Deuxième Noël

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Cette année encore, je me retrouvais engloutie par ce froid qui m'atteignait jusqu'au os. Pourtant, il n'est pas si loin ce temps où j'appréciais la saison... Mes mains étaient encore engourdies de ma journée passée dehors. Au moins, mon amour pour mon foyer n'avait pas changé, lui. Mon chez moi, mon intimité, mon calme et ma solitude. C'était mon réconfort. Et je l'appréciais toujours autant ; ma maison construite de mes mains sera toujours une de mes plus grandes fiertés. Et je m'y sentirai à ma place pour l'éternité.

Je m'étais promis cette année de mettre un point d'honneur à me porter volontaire pour le village et la communauté. Je me retrouvais souvent solicitée ; plus fortement encore dans cette période des fêtes qui approchait à grands pas. La municipalité manquait principalement de personnel et d'idées pour l'évenementiel. Souvent je m'occupais des installations et du mixage du son pour les fêtes ou les concerts dans la salle commune.

En décembre, souvent les habitants reçoivent leurs enfants qui ont quitté la montagne pour migrer vers l'attraction et l'activité dans les grandes villes. Ironiquement, j'avais fait le strict opposé. La moyenne d'âge de la population changeait alors pour accueillir chaleureusement les plus jeunes. Et il n'était pas rare pour moi de me retrouver dans des situations plutôt comiques où l'on me présentait à des personnes de ma génération, dans l'espoir de peut-être voir la "jeune du village" s'établir enfin. Certains n'étaient pas dupes et avaient clairement compris mon attraction pour les filles. Ces dernières le comprenaient assez bien d'ailleurs.

Bizarrement, malgré mes années de célibat depuis que j'avais déménagé dans ma montagne adorée, je n'avais jamais réellement fait en sorte d'y remédier. Pas de nécessité, j'imagine que je me laissais aller à mon rythme? A vrai dire, je ne sais pas vraiment. Peut-être que j'essayais simplement de ne plus m'encombrer la tête de toutes ces questions que j'avais si bien réussi à faire taire. Par l'alcool ou bien le simple déni parfois. Je crois que j'étais consciente que j'avais bien merdé. Et je continuais d'avoir peur de toujours autant merder si j'en avais vraiment l'opportunité.

Ma maison n'était pas beaucoup plus décorée cette année. Je ne recevrai personne, et je préférais laisser mon espace aussi clair que possible. Ma vie s'était calmée dernièrement et je me sentais à nouveau droite : je pouvais encore marcher la tête sur mes épaules. Je m'étais aussi remise au sport car je m'étais engagée pour entrainer l'équipe de foot, ce que je faisais avec le plus grand des plaisirs.

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Pourtant tout le monde me connaissant un peu comprenait très bien que beaucoup de cicatrices recouvraient encore mon corps. Et sûrement seront-elles à jamais présentes. Cependant j'étais fière d'avoir réussi à les panser. A les accepter et de pouvoir les dépasser. Mon humanité était certes devenue visible et ma sensibilité apparente, mais j'en avais fini avec me cacher. J'étais devenue adulte dès la première pierre posée sur mon terrain. Dès ma sédimentation dans ma montagne reculée.

Un soir, alors que je me tenais sur mon canapé à jouer un peu de musique pour me libérer l'esprit on frappa à la porte. Je tentai de regarder par la fenêtre mais il faisait déjà bien noir et ne pu rien voir. Je me dirigeai vers la porte, incertaine de qui cela pouvait bien être, parce que personne ne s'invitait vraiment chez moi. Je poussai la poignée, l'ouvrit.

Et tu étais là.

Mes yeux s'ouvrirent grands, comme pour tenter de capturer le plus de tes traits possible, que j'avais malheureusement fini par oublier. Tu étais là, devant moi. Ton expression indescriptible, et en un instant je ne savais plus penser. Tu m'avais bloquée sur place. Puis ton regard si droit dans mon âme... Tes yeux clignèrent et je revins à la réalité. Le vent glacé rentra dans la maison en même temps que dans mes poumons. Je t'invitai alors à rentrer d'un simple pas sur le coté. Ce que tu fis et je fermai la porte. Je te voyais frigorifiée, la rude brume qu'il y avait dehors avait trempé tes cheveux. Devant moi, si fragile... Si humblement toi.

Tu t'avanças un pas en avant et mon instinct me dit de t'accueillir dans une étreinte. Un souffle vint me rassurer en me dictant le commandement que j'étais faite pour ça, pour me donner à ta personne. Tu vins te coller à moi, passant tes bras sous ma veste en laine. La température de ton corps me rappelait que le mien était brûlant. Mes bras se refermèrent autour de tes épaules et je glissai ma tête dans ton cou.

Quand je sentis un frisson t'atteindre, tes jambes ne tardèrent pas à bientôt t'abandonner. Je te tins plus fort, te pris entièrement dans mes bras, te soulevant et t'apportai près du feu. J'attrapai une couverture dans ma lancée pour t'envelopper. "ça va...?" murmurais-je "Tu veux une serviette? Boire quelque chose de chaud? Je peux..."

"Juste... Reste là." Tu me coupas et on se tut un long moment "Je te hais..." tu dis en un souffle comme si c'était ton dernier. Je fermai mes yeux et te répondis "Je sais, Nana..."

Un Noël avec toiWhere stories live. Discover now