Prologue - Louise

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Voici le prologue ! N'hésitez pas à me poser toutes les questions qui vous viennent à l'esprit, j'y répondrai le mieux possible ;)

Bonne lecture !

Juliette


D'ordinaire, je suis joyeuse, rigolote, tirée à quatre épingles. D'ordinaire, je travaille comme une forcenée, enchaînant parfois deux à trois gardes de douze heures chacune. D'ordinaire, je fonce... sans réfléchir. C'est bien ça tout le problème de ma vie. Avancer, puis me raisonner ensuite. Si, aujourd'hui, je me retrouve coincée entre les quatre murs de mon appartement, devenu aussi sombre que poisseux, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même.

Huit semaines de congés maladie. Je n'en reviens toujours pas. Habituellement, je suis chargée de délivrer ce type d'arrêt. Lorsqu'un de mes patients me baragouine qu'il ne tiendra pas le coup, je maugrée intérieurement. Offrir du repos sur un plateau d'argent et ils se plaignent encore ? Moi qui rêvais alors de profiter de vraies nuits de sommeil, j'aurais vendu mon père, ma mère et mes deux meilleures amies contre une envolée directe dans les bras de Morphée. Depuis, j'ai légèrement changé d'avis. Ma vaisselle sale empilée dans mon évier depuis des jours et mes volets continuellement fermés en témoignent. À force de m'enliser ici, en jogging informe, je deviens doucement une loque humaine. Qui étais-je pour tacler certains malades de douillets ? La souffrance qui m'accompagne est parfois telle que je meurs d'envie de m'autoprescrire de puissants antalgiques. Mais, je tiens bon. Je refuse de dépendre de ces saloperies sans nom. J'y arriverai. Question d'amour propre, mais pas que...

Louise, la warrior, va bientôt revenir à elle. Et quand ce jour viendra, haut les cœurs ! Je ne ferai qu'une bouchée de toutes ces personnes qui s'amusent à rire dans mon dos, à colporter des rumeurs erronées sur mon état. Dépression, mariage blanc, fausse couche, maladie imaginaire sont les quelques hypothèses les plus régulièrement avancées. Si toutes ces cruches savaient comme elles sont loin de la vérité.

Un rein.

Voilà ce que j'ai donné.

Un rein. Le droit.

À Sam, le dévoué serviteur sexuel d'une de mes meilleures amies, Sara.

Ne vous méprenez pas. Je ne l'ai pas fait pour une quelconque reconnaissance. Non. Chacun d'entre nous possède au fond de son âme ses pires déchirures. La nôtre, à Sara, Camélia et moi, se nomme Flora. La jumelle de la première, décédée, peu après son dix-huitième anniversaire. Depuis, nous improvisons, apprivoisant notre douleur du mieux que nous le pouvons. Les années ont beau passer, même si le chagrin s'estompe, il reste présent.

Perdre Sam ?

Cela me paraissait impensable. J'étais compatible, je ne pouvais pas le laisser mourir.

Donc, me voilà, face à leur reconnaissance éternelle, en train de moisir sur mon propre canapé, avec pour seuls voisins : un paquet de chips, une sauce bien grasse au goût douteux et un soda capable de m'envoyer rapidement au pays du diabète.

— John, écoute-moi... John, je t'en supplie...

Captivée par ce qu'il se joue derrière mon écran, j'augmente le son.

— John, je t'aiiiimmmmmeeeeeeee.

Je suis outrée. Comment Ornella peut-elle dire une telle énormité alors qu'elle vient de passer quatre heures à fricoter avec Matt dans le jacuzzi conjugal enfin rénové ?

— Tu m'as trompé !

— Tu te trompes !

Quel jeu de mots...

— Et que faisait la bouche de mon cousin sur ton... ton... Je ne peux même pas le dire ! Comment as-tu pu me faire une chose pareille ?

Le pauvre, s'il savait que Matt est, en réalité, son frère jumeau volé à la naissance par sa propre tante, il n'y survivrait pas.

— John, mon amour, il faut que je t'avoue quelque chose.

Le test de grossesse ! Ne me dites pas que... Mais, c'est quoi ce brouhaha ? Il faut que je sache ! Trois semaines que j'attends ce moment crucial où leur avenir va se jouer. Trois semaines que...

— Louise, tu ne regardes quand même pas cette connerie sans nom ?

Je n'ai même pas besoin de me retourner pour comprendre que Sara vient d'entrer par effraction dans ma grotte. D'un geste rapide, elle s'empare de la télécommande et éteint mon programme. Non, ma drogue.

— Camélia, va ouvrir les fenêtres en grand, on se croirait dans un zoo, ici !

Vaincue, je croise les bras, bien décidée à ne plus leur adresser le moindre mot.

— Lou, tu pues. Mais, tu as vu tes cheveux ? Ils ne ressemblent à rien ! s'égosille la première en tentant de les démêler à la main.

— Aïe...

— Au moins, tu n'as pas perdu l'usage de la parole. C'est déjà une bonne chose.

Franchement, depuis quand s'y connaît-elle en longue tignasse blonde ? Avec la sienne, brune ondulée, elle se croit avoir le droit de me faire la morale ?

— Lou, va te doucher. On dirait que ta tête est enduite d'huile.

Si la rousse s'y met aussi, je ne suis pas rendue.

— D'ailleurs, ajoute Sara, ce serait bien que tu t'habilles correctement.

Je les regarde, interdite. Que font-elles, chez moi, un soir de semaine, fringuées comme si elles allaient sortir en boîte ? Avec sa robe noire portefeuille, la brune fait concurrence à Camélia qui est vêtue d'une jupe en tulle, assortie à un haut rouge satiné. Elles ont perdu la boule ou quoi ? Dehors, ça gèle... Un début de mois de février dans l'est de la France est comparable à l'ère glaciaire du temps des dinosaures.

— File te laver. Ensuite, tu comprendras. Mais, fais vite. Nous n'avons pas toute la nuit devant nous.

En me levant, bien décidée à les faire déguerpir au plus vite, je la vois à peine cachée dans le gros sac à main de Sara.

Elles ont emmené « Love Box » avec elles.

Tout, mais pas ça.

Dark KissOù les histoires vivent. Découvrez maintenant