DIARY - JOUR 7
J'ai rêvé de papa la nuit dernière.
Ça m'a fait bizarre de le voir, et je crois bien que je ne m'y habituerais jamais. La tristesse est encore présente. Elle ne disparaît jamais complétement et réapparaît au moindre signe de faiblesse. Je ne peux pas la fuir, je ne peux pas l'éviter. Je peux la ressentir au fond de moi, comme un fardeau, comme un secret lourd à porter. Je parviens à la ressentir si facilement, qu'il m'est difficile, voir impossible, de l'ignorer. Je suis faible.
J'ai tenté de me rendormir avec peine cette nuit-là, les larmes avaient rendu mon oreiller humide et peu confortable. Quand je me suis réveillée, j'étais presque surprise d'avoir finalement trouvé le sommeil.
J'ai raté tout mes cours du matin, mais tant pis. De toute façon, je ne me sens pas d'humeur à survivre aujourd'hui. Je n'ai pas assez de volonté ni de confiance en moi pour tenir toute une journée. Je ferais mieux d'aller me faire un thé.
Pour la quatrième fois, j'ai tourné la clé dans la serrure de la boîte aux lettres sans m'attendre à un miracle. J'ai jaugé les trois enveloppes du regard, et je les ai prise sans y jeter un coup d'œil avant de refermer la boîte. J'avoue que j'appréhende le moment de les ouvrir.
Elles sont posées sur la table basse en ce moment-même, et je ne peux pas me résoudre à regarder le dessus.
J'ai pris une brève inspiration et j'ai attrapé la première enveloppe.
C'était seulement une réduction de -50% sur un célèbre magasin. J'ai fixé le papier, partagée, mais me suis quand même promis d'aller y faire un tour. Un voile sombre de déception a traversé mon cœur, mais je l'ai réprimé au mieux.
La seconde lettre s'avéra être une facture d'électricité. J'ai scruté le logo d'EDF avec mépris avant de pousser la feuille loin de moi.
Le dernier courrier m'est adressé. J'ai pris la lettre entre mes doigts tremblants, et je l'ai ouverte en appréhendant son contenu. Une carte postale vintage, représentant la Tour Eiffel. J'ai reconnu l'écriture soignée et mon cœur a fait un bond.
Paris, le 05/03/XX
Chère jeune fille du train,
Tu es bien la première personne à suivre mes conseils. Je serais ravi de répondre à tes questions, à condition que tu répondes aux miennes car ton identité est encore floue. Dans mon journal, je parle de tout, de mes journées, plus ou moins intéressantes, des personnes que j'ai été amené à rencontrer. Au moins, quelque chose subsistera de ma vie.
Des choses sur moi? Que veux-tu savoir en particulier? Je peux te confier des choses basiques, comme mon âge ou bien le prénom de mon chat. Je viens d'avoir 19 ans et mon chat n'a pas de prénom. Est-ce que ça te convient? J'imagine que tu veux aussi connaître mon prénom, tout comme je meurs d'envie de connaître le tien. Je m'appelle Benjamin.
J'aimerais qu'on se revoit autour d'un café un de ces jours. J'ai inscrit mon adresse e-mail ci-dessous.
Bien à toi,
Le jeune homme du train.
Un large sourire s'incrusta sur mes lèvres au fur et à mesure que je parcourais la lettre des yeux. Je retourne calmement la carte et effleure son adresse e-mail du doigt, en me disant que je mourrai d'envie de lui envoyer un mail, là, tout de suite. Je vais chercher mon ordinateur.
J'ai ouvert ma boîte mail, distraite, et j'ai entrepris de lui écrire quelque chose. Mon adresse mail contenant mon nom de famille et mon prénom, il allait donc enfin pouvoir mettre un nom sur mon visage.
En relisant sa lettre, je me suis rendue compte qu'il était à l'université, vu son âge. Je faisais certainement pathétique, du haut de mes 17 printemps. J'ai avalé ma salive et j'ai tenté de me rassurer en me disant que j'aurais bientôt 18 ans.
Je tapote sur le clavier d'une main, tenant la lettre de l'autre.
Au moment où j'ai tenté d'écrire quelque chose, mon ordinateur s'est éteint sans prévenir.
DIARY - JOUR 9
Je suis passée chez l'informaticien ce matin. Mon ordinateur est foutu.
Qu'est-ce que je suis sensée faire, maintenant?
***
J'ai appelé maman parce que j'avais besoin de savoir. Elle n'a pas voulu me dire si c'était réellement de ma faute, comme on m'avait laissé croire. La vérité, c'est que je l'ai sur la conscience. Elle m'a crié dessus en disant que je n'avais pas besoin d'être au courant, puis elle a raccroché en ajoutant que j'étais comme lui, que je n'étais pas capable de prendre la vie comme elle venait.
DIARY - JOUR 11
Tout me semble mieux quand on dort, mais le réveil est douloureux et c'est insoutenable. Je savais que le malheur allait me retomber dessus un jour ou l'autre mais c'est beaucoup plus cruel que je l'imaginais.
Ça fait mal de l'avouer mais je m'attendais à ce genre de réaction. Qu'il en soit ainsi. Je n'ai plus la force de riposter. Je me sens juste glisser vers mon ancienne vie pleine de doutes et je ne saurais dire si c'est bien ou mal. A vrai dire, je suis persuadée que tout arrive pour une raison précise et que ce n'est ni négatif, ni positif. C'est juste fade.
C'est le seul mot qui m'est venu à l'esprit. A la suite, il y a eu 'brisé' et 'meurtri', mais ça n'entre pas dans la même catégorie.
DIARY - JOUR 12
J'ai fini les cours très tôt aujourd'hui, alors j'en ai profité pour envoyer un e-mail depuis la bibliothèque. J'ai tapoté le clavier brièvement, avant de me décider.
Comment dois-je t'appeler maintenant? Je veux dire, je m'étais habituée au jeune homme du train, alors je t'en prie, dis-moi.
J'y ai joins mon numéro de téléphone et ai cliqué sur le bouton "envoyer" en retenant mon souffle. C'était furtif, mais j'espérais intérieurement qu'il se décide rapidement à répondre.
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Les échos des âmes
Non-FictionEn référence à toutes ces voix qui tourbillonnent au fond de moi. [hiatus]