Les mains cramponnées au guidon et le corps penché en avant, il dévalait le sentier escarpé à toute vitesse, suivant tant bien que mal ses deux amis.
– Alors on a du mal à garder le rythme ? lança l'un d'eux par dessus son épaule en riant.
Un sourire se dessina sur les lèvres de Nolan.
Le jeune homme, encouragé par ce qu'il prenait pour un défi, redoubla d'efforts et puisa dans ses dernières forces pour pédaler du plus vite qu'il pouvait.Cela faisait près de deux heures que les trois étaient dans la forêt, alternant discussions sur les rochers au bord de l'eau, marches, et courses à vélo.
La nuit commençait à tomber et Nolan était épuisé, mais l'adrénaline le poussait à aller plus loin, encore et toujours.– Attendez les gars j'crois que mon pneu est crevé ! cria Al' qui s'était fait devancé.
Nolan s'arrêta après un petit dérapage qui fit crisser ses pneus, et posa un pied à terre.
Il pouvait enfin reprendre son souffle.Il essuya du revers de sa manche les gouttes de sueur qui perlaient sur son front et leva la tête. Son regard tomba sur la drôle de maison plus haut, qui surplombait les pins et les chênes.
Le "château fou" comme aimaient l'appeler les habitants de la ville.
C'était son architecture farfelue et originale qui lui valut ce nom ainsi que la fascination des passants.Au premier regard, tout semblait déstructuré et instable, on avait l'impression qu'elle risquait de s'effondrer au premier coup de vent, d'autant plus qu'elle était placée au dessus de la crique, où il soufflait le plus souvent et le plus violemment.
Et pourtant, Dieu sait à combien de tempêtes elle s'était mesurée, en sortant toujours parfaitement indemne. Car contrairement aux apparences, ses plans avait été minutieusement pensés et sa construction adroitement réalisée.Mais il fallait l'admettre, toutes ses extensions dans les airs n'avaient rien d'ordinaire.
La maison principale avait elle même une drôle de forme, elle était comme étirée, à droite, à gauche, en travers et jusqu'au toit. Cette impression était aussi donnée par les dépendances auxquelles elle était rattachée. Toujours sur ce même toit, des escaliers en bois menaient à une autre dépendance à la forme curieuse, géométriquement insaisissable. Principalement concentrées sur la partie droite de la maison, ce que l'on pourrait appeler des cabanes, de formes et de tailles différentes, s'empilaient les unes sur les autres maintenues par des piliers. Elles étaient reliées entres elles par des escaliers en bois qui s'entrecroisaient, gardant tout de même un espace entre chaque pour préserver une certaine intimité.
Les cabanes comme chambres indépendantes restaient encore concevables, quoiqu'ici leur diversité leur donnait ce côté anormal. Il y avait également un peu plus haut cette grande bulle qui ressemblait à un observatoire spatial, avec des hublots et un grand cylindre, semblable à un téléscope, émergeant d'un d'eux.
En revanche on avait rarement vu un bateau dans les airs en guise d'extension. Et en réalité, on pouvait même en compter plusieurs : des barques qui servaient de potager sur une paillasse entre deux étages, une autre qui servait de balcon pour une chambre, un.
Et à l'opposé, loin derrière la maison principale, une coque de voilier transpercée par le tronc de l'arbre le plus grand et solide du domaine qui reposait sur une de ses solides branche. Celui-ci était relié par une petite passerelle à une cabane en forme de grand kiosque à musique fermé et peint en blanc.
C'est en regardant dans la fenêtre de cette chambre que tout commença.
Cette cabane isolée, la seule à être éclairée ce soir là.Nolan aperçut d'abord son ombre derrière les rideaux, puis ils furent tirés, laissant entrevoir dans l'embrasure de la fenêtre sa silhouette de façon plus distincte. Quand il s'approcha de la vitre et qu'il l'ouvrit Nolan le vit enfin clairement.
Ses petites boucles châtaines, les fines lunettes sur son nez, son corps délicat, son expression calme, indifférente.
Et son regard.
Il avait beau être loin de lui, il sentit son cœur rater un battement quand leurs regards se rencontrèrent pour la première fois.Le fracas des vagues qui s'éclataient contre les rochers en bas, les cris des mouettes, les voix de ses deux amis, tout se fondit dans un silence crée par cette bulle qui les englobait rien que tous les deux.
Il n'entendait plus, et ne voyait rien d'autre que lui.En cet instant précis, sans exactement savoir ce qu'il se passait, Nolan se sentit inexplicablement attiré par cette cabane et ce garçon, comme par une force mystique, et il sut qu'il devait absolument revenir.

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Le Petit Prince
Teen Fiction"Le château fou". Voici le nom qu'avaient choisis les citadins pour désigner cette maison farfelue qu'on voyait émerger du coeur de la forêt au loin, au dessus de la crique. Personne ne savait grand chose sur la famille qui y habitait et la plupart...