Prologue... quelque part dans l'Espace

154 7 2
                                    

Là-bas, dans un espace lointain et sombre, tout est froid. Vous savez, un froid sidéral qui glace le sang de vos artères, s'introduisant jusque dans les cavités les plus profondes de votre être. Vous avez tellement froid, que le vide ambiant que vous sentez et qui l'accompagne, vous aspire dans une étrange léthargie. Et, bloqué dans cette léthargie, comme si vous en étiez prisonnier, vous ne parvenez plus à vous en défaire. Vous sentez la glace qui vous congèle de l'intérieur ? Le cœur encore tiède et palpitant, vous vous mettez à vous refroidir, tout doucement, pour ne devenir qu'un bloc de pierre dure. Vous attendez que l'heure fatidique approche, où vous ne sentirez plus rien et que la mort aura triomphé de vous. Vous attendez, impuissants, la vie s'échappant de votre corps, l'heure de la fin. Alors, dans cet espace qui s'étend à perte de vue, vous attendez inlassablement que la vie, reprenne le dessus sur le cosmos et anime l'espace inerte dans lequel vous vous sentez faiblir, et dans lequel vous êtes prisonnier. Le froid, accompagné de l'obscurité, telle un épais manteau de matière noire, vous tient loin du monde coloré et plein de vie que la Terre offre aux humains qui y vivent. On est alors aveugles dans l'immensité du ciel monochrome, à espérer silencieusement. Je me sens comme recroquevillé sur moi-même, et je me sens comme irrésistiblement attiré par le Néant. Le Néant aspire mon énergie vitale peu à peu.

Sur la Terre, tout est animé. Tout est allumé. Partout, de l'énergie circule. On entend du bruit, des sons... La vie y est maître, et instaure un équilibre. La Terre, ce monde aux mille sensations et aux mille lumières, aux mille espèces et peuples différents, aux mille cultures qui cohabitent ensemble, nous accueille dans un océan d'émerveillement. C'est cela qui constitue cette planète et qui la rend unique.

Là-bas, la population grouille telle des milliers de fourmis dans une fourmilière, ils sont des êtres vivants en multitude, insignifiants, comparé à l'immensité du cosmos. Là-bas, le mouvement et le temps filent en un éclair, et, en l'espace d'un an, tout peut changer. Les paysages, les hommes, les animaux.... tout évolue. Ce monde regorgeant pourtant de mille richesses exploitées à mauvais escient par les hommes, et constitué de milles étendues de terres, de montagnes et d'océans qui nous coupent le souffle par son incommensurable beauté.

Là-bas, dans ce monde lointain et hors du temps dans lequel j'évolue, l'éternité ne serait pas assez longue pour y décrire mon ennui. L'Univers, immense et où tout s'éteint, ce lieu où la vie a vu le jour au Big Bang, n'est aujourd'hui plus que le reflet monotone de ce que la galaxie fut autrefois.

Avant, la vie s'était développée peu à peu, de millions en millions d'années, parfois plus, et formait les systèmes solaires, les étoiles, les planètes, les astres, les météores, les astéroïdes et toute une multitude d'éléments chimiques qui constitue l'Univers.

Je suis un de ces éléments qui survit parmi tant d'autres, attendant qu'un jour quelque chose arrive et que la puissance divine vienne troubler nos existences et l'espace dénué de vie. Je suis un astéroïde au cœur résistant comme du diamant, et bientôt aussi froid que le marbre. Peu à peu, le froid glaçant m'emporte et me plonge dans l'immobilité, m'empêchant de me mouvoir, et peu à peu je perds la chaleur réconfortante de la vie, qui fait circuler l'énergie et le feu qui circulent dans mon corps céleste.

Pour combler le manque de vivacité de l'espace auquel je suis réduit, je me suis lié d'amitié avec d'autres corps célestes, dont une plus particulièrement, avec qui je me sentais moins seul.

Je ne connais pas mes origines. Je ne connais rien de l'immensité du temps qui s'écoule. Je ne connais rien de ce qu'est la vie. Je sais juste que quand je lui parlais, pour combler le vide des confins, je me sentais plus vivant. Parfois, j'entends encore sa voix, se propageant dans un écho. Je me remémore ses histoires, plus abracadabrantes les unes que les autres, mais qui muraient le silence. Et nous riions, nous discutions comme cela pendant des jours et des mois. Et puis un jour, elle a disparue. Elle a explosé en de nombreux éclats de météores et de matière organique. Une étendue de liquide bleu s'échappa de ces morceaux. Sa cellule avait explosé. C'était beau, c'était grandiose et majestueux. Et puis, comme scindant le ciel, les restes de son corps se sont crachés sur une planète proche, mais on n'entendit aucun bruit, l'Espace l'absorbant. On ne vu alors qu'une onde de choc, formant un cercle de plus en plus grand autour de l'impact.

C'est arrivé comme ça. Je ne l'ai pas vu venir. On me dit après que cela peut se produire qu'un astéroïde au cœur chaud se fissure avec l'âge, et dans ce cas, les composants nucléaires à l'intérieur de son enveloppe charnelle se frictionnent, pour créer une quantité d'énergie, tellement puissante qu'elle le fragmente en son cœur. Puis ensuite, par la puissance qui en est libérée, les fragments se dispersent et viennent s'écraser, rentrent en collision avec d'autres astres. Sa mort fut le plus beau spectacle auquel j'ai assisté. Et à la fois, j'eus peur de subir le même sort, néanmoins, la curiosité reprenait le dessus sur la peur.

Parfois, elle vint à me manquer, je me remémore alors les moments qu'on a passés. Sa voix qui émanait du caillou qui la contenait me vient encore quand le silence est trop pesant. Et puis comme un cauchemar qui revient sans cesse, je la revois se briser en morceaux et son sang, qui se libère dans l'Espace. J'aimerais savoir ce qu'elle a ressenti quand elle est morte. A-t-elle eu peur ? Ou au contraire s'est-elle sentie libre ? C'est cette sensation de liberté qui nous consume et qui nous envahit que j'aimerai éprouver, j'aimerais voir et sentir la vie se propager à l'intérieur de mon corps , comme revigoré par cette nouvelle essence avant de mourir. J'aimerais percevoir des explosions de lumière zébrer le ciel noir, j'aimerais sentir la chaleur de mon cœur, battant la mesure comme les pieds du soldat au rythme des tambours, avant de s'éteindre sans un bruit. Mais quand vais-je donc sentir cette sensation de flottement et de liberté ? Vais-je refroidir et m'éteindre avant de l'avoir connue ?


Né au cœur de l'EspaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant