Il me semblait avoir marché depuis des heures, pourtant je n'avais pas trouvé un endroit qui aurait pu me servir de refuge. Pas de survivants non plus. Au détour d'une rue jonchée de débris et de tas de pierres, je songeais que je ne m'étais jamais vu comme ça. J'étais en train de découvrir une facette de moi totalement insoupçonnée. C'est vrai, j'étais plutôt du genre douillette et très émotive. Au lycée, mes amis s'amusaient souvent à me le faire remarquer. Je pleurais devant chaque fin de film un peu triste et je pouvais avoir mal au pied toute la journée si, par inadvertance, je m'étais cognée contre le rebord de la table basse de mon salon.
Maintenant, j'étais une survivante.
Je me rappelais, lors d'un jeu pendant une soirée, quelqu'un m'avait demandé si je préférais vivre en étant le dernier humain sur Terre, ou mourir. J'avais alors répondu sans hésitation que je préférais être la dernière personne en vie sur Terre, au moins j'aurai une chance de survivre. Les médias avaient alors déjà commencé à parler de la Catastrophe, qui ne laisserait aucun survivant. C'était le prétexte préféré de ma génération pour sortir et profiter à fond de la vie car, qui sait, la Catastrophe arriverait peut-être demain? Le pire, c'est que personne n'y croyait vraiment, moi la première. Et pourtant, c'est arrivé.
Le poids de la solitude que je ressentais maintenant aurait pu me faire changer d'avis. A quoi bon être là si tous le monde était parti ? Si il ne restait vraiment plus que moi, quel serait le sens à ma vie ?
Je pris une grande inspiration. Non, je ne pouvais être sûre qu'il ne restait plus personne. Tant que je n'aurai pas fouillé chaque recoin du globe, j'espèrerai toujours retrouver un survivant.
Le froid commençait à me faire frissonner. J'accélérai le pas pour me réchauffer. Tout droit, un mur de décombre, à gauche, à gauche, un immense cratère dans le sol, encore tout droit, à droite, toujours tout droit. Une angoisse qui me serrait la gorge et me tenaillait le ventre commençait à s'emparer de mon corps et affectait sérieusement mon moral. Soudainement, après avoir grimpé par-dessus deux voitures qui semblaient s'être rentrées dedans, tachées de terre et de rouge, je vis le centre commercial où j'avais l'habitude d'aller faire mes courses avec mes parents où de faire les magasins en compagnie de mes amis. Et il semblait encore tenir debout. Mes pieds décolèrent presque du sol alors que je courrais désespérément vers les portes du bâtiment. L'entrée était complètement ouverte et je n'eus aucun mal à me faufiler à l'intérieur.
Tout était plein de poussière. Des tas de sables s'élevaient de chaque recoin. L'atmosphère sombre rendait le lieu assez inquiétant, mais ça ferait l'affaire pour cette nuit. Je parcourus les rayons du supermarché en quête de nourriture. Les étalages étaient pour la plupart renversés et des caddies remplis d'achats traînaient à plusieurs endroits. J'avais trouvé de quoi manger pour plusieurs jours et un sentiment de satisfaction et de soulagement avait chassé mon angoisse. A la recherche d'un coin où dormir, je passais devant ce qui avait été ma boutique de vêtements préférée. La vitrine sale de traces de suie donnait sur plusieurs mannequins désarticulés, qui avaient autrefois porté les vêtements les plus tendance. Par curiosité, j'y jetai un coup d'œil. On pouvait distinguer au fond de la pièce des monticules de tissus pleins de couleurs différentes, même si le rouge était celle qui ressortait le plus. Devant, certains mannequins en plastique sans visage se tenaient debout, mais la plupart étaient tombés. Il manquait à plusieurs un bras, une jambe, ou les deux. Une main avait cependant attiré mon attention. Elle était d'une couleur beaucoup plus nuancée que celles des mannequins et flottait dans une marre d'un liquide sombre. Je détournai instinctivement le regards, comme si j'avais vu quelque chose que je n'étais pas censée voir.
Je trouvais finalement refuge dans une boutique de meubles, sur un matelas à peu près en bon état. Je m'endormis vite, mais un sentiment étrange s'était insinué en moi. Je l'avais senti grandir chaque heure qui s'était écoulée.
L'impression que quelque chose m'échappait. L'impression que j'étais à côté de la plaque.
L'impression que je n'avais rien compris à l'histoire.

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Seule
Short StoryLorsque Mathilde se réveille, après la Catastrophe, tout a été détruit. Elle se retrouve livrée à elle-même, seule, et tente de survivre dans ce milieu hostile. Mais au bout de quelques jours, elle rencontre Emma, une étrange survivante, qui va appo...