Chapitre 1

33 3 0
                                    

Chapitre 1:

Assise dans le noir depuis un certain temps, j'attends patiemment l'arrivée de mon père. Je sais parfaitement, même en ne fréquentant pas les enfants de notre quartier, ni aucun autre d'ailleurs que les pères normaux ne rentrent pas chez eux minuit passé. Qu'ils ne s'absentent pas plusieurs jours sans prévenir et qu'ils ne répondent pas à toutes les questions de leurs progénitures par «Tu n'es pas encore prête». Peut-être que j'ai tord. Mais lorsque j'épie, j'ai honte à l'avouer mais enfermée dans cette maison toute la journée, je n'ai parfois aucune autre occupation qu'espionner les quelques pauvres voisins dont je dispose. Tout ce que j'observe confirme mes pensées sur mon père.
Un petit soupire s'échappe de ma bouche et je remonte la couverture sur mes genoux pour me donner une contenance. Mes yeux dévient, inconsciemment vers le compteur que je met en route à chacune de ses absences. Cette fois-ci il bat des records : 7jours 3heures 2minutes et 51 secondes. Lorsque le 1 des 51 secondes se transforme passivement en un 2, la porte d'entrée s'ouvre tout doucement. Mon cœur s'accélère, même si mon père se comporte étrangement et n'endosse pas son rôle parental, je l'aime et chaque secondes, chaque minutes, heures et jours de son absence il me manque affreusement.
Je me relève rapidement et pose les mains sur les hanches, bien décidée à montrer ce que je pense de tout ça.

-Plus d'une semaine Papa ! UNE SEMAINE ! Est-ce que cette fois tu comptes me dire ce que tu fais quand tu pars, me laissant seule ici avec une immense liste de chose à apprendre, sans t'inquiéter que je me nourrisse avec le seul paquet de pâtes et les petits pois périmés ! Je suis ta fille et même ça je crois que tu l'as oublié!

J'achève mon court monologue dans le noir et étonnée de ne pas avoir été coupé par mon père, je décide d'allumer la lumière après son silence insupportable.
Un homme imposant se tient dans l'encadrement de la porte. Un homme certes, mais pas celui que j'attendais. La louve qui est en moi bouillonne et avant même que je décide quoi que ce soit je me retrouve à quatre pattes sur le sol, la gueule ouverte grognant sur cet inconnu. Celui-ci me regarde avec admiration.

-On m'avait dit que les enfants nés d'une famille anamorphe sont précoces mais alors là ça dépasse mon imagination !

Je cesse de grogner et me laisse gagner par la curiosité. L'homme ravi de mon changement d'humeur me sourit et s'approche lentement de moi.

-Excuse moi, j'en oublie les présentations. Je m'appelle Liv Henantios, me dit-il en me tendant une main menue

Cette fois-ci, la curiosité est remplacé par la stupéfaction. Une fois redevenue humaine je lui tends une main hésitante.

-Vous portez le même nom de famille que moi et mon père.
- Étonnant n'est ce pas, répond l'homme d'une voix amusée
-Qui êtes vous ?
Il marque un temps de pause puis reprends posément :
-Le frère de la personne que vous appelez «Papa».

Je lève des yeux ébahis vers l'homme. Liv me regarde, inquiet de ma réaction. Je reste immobile le fixant de mes yeux dorés.

-Cela peut vous paraître fou je l'imagine mais il va falloir me croire et me suivre.
-Vous suivre...,je répète quelque peu sur la défensive dorénavant
-Than risque de bientôt rentrer et je ne voudrai pas qu'il me surprenne ici en votre compagnie.

Il me jette un regard suppliant.

-Je vous en prie Ébène vous devez me croire, Than n'est pas quelqu'un de bien, vous ne pouvez rester ici.
-Mon père n'est pas ma...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase, Liv m'administre de force un liquide qui me brûle la gorge et me plonge dans un profond sommeil.

A mon réveil, une douce chaleur m'accueille. J'ouvre doucement les yeux et observe l'environnement qui m'entoure. La chaleur provient d'une cheminée où un feu crépite tranquillement. Des fauteuils recouvert d'un tissus rubis sont disposé autour du feu. Sur un de ces chaleureux fauteuils mon ravisseur y est assis. Il me regarde en silence, se tordant les mains dans tous les sens.

-Il fallait que je te sorte de cette maison à tout prix, et tu ne voulais rien entendre. J'espère que tu comprendras plus tard.

Il se lève et s'assoit sur le canapé où j'ai été allongé à une distance raisonnable de moi ou sécuritaire je ne sais pas, au cas où je lui sauterai dessus peut-être. N'ayant apparemment aucune autre solution possible, je décide de lui poser les questions qui trottent dans ma tête depuis notre rencontre.

-Tout à l'heure vous avez dit que les enfants né dans une famille anamorphe étaient précoces et j'ai cru comprendre que vous parliez de moi.
-Oui en effet.... J'aimerai discuter avec toi sur ce sujet. Mais il faut que tu m'écoutes jusqu'au bout sans m'interrompre. Tu pourras me poser des questions après si tu en ressens le besoin.

Je hoche la tête et le fixe, avide d'entendre ce qu'il a à dire.

-Le 29 février 2004, Mr et Mme Sneveley mirent au monde une petite fille plutôt anormale. Deux-trois minutes après sa naissance deux petites oreilles de louves lui poussèrent sur le crâne. Effrayés ses parents anamorphe, du commun des mortels si tu préfères, se mirent à hurler des infamies sur leur pauvre petite fille. Mon frère, Than Henantios, apparut alors dans cette chambre d'hôpital recherchant depuis des années une petite fille née anamorphe, ça je ne peux pas encore te dire pourquoi, tu comprendras plus tard... Bref, il l'a recueilli chez lui et ne lui confia jamais d'où elle venait réellement lui racontant qu'elle était sa fille biologique et évitant ces questions indiscrètes. Me demande pas comment je sais tout ça, je le sais c'est tout.

La bouche entrouverte, les yeux écarquillés, les souvenirs de ma naissance affluent violemment, j'entends résonner dans ma tête les propos horribles me caractérisant sortant de la bouche de mes parents. Je revois leurs expressions horrifiés et leurs moues dégoûtées. Pourquoi ses souvenirs me parviennent maintenant et pourquoi sont-ils si distincts ? Les larmes dévalent le long de mes joues et Liv me prend tout doucement dans ses bras comme si j'étais une chose fragile à ne surtout pas briser. Trop tard malheureusement, c'est déjà chose faite.

ÉbèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant