HARANYA tome I : Harani [Terminé] (fr)

Chapitre 4 : Solis

La route traversant la région de Mahadevi de la Cité des Tours au Cap de Solis fut plutôt longue. La route avait beau être tracée par un large chemin de terre creusé par les roues des diligences, Satsu et Mynthiao durent s'arrêter à plusieurs reprises, notamment à chaque croisement, pour être certaines de ne pas avoir dévié de trajectoire. Se déplacer en pleine jungle n'était décidément pas facile. Lorsque les filles arrivèrent à la frontière entre les deux régions, la nuit était déjà presque tombée. Pourtant en haut d'une colline, les filles n'eurent pas le temps de scruter la vue sur ce nouvel endroit, car un homme les interpella.

« Arrêtez-vous ici, s'il vous plaît. »

Satsu et Mynthiao se regardèrent, surprises. En fait, à cet endroit, la frontière était matérialisée par un poste de garde. Elles ne rechignèrent pas et mirent pied à terre, laissant les gardes les fouiller. Mynthiao pria pour qu'aucun d'eux ne reconnaissent le fragment du casque de Kyrios, auquel cas elle serait fortement ennuyée.

« Puis-je vous demander pourquoi cette fouille ? demanda poliment Satsu, curieuse. Nous n'en avons pas eu aux autres frontières que nous avons passées.

- Le Duc a pris cette décision l'année dernière, répondit un des gardes. Beaucoup d'Ishvarans, surtout ceux de Mahadevi, sont contre l'alliance commerciale entre Austera et Ezna. Il y a eu quelques attaques terroristes, et c'est beaucoup plus calme depuis que ce poste frontalier est en place. Ils n'osent pas passer par la montagne, c'est trop dangereux et ça les mène directement sur la Chute de Pavitra, donc ça les fait flipper.

- La Chute de Pavitra ? C'est quoi ? »

Les gardes se mirent à rire.

« Vous ne savez pas ce que c'est ? Vous l'entendrez cette nuit. Aussi, mieux vaut pour vous que vous passiez la nuit ici, c'est plus prudent.

- Désolée, mais nous devons rallier la Source du Voyageur ce soir, répondit Satsu. Nous devons y retrouver Quaid, un ami.

- Il vous faudra une bonne heure pour y aller à dos de léomorphe, et il fera nuit dans moins d'une demi heure. Vous allez vous faire attaquer en passant devant la Chute de Pavitra.

- Nous avons déjà subis des tas d'attaques, et nous sommes toujours vivantes, riposta Mynthiao. Nous avons même vaincu des mages.

- Mais là, ce ne sont pas des humains, insista le plus jeune des gardes, l'air terrifié.

- Humains, bêtes sauvages ou même monstres, on passera. »

Les filles se remirent alors en selle, ignorant les mises en garde des sentinelles. Elles descendirent le sentier qui menait à la plaine en contrebas.

« Encore un désert ... » soupira Mynthiao en découvrant un paysage proche de celui d'Arcum Iris.

En effet, la jeune femme aurait souhaité découvrir un nouveau paysage, encore différend de ceux qu'elle avait déjà pu voir. Mais au lieu de ça, elle avait l'impression d'être rentrée dans sa région d'origine, à quelques détails près. Ce n'était en fait pas tout à fait un désert, mais une plaine à l'herbe brûlée par le soleil et sa chaleur intense. Au lieu d'être rassurant, comme cela aurait pu l'être pour n'importe quelle personne se retrouvant sur un terrain assez familier, cela la fit frissonner d'effroi, lui rappelant son tendre village détruit, sa famille chérie froidement assassinée.

Elles avançaient au trot sur le dos de leurs léomorphes, dans la pénombre de la nuit tombante, guidées par la lumière d'un village au loin, certainement la Source du Voyageur, leur destination. Mais alors que le Soleil avait complètement disparu à l'horizon, et que seules les deux planètes Orion et Sirius étaient visibles dans le ciel avec la myriade d'étoiles qui les accompagnaient chaque nuit, de drôles de bruits s'élevèrent des ruines qui se trouvaient à droite du sentier. Des murmures. Des bruits de pas. Des tintements d'armures. Des gémissements de douleur. Parfois même des cris. Chum et Leonidas, les léomorphes, se mirent à grogner, à deux doigts de la panique. Les filles n'étaient pas tranquilles non plus ; ces bruits donnaient vraiment la chair de poule. Finalement, peut-être auraient-elles dû écouter les gardes postés à la frontière et passer la nuit à leur campement... Elles demandèrent à leurs montures de presser le pas pour arriver au plus vite à la Source du Voyageur. Heureusement, elles y parvinrent sans encombres.