Chapitre 2 : l'invitation

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Finalement, le cours d'histoire de l'art se passa très bien. En même temps notre professeur, Madame Coline est plus que passionnante et l'entendre parler pendant une heure de Michel Ange, de Léonard de Vinci et de Raphaël est presque aussi agréable que de manger une glace au chocolat. De sa voie veloutée elle nous livre les secrets des plus grandes toiles et nous fait voyager à travers toute l'Italie. Je peux presque sentir le soleil florentin sur ma peau, l'odeur des pigments de peinture dans les airs et frissonner à cause des courants d'air parcourant les couloirs de la Chapelle Sixtine. C'est avec regret que j'entend la sonnerie annoncer la récré et que je range mes notes couvertes de dessins, éparpillées sur mon bureau.

Sortie de la classe, je me dirige enfin à grande enjambée vers mon refuge : l'Arbre. Le reste du groupe est déjà là et les débat semble animés et centrés autours d'une seule personne : Roselia. Belle et grande comme une mannequin elle virevolte au milieu de notre cercle d'amis et d'un sourire rayonnant répond aux différentes questions qui fusent de part et d'autre.

- Qu'est ce qui se passe ? Je murmure à Victoria et Annie.

- Le nouveau petit ami de Roselia organise une super soirée et évidemment tout le monde veut y participer, me répond la première.

- Tout le monde sauf moi, répond Annie en enroulant une de ses bouclettes autours de son doigt.

- En même temps t'es chiante comme la pierre ma vieille mais Alice tu viens avec moi hein ? Tu te rends compte ils sont en dernière années, si on arrivait à sortir avec l'un deux ça serait trop super ! Imagine !

Voyant l'air outré d'Annie et l'enthousiasme latent de Victoria je ne peux garder mon sérieux et éclate franchement de rire.

- Hahahahahahahahaahahah ! Arrête vic ! Et puis même si on y va, comment veux-tu qu'on arrive à plaire à quelqu'un ?

- Mais fait moi confiance c'est du tout cuit je te dis !

Voyant Roselia nous regarder, je me tourne vers elle :

- Ca ne dérange pas heu...

- Thomas, sourit-elle

- Merci, ça ne dérange pas Thomas que l'on s'incruste chez lui comme ça ?

- Bah en fait ça l'arrange plutôt, il manque beaucoup de filles dans leur groupe et certains en ont marre du célibat et de leur main droite si tu vois ce que je veux dire...

Je sens mes joues s'empourprées alors qu'elle me fait un clin d'œil salace et que j'entend Victoria glousser à côté de moi.

- Heu, oui je vois, bon je vais réfléchir... Je... je sais pas... Je...

- Non mais c'est tout réfléchit, me coupe Victoria, on sera la et chaude comme la braise !

Ravie, Roselia sourit et s'éclipse puisque Thomas vient de surgir de derrière les feuillages pour la prendre dans ses bras. Les deux amoureux partent main dans la main sous les regards envieux des autres membres du groupe.

- Quel veinard celui-là, soupire Alexandre, un autre de mes meilleurs amis.

Sa chevelure de feu lui donne un air de petit lutin démoniaque et il est si grand que j'ai parfois l'impression qu'il se sent tout maladroit avec ses grands membres maigres. Cependant, lorsqu'on discute avec lui quelques secondes, sa maladresse de façade disparaît pour laisser place à une vivacité et une précision de l'esprit assez étonnante. Alex était sorti l'année précédente pendant quelques temps avec Rosy mais ça n'avait pas duré... Trop différent, trop jeunes aussi, trop pressés,... Pas de passion, pas de rêve, pas d'amour...
A ce moment là, Alex exprime simplement l'envie qui nous torture tous du haut de nos seize ans : celui de trouver enfin l'être qui sera tout ! Ainsi ce n'est pas de la jalousie envers ce nouveau petit ami qui lui fait lâcher cette phrase mais plutôt l'envie profonde d'aimer et d'être aimé.

Chez moi, cette envie de donner mon amour se traduisait en une croyance aveugle au prince charmant et son mythe de l'homme parfait et en l'adoration de membres de Boys-Band dont les images tapissent les murs de ma chambre. Moi l'amour je le vois grand, beau. Celui chanté dans les chansons d'Ed Sheeran ou raconté dans les livres. C'est pour ça que j'avais largué mon premier petit ami, Jeremy, quelques mois plus tôt. Parce que... Bah parce que c'était nul quoi... Pas de papillons, de cœur qui bat, de frissons,... Rien à part, l'ennuie et l'envie d'ailleurs.

