Prologue

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Partir. M'en aller le plus loin possible. Tout oublier. Tout recommencer. Laisser derrière moi la douleur, la peine, les regrets. Toute cette souffrance insoutenable qui brule chaque lambeau de mon âme abimée. Devenir quelqu'un d'autre. Ailleurs. Ou, simplement, me trouver. Respirer. Exister.

D'un point de vue extérieur, on pourrait voir ça comme une fuite en avant. S'éloigner des problèmes. Se mettre des œillères plutôt que d'affronter les obstacles que la vie met sur votre chemin. Mais c'est bien plus que ça. Il en va de ma survie. Si je ne pars pas, maintenant, je ne le ferai jamais. Et alors, serais-je capable d'en supporter davantage ? De tenir, ne serait-ce qu'une journée de plus au cœur de l'enfer qu'est devenue ma vie ? Non, je ne pense pas.

Je dois partir. Et c'est ce que je fais.

Je n'ai pas vraiment préparé ce voyage, si l'on peut appeler ça comme ça. Nous sommes en mai et je n'ai même pas terminé mon année de lycée. Mais j'ai atteint la majorité depuis quelques jours. C'est suffisant pour que je puisse partir sans avoir besoin de me justifier à qui que ce soit. Cela fait des mois que j'y pense. Que je réfléchis à l'éventualité de tout balancer. De m'enfuir. L'été dernier et tous les week-ends de l'année qui s'est écoulée, j'ai travaillé pour mettre de l'argent de côté. Je voulais financer mon permis de conduire et m'acheter une petite voiture. Mais tout a changé en une fraction de seconde. Un imprévu qui détruit mes espoirs. J'ai tout perdu. Ma vie a définitivement basculé pour me plonger dans l'abyme où je me noie. Le précipice au bord duquel j'ai, jusqu'à lors, vécu ma courte vie m'appelle sans cesse. Je l'ai rejoint, sans l'avoir pourtant décidé. Je n'y étais pas préparée. Aujourd'hui encore, je me demande comment je fais pour tenir debout. Pour avancer. Peut-être est-ce l'instinct de survie ? La certitude que tout n'est pas écrit ? Je veux croire que j'ai, moi aussi, droit à une autre chance. Un nouveau départ.

Merde ! C'est vrai, quoi ! Pourquoi faudrait-il que je sois née pour la seule et unique raison de souffrir corps et âme, de subir et de perdre les êtres qui me sont les plus chers ? Ne dit-on pas qu'on a tous un rôle à jouer sur cette putain de planète ? Alors, quel est le mien ? Parce que jusqu'à présent, je n'ai encore pas trouvé mon chemin, ma raison de tenir encore debout. Malgré tout.

J'ajuste la sangle de mon sac à dos sur mon épaule. C'est lourd, et je ne suis pas taillée pour supporter tout ce poids. Il n'y a pourtant pas grand-chose dans mon sac. Quelques fringues – les plus pratiques à enfiler, car je ne sais pas encore où je m'en vais –, de quoi me laver. Mon lecteur Mp3, parce que j'ai besoin de musique. C'est elle qui m'aide à exprimer mes émotions, à ma façon. Quelques provisions chipées dans les placards de la cuisine que j'ai quittée à pas de loup, avant que tout le monde ne se réveille. Remarqueront-ils seulement mon départ ? J'en doute fort. Ce n'est pas la première fois que je déserte l'endroit qui devrait être ma maison pendant plusieurs jours sans que personne ne s'en inquiète réellement. Peut-être que d'ici une dizaine de jours, ma mère commencera à se poser des questions. Mais je serais déjà loin. Et je ne reviendrais pas en arrière. Jamais. C'est décidé.

Je marche à pas mesurés, prenant le temps d'imprimer dans ma mémoire les derniers souvenirs de tous ces lieux où j'ai grandi. Tous ces endroits que j'ai maudits. L'aube est déjà là, teintant le ciel d'un rose orangé. La brume m'enveloppe tel un écrin de douceur. Je m'y cache. Je m'y perds. Et voilà que j'entends le chant des oiseaux, comme une ode à mon nouveau départ. C'est le commencement d'autre chose. Un voyage vers l'inconnu. À la recherche d'un espoir. D'une raison de continuer, de ne pas tomber pour ne jamais me relever. J'en ai besoin. Et je m'accroche à chaque détail me confirmant que j'ai raison. Ma place n'est plus ici. Sans elle, je n'y arriverais pas. J'ai essayé. Vraiment. Mais tout a empiré après son départ et je n'ai plus la force de me battre contre des moulins à vent. Quoi que je dise, quoi que je fasse, rien ne sera plus jamais comme avant. "Hier, n'existe plus. Demain est imprévisible. Seul le moment présent nous appartient". Aujourd'hui, m'appartient. Et je prends le chemin de mon destin.

A(b)ime-moi - Sortie numérique cet été chez Editions Addictives !!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant