Chapitre 8 - L'encre

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Le dos contre la porte d'entrée, les quelques centimètres qui nous séparent sont horriblement douloureux. J'aimerais me jeter à son cou, ou bien fuir. Je suis mitigée entre les deux. Il ne va pas me faire du mal, c'est lui qui m'a demandé de venir ici. Je n'ai toujours pas compris pourquoi, d'ailleurs. Je bégaie.

— Qu'est-ce que vous...

Le contact de ses doigts sur mes lèvres me fait taire instantanément. Nos corps ne sont séparés plus que par quelques centimètres. Il m'hypnotise par son regard et je pense savoir ce qu'il s'apprête à faire... Ma bouche s'assèche et s'entrouvre instinctivement. Et puis ses lèvres sont subitement collées aux miennes et aspirent tout mon air...

Ses doigts maintiennent mon menton fermement alors que je le laisse glisser sa langue entre mes lèvres... Et son baiser devient passionné et intense. Je laisse tomber mon sac à main et m'accroche à sa chemise tout en prolongeant son baiser. Nos langues s'accordent parfaitement et le seul contact que nous avons ce sont ses doigts sur mon visage et nos lèvres. Subitement il me relâche et la séparation est à la fois douloureuse et délicieuse. Bon sang... Personne ne m'a jamais embrassé ainsi.

Je reprends mon souffle et le repousse doucement pour reprendre mes esprits. Avec lui si près, je ne suis plus moi-même je l'ai remarqué. Je passe ma main dans mes cheveux en soupirant.

— Qu'est-ce qui vous prends ? Pourquoi avoir fait ça ?

Il me regarde et va prendre son fameux carnet sur la table, il y écrit rapidement et vient me le montrer. Il y a écrit « j'en avais envie » Il gribouille à nouveau : « vous êtes tellement belle » et de l'autre côté il inscrit qu'il est désolé.

Mais de quoi ? Du baiser ou de ce pourquoi il s'excuse encore ? Qu'est-ce que je lui dis ? Qu'il m'attire autant qu'il m'effraie ? Que je suis une idiote de penser à lui tous les jours comme une adolescente éprise ? J'ai toujours cru au coup de foudre et à l'âme-sœur. Nous n'étions pas fait pour nous rencontrer, ni même pour nous embrasser. Et pourtant depuis le premier jour, tout m'attire chez cet inconnu.

Il se passe la main dans les cheveux et lorsque sa manche se recule un peu sur son avant-bras, je remarque de l'encre noire qui dépasse. C'est la seconde fois que je le remarque. Je suis presque sûre que c'est un tatouage. Je remonte mes yeux sur son bras, mais sa chemise blanche n'est pas du tout transparente. Je n'ai pas le temps d'en apercevoir davantage, car il me distrait avec des signes qu'il me fait.

— Vous me demandez de manger avec vous ?

Il acquiesce en haussant les épaules comme pour me laisser le choix. Il semble perdu et je ne sais pas quoi lui répondre. Ma tête me cri un non alors que mon cœur me dit le contraire. Il remarque certainement que je n'ai rien à dire, alors il va à la table et écrit dans son carnet. J'en profite pour souffler un peu et pourtant j'aimerais de nouveau réduire l'espace entre nous pour palier à cette douloureuse tension.

Je m'avance pour le rejoindre et lire ce qu'il m'écrit, ça me paraît plus long. Il me tend ensuite son carnet : « Je sais que je parais compliqué, que vous avez certainement des milliers de questions à mon sujet. Je veux juste apprendre à vous connaître. Je n'ai jamais eu autant envie et besoin de parler pour pouvoir échanger avec vous. »

Je regarde son petit mot et je viens lui prendre son crayon des mains. Je tourne la page et écris : « Nous n'avons pas besoin de parler ». Je croise son regard et lui fais un sourire. Il finit par décoincer le sien et c'est la plus belle chose qui soit. Ce sourire doux et timide, tellement contrasté avec son regard méfiant et triste. Je croise les bras.

— Tu pourrais commencer par me dire ton prénom.

Il écrit sur son carnet : « je préfère bel inconnu ». Je souris en le regardant poursuivre. Je lis à voix haute en haussant un sourcil d'incompréhension.

Le silence du pêcheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant