Je regarde les personnes qui m'entourent. La foule est une unité. Pourtant, elle est constituée d'une pluralité.
Moi, je suis seule.
Ça ne me dérange pas.
Beaucoup sont ensembles parce qu'ils sont amis, mais beaucoup plus le sont parce qu'ils ont peur de rester seuls.Qu'ils ne savent plus rester seuls.
Assise dans un coin, je les observe. Jamais un seul de leurs regards ne se perd dans ma direction. Une musique douce résonne dans mes oreilles. Je crois presque n'être pas là. Transparente.
J'aime ça. Ce calme, cet apaisement.
C'est tellement reposant que je crois être morte.
La solitude me plaît.
Elle me fait vivre. Mais dans un autre monde. Mon esprit se renferme. Il m'emmène avec lui. Ou bien m'abandonne-t-il? Je ne pourrai jamais le suivre là où il se rend. Il peut s'évader totalement, moi je reste toujours à moitié bloquée. Car il y a ce corps qui ne sait pas se volatiliser, ni s'envoler. Il est lourd, toujours à terre.
Cela fait longtemps que je n'ai pas entendu ma propre voix. Peut-être ne sais-je plus parler ?Clac.
Une porte se ferme brusquement à côté de moi. Je sursaute comme si l'on venait de me réveiller.
On semble enfin remarquer ma présence, j'ignore les regards.
C'est étrange de se rendre compte que mon esprit s'était absenté, m'avait réellement abandonnée ici. Sans vie. Inerte.Comment les autres font-ils pour être aussi souvent en vie?
Comme si j'avais vraiment réintégré mon corps, la foule m'oppresse soudain. Je déteste lorsqu'elle m'oblige à la rejoindre.
Je préfère de loin lorsqu'elle n'est qu'un tableau. Je dois me faire violence pour me rappeler, pour me convaincre que j'en fais aussi partie.
Il y a beaucoup trop de monde. Il ne me dérange pas, ce monde. Simplement, il ne me convient pas.Je crois que je ne suis pas faite pour la vie.
Du moins pas celle qu'on m'a donné. N'y aurait-il pas, quelque part dans cet univers, une vie qui me ressemblerait plus? Qui me conviendrait mieux? Je ne le saurai probablement jamais. Et je continuerai simplement à vivre la vie qu'on m'a donné, en espérant que l'erreur ne se reproduise pas dans la prochaine.
Quelqu'un d'autre envie probablement la chance qui m'a été donnée, quelqu'un d'autre se lamente sûrement de ne pas être à sa place, souhaitant prendre la mienne. Alors je vis sans regrets, avec détâchement, certes, mais sans regrets. Parce que je voudrais que cette personne fasse de même avec la vie qui lui a été donnée, sur cette planète ou sur une autre, dans ce temps ou dans un autre, cette vie que nous avons échangée et qui nous reviendra bien assez vite.
VOUS LISEZ
Restless thoughts
FantasíaDans chaque goutte d'eau, une histoire se cache. Un monde, tout rond, tout petit et infiniment grand. Chaque goutte d'eau présente des vies différentes. Aucune ne vaut la peine d'être écartée. Elles peuvent se ressembler, mais sont toujours uniq...