparaitre de la surface de la terre, de la mémoire des gens, je n'aurais jamais voulu exister.

- Ah !!!

Tout est allé si vite. Il m'avait attiré dans l'eau. Il souriait. Ses mains tenaient fermement mes poignés alors que nous nous enfoncions un peu plus. Il faisait froid, très froid et pourtant je me sentais bien, paisible je dirais même. Mes yeux étaient ouverts, les siens aussi. Il souriait encore. Le visage de Kento était si blanc on aurait dit qu'une lumière s'en émanait. Il ressemblait à un ange. Il était si proche de moi. Combien de temps étions nous restés sous l'eau ? Etait-ce un rêve ou étions-nous mort ? Nos corps dansaient au rythme de l'eau. Nous étions si seuls mais si bien. Il continuait de me regarder. Il lâcha mon poigné droit et me caressa la joue. Je fermais les yeux. J'avais l'impression que ce moment durait une éternité, je voulais qu'il dure une éternité...

Sans m'en être rendu compte nous étions retournés sur la terre ferme. Mon corps tout entier tremblait tandis que mes dents claquaient tellement forts que j'aurais crue qu'elles se briseraient comme du verre. Je sentis Kento s'approchait, il s'arrêta en face de moi et posa une serviette chaude sur mes épaules. Ses cheveux noirs étaient gelés et ses lèvres violettes. Il n'avait pas l'air réel. Je voulais dire quelque chose, n'importe quoi mais mon corps ne me répondait plus. Il me fixa longuement avant de disparaitre tandis que je le regardais partir sans savoir quoi faire.

-Jennie ? s'exclama Lisa complètement paniquée.

J'avais réussi à rebrousser chemin, malgré le fait que je n'étais toujours pas revenue à moi, et me suis naturellement rendue chez Lisa.

En me voyant elle ne posa pas de question et me fit directement couler un bain brulant avant de me retirer mes affaires et m'aider à y entrer. L'eau chaude en contact avec ma peau glacée fut une sensation absolument euphorique. Je fermais les yeux et me laissais bercer par le silence.

Ces dernières heures avaient été les plus intenses de toute ma vie. Mon cerveau avait encore du mal à remettre tout en ordre. Je n'arrivais pas à mettre de mots sur mes émotions. Tout était si...étrange. Seuls des questions noyaient mon esprit. Que faisait-il dans le lac avec ce temps glacial ? Et pourquoi m'avait-il tiré dans l'eau ?

Malgré ce qu'il m'avait fait je n'étais pas en colère bien au contraire, je me sentais étrangement reconnaissante comme s'il m'avait rendu service en me faisant plonger dans cette eau glacée, comme si c'était ce dont j'avais besoins à ce moment précis.

Après avoir enfilé le pyjama que Lisa m'avait prêté je suis sortie de la salle de bain. Je pouvais l'entendre se disputer avec sa mère sur le fait de prévenir mes parents. Je ne la remercierais jamais assez d'avoir toujours était là pour moi même quand cela pouvait lui causer de sérieux problèmes.

Je m'assis sur son lit, attendant qu'elle revienne.

-Jennie ?

-Q-Qu'est-ce qu'il y a ? dis-je d'une petite voix.

-Tu t'es endormie, me répondis Lisa en posant la main sur mon front.

Mince! Je ne m'en étais même pas rendue compte.

-Tiens bois ça, c'est ma mère qui l'a fait me dit-elle en me tendant un verre d'eau chaude mélangé à du miel. Tu es chaude et je n'ai pas envie que tu tombes malade.

Je pouvais sentir l'inquiétude dans sa voix. Je me sentais mal de devoir lui faire subir les conséquences de ma misérable vie. Elle méritait de savoir ce qui s'était passé, elle était ma moitié et elle sera toujours de bon conseil.

Je pris une grande inspiration avant de commencer. A chacune de mes paroles, ses yeux grossissaient et ses sourcils se fronçaient. Elle me demandait de réexpliquer certains moments ou encore que je lui joue les scènes afin qu'elle puisse se faire une meilleure idée.

-Et ensuite je suis venue chez toi.

Elle me regardait, bouche bée.

-Ecoutes Jen', commença-t-elle, je sais à quel point tu souffres de ne pas pouvoir avoir une vie de famille normale mais je sais que tu vas réussir à traverser cette épreuve parce que tu es une personne forte et je serais toujours là pour toi quoi qu'il arrive. On va bientôt avoir 18 ans, on pourra vivre dans notre propre appartement et avoir la vie d'étudiante dont on a toujours rêvé. Tu n'auras plus à te soucier de tes parents et de ta belle famille. Tu seras enfin libre de vivre ta propre vie. Attends encore un petit peu, juste un petit peu, me rassura-t-elle avant de me serrer dans ses bras de toutes ses forces.

Je la serrais encore plus fort. Je savais qu'elle trouverait les mots justes, ceux qui réussiraient à apaiser mon âme.

-Cependant l'histoire de Kento me dépasse complétement. Il y a quelque chose qui ne tourne vraiment pas rond dans sa tête, me souffla-t-elle.

Sa réflexion causa un gros fou rire qui ne pouvait faire que du bien. On se laissa tomber sur son lit. C'est avec nos cheveux emmêlés et nos mains entrelacées, qu'on finit toutes deux par se laisser bercer dans les bras de Morphée.

Crystal Snow [PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant