Ce matin le froid a rendu sa virginité au monde. Mais le soleil que j'espérai porteur de demains radieux est frileux et reste caché sous une couette de brumes pâles...
Faut-il toujours être en route vers autre part, accoudé au bastingage, le regard perdu vers un ailleurs? Le regard perdu peut être pas, seulement immergé dans un au-delà des vagues, un au-delà des vague à l'âme.
Le sable qui reste incrusté au fond des poches, zeste d'un passé effondré peut-il suffire à construire une maison solide dans un avenir aléatoire? Le sable nous leste de souvenirs enfuis, improbables châteaux en Espagne, définitivement abandonnés dans leur fragile univers de rêves floconneux des bords de l'ivresse. L'ivresse de croire que deux mains font des lendemains qui chantent.
Alors le sable se jette aux yeux et fait naître des vagues, des vagues d'adieux, des vagues de désespoirs qui montent et débordent, engloutissent le lit, les couvertures et les nuits étoilées par des rubans de soie. Ces vagues portent la barque des fuites, fuite en avant vers l'oubli impossible., fuite inexorable vers les interdits, fuite vers la destruction de soi, la mort...Déracinée, portée par les flots d'amertume, la gorge nouée par une incessante nausée, je lutte, les pieds soudés au pont qui chavire, les mains accrochées à ton cœur qui respire, j'ai froid. Comme l'arbre emporté par le vent, les racines à l'air, je sens ma sève s'enfuir. Je me dessèche aux milieux des embruns. Cachées par les brumes marines les côtes de l'espoir se hissent en montagnes infranchissables, et mon esprit bute sur des monts invisibles, sur des mots inexprimables.
Sans ma langue qui résonne entre les murs des ruelles d'ombre, sans les bruits du souk, sans les senteurs de mon Orient, j'ai froid, cette obscurité ne me quitte pas. Je dois me fondre dans la glace où reprendre ma forme d'avant. Pouvoir me regarder, me voir telle que j'étais, m'autoriser à l'être encore.J'ai peur de ces regards qui me déshabillent, qui me cataloguent, qui me jugent, me condamnent, m'exécutent. Je suis lasse de vos yeux qui me rejettent, avec lesquels vous oser me prendre et me posséder. Mes doigts se crispent dans mes poches mais je n'ai plus de sable pour vous aveugler, je l'ai utilisé pour construire. Mes doigts peuvent encore arracher ces billes avec les quelles vous vous autoriser à me mettre nue, mais en ai-je encore la force?
Je suis nue, dans les rues humides et venteuses, sur les trottoirs brûlants au soleil. Je suis nue face aux terrasses des cafés bondés par des hordes d'hommes qui m'observent. Je suis nue, n'arrive pas à vomir toutes ses aigreurs qu'ils me jettent à la face. Des quais ou à l'ombre des ponts de Seine je me courbe vers l'eau verdâtre qui s'enfuit, elle aussi vers des déserts de sable dorés et soyeux, vers de soleil qui sèchent les larmes . Me laisser glisser et elle me porterait dans ses bras comme un fétu vers ces ailleurs...
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UN PAS VERS LE BONHEUR
Short StoryDans le silence et la solitude, le promeneur immobile marche sur les nuages de ses rêves à la recherche des possibles.