Chapitre 3

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playlist du roman : https://www.youtube.com/watch?v=NGFSNE18Ywc&list=PLHnjOSolX_De-bj93b8nuAtaGAt5lxoT7

AÏDEN

J'ai passé une nuit atroce. Pire que d'ordinaire. Les cauchemars, les réveils en sursaut, le dos trempé de sueur et le regard hagard, ça, je connais. Pourtant cette nuit, c'était différent. J'ai mis du temps à trouver le sommeil et quand j'y suis enfin parvenu, j'ai eu la sensation vertigineuse de me retrouver deux ans en arrière. De revivre chaque minute, chaque seconde, de cette soirée, dans les moindres détails. Ça m'a paru tellement réel que je me suis réveillé en hurlant. Heureusement que ma chambre est au-dessus du garage. Sans quoi, Jo et Henri m'auraient entendu à coups sûrs. Je n'ai pas retrouvé le sommeil après ça. Je me suis levé et j'ai pris mon carnet à dessin. J'ai laissé mes doigts glisser sur le papier et j'ai esquissé la silhouette frêle et envoutante de la fille sur la plage. J'ai tracé les contours de ses formes. L'ondulation de ses cheveux. Je crois même être parvenu à imprimer la tristesse de son âme. J'aurais aimé avoir plus détails pour la représenter, mais je n'ai pas eu l'occasion de la dévisager de plus près. J'ai accroché le croquis au-dessus de mon lit. Et j'ai passé le reste de la nuit à fixer le dessin et me poser des milliers de questions.

Je me lève et croise mon reflet dans le miroir de la salle de bain. J'ai une tête à faire peur. Et mon humeur semble en adéquation avec mon apparence. J'ai l'impression d'errer dans une vie qui n'est pas la mienne. Perdu entre les rêves que j'ai eus un jour, et les ombres qui hantent mes nuits. Je décide de ne pas rejoindre mon oncle et ma tante pour le petit déjeuner. À tous les coups, en voyant mon état, ils seraient bien capables de vouloir discuter. Et je n'en ai pas la moindre envie. Je prends une douche rapide, enfile un jeans, un t-shirt et mon sweat, avant de descendre par l'escalier de service qui mène à la porte du garage, m'évitant ainsi de prendre le risque de les croiser. Il est encore trop tôt pour débarquer chez Connor qui doit roupiller ou décuver après notre soirée d'hier. Je traverse le jardin et emprunte le petit sentier qui mène directement à la plage, fixant l'horizon à perte de vue. Avoir l'océan sous les yeux dès le réveil et jusqu'au coucher du soleil est un privilège, je le sais. Mais je sais aussi que l'océan peut vous prendre tout ce que vous avez. Il a pris mes parents alors que je n'avais que cinq ans. Et j'ai grandi, entouré d'amour certes, mais conscient qu'un jour, tout le monde meurt...

J'arrive rapidement au poste de secours de la plage. À cette heure-ci, je ne pense pas que Trent soit déjà là, mais il y a tout ce qu'il faut pour me préparer un café. Et j'en ai vraiment besoin. Trent fait parti de notre bande. Il est un peu plus vieux que Connor et moi. Il est comme notre grand-frère. Le top, c'est qu'il nous laisse squatter le poste de secours les nuits où on n'est pas en état de rentrer après une soirée de débauche. Il est vraiment cool.

Dès lors que j'ouvre la porte du local, je sens que quelque chose cloche. La porte n'était pas verrouillée et Trent n'oublie jamais ce genre de détail. À bien y regarder, je crois même qu'on l'a forcée. Et merde. Je plisse les yeux et balaie l'espace exigu des lieux, à la recherche du moindre changement ou d'objet disparu. Je repère rapidement une silhouette recroquevillée et emmitouflée sous une veste informe derrière le bureau. Je ne sais pas qui est caché là-dessous, mais il n'a rien à faire ici. C'est tous les ans la même chose. Les gamins débarquent pour passer quelques jours entre potes. Ils font les cons, s'enivrent et finissent par se trouver un endroit où dormir, sans se demander s'ils risquent des problèmes. Ils ont de la chance quand ce n'est pas Jeff qui les trouve le premier. Sans quoi, c'est le poste de police assuré. Je m'approche lentement, prenant garde à ne pas faire de bruit. Je veux mettre une trouille bleue à ce gosse pour que l'envie lui passe de recommencer. Je donne un coup de pied dans sa chaussure pour le réveiller. La silhouette sursaute et je souris, ravi de mon petit effet.

A(b)ime-moi - Sortie numérique cet été chez Editions Addictives !!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant