Chapitre 2

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Quoi que je fasse, mes affreux souvenirs reviennent toujours me hanter.

-C'est un monstre ! j'entends ma 'mère' crier cette phrase inlassablement et revoit sans cesse ses yeux me fixant avec haine

Dormir ? J'en fais des cauchemars toutes les nuits. Marcher ? Mes pensées affluent et finissent toujours par retrouver le souvenir de ma naissance.
Étudier ? Je n'arrive plus à me concentrer.

Non je cherche désespérément une activité qui occuperai totalement mon esprit me faisant oublier mon père et l'autre souvenir destructeur de mon âme. Enfin mon père... En réalité cet homme n'est personne pour moi, rien d'autre que mon ravisseur. Pourtant je tiens à lui et je l'ai toujours appelé Papa, pourquoi cela changerai maintenant ?
Liv tente de me changer les esprits revenant chaque jour de l'extérieur avec un nouveau livre pour moi, pensant me faire plaisir. Cependant rien n'y fait je ne suis même plus capable de les lire et tenter d'en ouvrir un me rappelle les journées sans fin où j'étudiais sans relâche, attendant mon père et tentant de le satisfaire.
Liv dit ne pas pouvoir m'emmener dehors, de peur que Than me retrouve. D'ailleurs quand je lui pose des questions sur leur relation fraternelle, il me réponds que je ne suis pas encore prête à entendre ce qu'il a à me dire. Humoristique n'est ce pas ?
Alors j'erre silencieusement dans la maison comme un fantôme, revivant sans cesse mes souvenirs du passé, versant parfois des larmes trop longtemps retenue. Je me sens abandonnée, orpheline et seule, terriblement seule.
Le soir venu je me couche, me rongeant les ongles, fixant le plafond les yeux grand ouverts et injectés de sang avec la hantise de m'endormir.
Le matin je me réveille fatiguée de ma nuit cauchemardesque, et la journée recommence, inlassablement tout se répète de la même façon et j'enchaîne, incapable de sortir de cette spirale infernale.
Pourtant ce matin là, mon instinct animal me souffle de tenir encore bon quelques heures, quelque chose va changer. Et il a bien évidemment raison, lorsque midi sonne sur la petite pendule du salon, Liv pénètre dans la maison en sifflotant, les yeux pétillants.

-Bonjour Ébène ! Content de te voir déjà réveillée, aujourd'hui, c'est le grand jour.

Voyant que je ne réagis pas et que je me contente de fixer la pendule et ses aiguilles suivant la même boucle infernale que moi, il enchaîne :

-Nous sommes le 4 septembre 2017! Ce qui signifie... Nouvelle année scolaire.

Je relève la tête et le regarde. Pour la première fois depuis ce qui me semble être l'éternité, le sentiment de vide est remplacé par la curiosité. Liv m'adresse son plus grand sourire.

-Eh oui Mademoiselle, il est grand temps que tu intègres Elequis.
-... Qu'est ce que c'est ?

Il me considère un instant heureux de ma participation, souriant jusqu'aux oreilles. Moi même choquée par le son de ma voix, je me racle la gorge et attends patiemment la réponse de celui-ci.

-Une école pour métamorphe un peu spéciale, on vous forme mentalement et physiquement pour un jour espérer anéantir le Siphantile

Je lui jette un regard interrogateur et tente de me souvenir de cet étrange nom. En vain.
-Pourquoi je me battrai pour une cause que je ne connaissais même pas il y a 2 secondes de cela et dont je ne connais même pas les agissements ?

Liv m'observe, les yeux graves. Il me tapote l'épaule et me pousse gentiment en direction de la porte.

-Suis moi, la directrice de l'école t'expliquera tout ce que tu voudras savoir, me murmure t-il en sortant juste après moi

Lorsque mes pieds traversent la limite séparant la maison de l'extérieur, une sensation de bien être m'envahit. J'inspire une grande bouffée d'air frais et ferme les yeux, laissant le soleil réchauffer ma peau restée si longtemps enfermée, éclairée à la lumière artificielle. Quand je les rouvrent un chat tigré me regarde avec les mêmes yeux verts et pétillants que Liv. Je ne l'avais encore jamais vu sous sa forme animale. Un léger sourire se forme sur mes fines lèvres et je me transforme à mon tour. Le chat sautille et prend le chemin de la forêt, je le suis, tout mes sens en alerte. Je respire à pleins poumons l'odeur du pin, j'apprécie la douceur de la mousse sous mes pattes et j'avance doucement afin de ne pas semer Liv qui gambade derrière moi comme un enfant.
En fin de compte, me métamorphoser est l'activité que je recherche vainement depuis plusieurs mois. Je me sens enfin moi-même, et mes pensées douloureuses sont loins derrière moi.
Je m'arrête un instant et tourne la tête vers les arbres. Peut-être que si je m'évadais dans les profondeurs du bois ma vie serai meilleure ? J'ai tous les moyens pour le faire, mais pourtant, mon instinct me souffle de rejoindre cette école. Je crois que j'y trouverai enfin des réponses à mes questions. Un petit miaulement autoritaire me rappelle à l'ordre et je baisse les yeux vers Liv qui me fixe sévèrement. Je souris intérieurement et me remet en marche. Direction Elequis.

ÉbèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant