Chapitre 5

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Après le déjeuner, je rejoins le pub pour tenter d'y remettre de l'ordre, nous avions pour but de réouvrir au plus vite et il restait maints choses à faire avant cela.

En fin d'après midi, la ville s'agita, plusieurs camions débordant de soldats débarquèrent à Portsmouth puis suivirent la route de la base. Plus d'une quinzaine d'avions survolèrent la région vers la mer. Il se tramait quelque-chose, cela se sentait, les expressions des soldats étaient dures, l'angoisse montait.
Je repensais au lieutenant Crawford  qui le matin même était parti dans la même direction.
Elle l'avait rencontré il y a peu, pourtant elle ressentait déjà une vive émotion en imaginant qu'il ait pu lui arriver malheur. 

La jeune femme prit alors sa bicyclette, lassée de rester dans l'ignorance. Elle roula jusqu'à la base, encore six avions venaient de décoller.

Elle jeta sa monture au sol près des tentes et interpella le premier soldat venu:

- Soldat, que se passe-t-il?

Elle fut accueilli avec colère par le militaire:

- Vous n'avez rien à faire là mademoiselle, c'est une zone réglementée, retournez chez vous!

- Je vous en prie, j'ai un ami là-haut.
Supplia-t-elle en montrant l'horizon d'un hochement de tête.

- Le lieutenant Crawford... Vous savez s'il est revenu?

- Que Dieu le garde, son escadrille est tombée dans une attaque allemande au large de Brest, plusieurs de nos navires y ont péris, je suis navré.

La jeune femme, horrifiée, fit demi tour avec regrets
- Ce n'était pas possible il ne pouvait pas mourir lui aussi...

****************

- La côte est en vue, Peet tiens le coup! S'enquit Jim.

Soudain, ils croisèrent dans la brume une multitude d'appareils prêts à en découdre avec l'ennemi:

- Les renforts arrivent bien tard. Soupira-t-il.

Après plusieurs heures de vol harassantes, la côte était enfin en vue. Lorsqu'ils rejoignirent la base, la soirée était déjà bien engagée, si bien que sitôt leur rapport de situation transmis ils rentrèrent dans leur tente. Un silence de mort les accompagnait, lourd et douloureux.

Les deux survivants se servirent un scotch, Jim porta un toast:

- A Harry, tu nous manqueras vieux frère.

- A Harry, répondit Peet avec douleur.

Il burent en silence, le ciel était étonnamment étoilé en ce soir de décembre, illuminant cette froide nuit d'hiver. Je m'endormis, bercé par les embruns de la mer, vigoureux mais d'une monotonie soporifique.

Au réveil, le soleil était déjà haut, j'eus une grande peine à trouver la force de me lever, mais malgré tout, il fallait reprendre le cours de mon existence, c'était inévitable, la mécanique de la vie, la mécanique du soldat.

Après m'être soigneusement rasé, il me prit l'envie de rejoindre la ville, les deux jours passés loin de Portsmouth m'avaient semblé une éternité, de plus je n'avais pas revu la ville depuis l'attaque. J'embarquai Peet avec moi, ce p'tit avait besoin de changer d'air, la mort de son ami sera difficile à encaisser... Sa mine éplorée était à la hauteur de son désarroi.

Je garai la jeep en centre ville, après avoir acheté de quoi manger, on se posa près de la jetée, la brise marine était fraîche mais le soleil s'était invité et réchauffait l'air humide de l'Hampshire.
Peet se murait dans le silence depuis la veille, il semblait encore sous le choc:

- Tu sais Peet, je pense que le mieux serait que tu rentres chez toi quelques temps, à Manchester,  que tu te reposes. Demande une permission, prends quelques jours.

Peet leva les yeux vers moi:

-  Voyons lieutenant je ne peux vous abandonner maintenant, et puis je n'ai nul besoin de repos.

- Jim... Je les hais, ces bochs, je veux une revanche, je veux me venger de ces monstres, les envoyer au fond, les...

- Du calme. Le coupa le lieutenant.

- Écoute moi, le monde n'est pas tout blanc ou tout noir, moi aussi je suis en colère, mais n'oublie pas une chose, tu combats des hommes, qui pleurent leurs morts eux aussi. La guerre est terrible, elle nous a tous marqué au fer rouge, mais Peet, ne laisses pas ta colère et ta haine  prendre le pas sur le reste, sinon autant dire que l'ennemi a déjà gagné.

- Pff... C'est pas tes grands discours qui le ramèneront et quoi que t'en dises, ces mecs sont des salauds, ils tuent sans scrupules!

- Peet ce n'est pas...

Le jeune soldat c'était levé, avant de disparaître.

Jim se retrouva seul avec ses pensées, il flâna le restant de l'après-midi sur le bord de mer, errant sur la plage les yeux tournés vers l'horizon.

A la tombée de la nuit, il retourna à la jeep, qui apparemment s'était elle aussi volatilisée. Dans son élan de colère le jeune Peet avait dû rentrer avec, au fond peu lui importait. Le pub en face de la rue avait déjà réouvert, certains carreaux n'avaient pas été remplacés, de simples panneaux de bois recouvraient  les trous béants, qui laissaient paraître une lumière chaleureuse à l'extérieur.

Passé la porte, je m'avançai,  pris place au bar, commandant un scotch. Au moment où j'avalai ma première gorgée, la porte claqua, une silhouette à l'allure féminine se dessinait encore à travers la vitre colorée et s'éloignait à grand pas.

Sans réfléchir Jim se leva, accourut vers l'entrée. Serait-ce elle? A moins que ses sens ne lui jouaient encore des tours?

- Mademoiselle?

Lena sursauta le temps d'un instant, était-ce à elle que l'on s'adressait? Évidemment, qui d'autre à part elle se trouvait dans la rue à cette heure.

- Oui... Répondit-elle fébrilement.

Le jeune homme qui s'approchait était plongé dans l'obscurité de la nuit qui recouvrait la rue, si bien qu'elle ne le reconnut pas immédiatement.

- Lena, c'est bien vous?

Son visage apparut soudainement à la jeune femme, Jim était vivant! 

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Voici le chapitre 5 bonne lecture 😉

  

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