Perdue dans mes pensées je ne vois pas Vic qui s'agite à côté de moi, survoltée.

- Bon, okay alors qui vient ? Diego ? Jerem ? Alice ? Annie ? Ouais non je sais tu vas passer la soirée à regarder Once Upon a Time. Bon comment on y va ? Comment on revient ? On dort là-bas ? On pourrait peut-être dormir avec un garçon ?

Emportée dans son élan je sautille avec elle :

- Viiiiiiiic ! Qu'est ce que je vais mettre ? Il y aura de l'alcool ? Tu pense que mes parents voudront bien ? Papa me conduira surement mais comment revenir ?

Folles de joie nous entamons une danse dendiablée lorsque tout d'un coup Diego nous interrompt :

- Les filles ! Calmez-vous, des filles de dernières années ne réagiraient pas comme ça !

En nous arrêtant, Vic et moi nous regardons en gloussant, décoiffées et diablement heureuses. Elle replace une de mes mèches noires derrière mon oreille et me susurre :

- On va se mettre en bombasse ma vieille mais pas trop non plus. Genre classe, efficace mais soft et paillette.

Trop de mots à analyser d'un coup pour moi. Je n'arrive pas vraiment à me figurer se qu'est une tenue classe, efficace, soft et paillette pour être une bombasse mais pas trop.

- Perso j'irai me préparer chez Roselia mais on se retrouve après si tu veux. Par contre je te préviens ce soir il y aura un garçon super beau ! Je te ferais un petit signe discret pour te signaler que lui c'est chasse gardée, pas touche !

Satisfaite, elle éclate de rire une dernière fois et s'enfuis vers son prochain cours de la journée, l'heure de pause étant presque terminée. Je la regarde s'éloigner admirative de son insouciance et de son je-m'en-foutisme enragé. Annie, elle, soupire :

- On ne la changera plus. Mais elle devrait faire attention, elle est trop jeune dans sa tête. Elle va un jour se brûler les ailes.

-Je te trouve trop pessimiste, je lui répond, elle profite simplement de sa vie. Un jour on se réveillera vieille et moche avec l'impression que notre vie est passée trop vite et que nous somme complètement seule. On ne peut pas vivre heureux quand on a l'impression qu'il manque quelqu'un prêt de soi.

- Pfffffffff... Arrête, l'amour toujours l'amour... Qu'est ce que t'en sait toi que c'est si bien ? Ça te prend et te malmène, tu te sens bien quelques temps pour ne te sentir que plus vide après, pire que la drogue ce truc !

- Ce n'est pas tant une question d'amour que de bonheur et d'expérience...

Annie lève les yeux aux ciel et Diego intervient :

- Et si nous en discutions dans quelques années quand nous en aurons fait la douloureuse expérience ?

Sur les paroles sages de notre mentor, Annie et moi ramassons nos affaires pour rejoindre le cours de français, emportées par nos certitudes et nos questions.

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Après les cours, je rentre chez moi surexcitée. Je file directement dans la salle de bain après avoir demandé à papa si je pouvais sortir en ce vendredi soir et qu'il ait accepté. Après une longue douche, un maquillage léger et assez rock (j'adore le côté Amy Winehouse que me donne un trait d'eye liner) je me campe devant ma garde robe les paroles de Victoria tournant en boucle dans ma tête :

Classe.

Bombasse.

Efficace.

Sexy, peut-être ?

Soupirant de rage et entendant mon papa m'appeler dans la cuisine pour que nous partions, je finis par attraper ma vieille salopette trouée aux genoux, un t-shirt blanc, mes veilles basquets et un bonnet orange pour discipliner mes longs cheveux noirs. Avant de me précipiter dans l'escalier je me regarde une dernière fois dans le miroir : Bombasse ? Non. Classe ? Pas vraiment... Efficace ? Peut-être... Mais malgré le côtés simpliste de ma tenue et mon manque total de sexy-attitude, je suis contente de moi : je n'ai pas l'impression d'âtre déguisée... J'ai simplement l'impression d'être moi.

Quelques mots d'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant