Protect me

Chapitre 5

Deux semaines. Deux semaines se sont écoulées depuis le fameux soir. «Fameux » n'est en réalité pas vraiment le mot que je devrais utiliser. Je devrais plutôt dire « désastreux ». Ouais, je pense que c'est le mot. Tout simplement parce ma vie est un désastre depuis deux semaines. Pour dire vrai, ça a été les semaines les plus longues de toute mon existence. Jusque là, je ne m'étais jamais demandé comment j'avais fait pour tenir autant de temps seule. Maintenant on dirait bien que la solitude est mon pire ennemi. Ou bien, la vie sans Zach. Je n'ai plus aucune nouvelle de lui depuis deux semaines. Je crois bien que cela fait quinze jours que je n'ai pas ouvert la bouche mis à part pour parler à ma mère pour ne pas qu'elle s'inquiète. Chaque nuit, j'attends qu'il vienne toquer à ma fenêtre mais rien ne se passe. Alors j'attends. Et voilà quinze jours que je ne dors presque plus. Mais le pire dans tout ça, c'est la peur. La peur qui ne quitte pas une seconde mon esprit. Cette voix qui, sans cesse, me dit qu'il est là. Qu'il va revenir. Il m'a dit qu'il reviendrait. Mais ce n'est pas vrai. Il n'est jamais revenu. Son but était de me faire peur ? Que je passe le restant de ma vie à paniquer chaque fois que j'entends le moindre bruit ? A me retourner chaque fois que quelqu'un marche derrière moi dans la rue ? A ne plus dormir ? C'était cela son but ? Et bien, j'ai bien peur que ce soit réussi. Zach devrait être là. Il ne peut pas me laisser tomber. Pas maintenant. Pas au moment où j'ai besoin de lui. Il n'a pas le droit. Et pourtant il l'a fait. Et maintenant je suis seule. Et terrifiée. Chaque seconde qui passe me semble interminable. Il ne vient même plus au lycée. Zach, où es-tu ? Voilà bientôt trois heures que je suis là, assise dans mon lit, en plein milieu de la nuit, le regard dans le vide. Le vide. Qu'est-ce que c'est après tout ? Le néant ? Rien ? Juste un trou noir. Qui m'obsède de plus en plus. Comment est-ce possible qu'une personne peut en détruire une autre en aussi peu de temps ? C'est la question que je me pose depuis des jours. C'est vrai, je ne le connais à peine. Je ne connais aucun de ses secrets. Et je ne les connaîtrais sûrement jamais puisque tout ça, c'est fini. Je regarde l'heure qu'affiche mon réveil. Quatre heures. Je suis supposée me réveiller dans exactement deux heures. Je devrais probablement essayer de dormir. Je m'allonge et alors que je ferme les yeux, j'entends du bruit. Est-ce mon esprit qui me joue des tours ? Sûrement. Je ferme les yeux et tente de m'endormir mais le bruit persiste et se fait de plus en plus fort. On dirait... On dirait des cognements contre ma fenêtre. Mon cœur commence à s'emballer. Il est revenu ? Le garçon est revenu ? Je n'ose plus bouger. Les bruits s'arrêtent et reprennent de plus bel quelques secondes après. J'en ai marre. Je me lève d'un coup et ouvre ma fenêtre. En le voyant, mon cœur s'arrête de battre. On se regarde dans les yeux pendant ce qu'il me semble être une éternité. Zach est là. Il est revenu. Je n'arrive pas à croire que ce soit lui. - Je peux entrer ? Dit-il au bout d'un moment.
- Qu'est-ce qui te fais croire que tu peux te pointer chez moi à cette heure-là ? Vas-t-en Zach.
Des semaines que j'attends ce moment. Je m'étais imaginer plusieurs scénarios, dans lesquels, je le tuais. Et d'autres où je me jetais sur lui en lui disant qu'il m'avait manqué. Mais aucun des scénarios que j'avais imaginé ne se produit. Il ne sait pas quoi répondre.
- J'ai un tas de choses à t'expliquer. S'il te plaît Ally, laisse-moi entrer.
L'entendre dire mon prénom m'avait manqué. Sa voix aussi m'avait manquée. Et plus que tout, sa présence m'avait manquée. Je ne dis rien et retourne dans mon lit, sans manquer de laisser ma fenêtre ouverte pour lui faire comprendre qu'il peut entrer. J'ai cédé beaucoup plus vite que ce que je pensais. Des bruits de pas ne se font pas tarder. Puis le bruit de ma fenêtre qui se ferme. Et plus rien. Seulement le bruit de nos respirations. Je ne sais pas quoi dire. C'est à lui de parler. De se justifier.
- Je t'écoute, dis-je alors qu'il s'assoit au bout de mon lit.
- Je comprends que tu m'en veuilles et je comprendrais également si tu refuses de me parler et crois-moi, ce n'est pas plus mal. Mais avant tout, il faut que tu saches pourquoi je ne donne plus aucun signe de vie depuis plusieurs jours.
Peut-être que finalement je n'ai pas envie de savoir. J'ai bien trop peur de ce qui va suivre.
- Ally, tu n'as plus à avoir peur de qui que ce soit. Il ne te causera plus de problèmes. C'est terminé.
Je mets du temps à comprendre ce qu'il est en train de me dire. Il l'a tué. Zach a tué quelqu'un. Le sang du type est sur ses mains. Et il est là. Sur mon lit. En train de me dire ça, comme si c'était normal. Je me colle contre la tête de lit. Le plus loin possible de lui. Je ne sais plus quoi dire.
- Qui es-tu vraiment Zach ?
Il lâche un petit rire nerveux. Et secoue la tête de gauche à droite.
- Je ne peux rien te dire, et tu le sais. Mais tout ce que je fais est pour ton bien.
- Arrêtes ! Je n'ai pas besoin de toi ! Tu comprends ça ? Je n'ai pas besoin que tu me protèges, c'est clair ? Ça ne sert à rien de venir me voir si c'est pour ne plus donner signe de vie pendant deux semaines ? As-tu la moindre idée, Zach ? As-tu la moindre idée du sang d'encre que je me suis fait ?
- Bien-sûr que oui. Ally, pendant deux semaines j'essayais de traquer ce type. Pendant deux semaines je n'avais peur que d'une chose. Qu'il te fasse du mal. Mais encore une fois, tout ça, c'est terminé.
J'ignore pourquoi, mais je sens que sa dernière phrase a un double sens.
- Pourquoi tu fais tout ça ? On ne se connait depuis seulement deux mois et tu risques ta vie pour moi ? C'est quoi ton problème Zach ?
- Pourquoi tu continues de me poser toutes ces questions alors que tu sais très bien que tu n'aura pas de réponses ?
- Et toi ? Pourquoi tu viens chez moi, sachant très bien ce que tu vas me dire et sachant aussi très bien que je vais te poser des questions ? À ce moment là, autant ne pas revenir du tout, Zach.
Il me regarde droit dans les yeux, ne sachant pas quoi dire. J'y suis peut-être allée un peu fort, mais je veux des réponses.
- Ally, je ne suis pas venu pour qu'on se prenne la tête. Je comprends que tu en ai marre de tous ces secrets. Mais ils font partis de moi. Et tu ne peux pas m'obliger à te les dire. J'aimerai t'en faire part, je te jure mais je ne peux pas. Pour ta simple sécurité.
- Ce n'est pas juste. Je t'ai expliqué ce qui m'étais arrivé. Tout en sachant que ça te mettrais sûrement en danger. Je n'ai pas peur Zach. Même s'il m'arrive quelque chose ou je ne sais quoi, je veux savoir. Je veux savoir ce que tu me cache. Dis-je en me rapprochant de lui.
- C'est impossible.
Je souffle bruyamment pour lui faire comprendre que j'en ai marre. Il se lève d'un coup et commence à faire les cent pas dans ma chambre.
- Un jour, finit-il par dire au bout de quelques minutes.
- Comment ça ?
- Un jour je te les dirais. Ce sera peut-être dans une semaine, un mois, ou un an. Mais, je te fais la promesse qu'un jour je t'en parlerai, dit-il en me regardant dans les yeux.
J'essaie de ne pas montrer ma joie mais je n'y arrive pas. Je lui fais un grand sourire et me dirige vers lui. Je prends sa tête entre mes mains.
- Merci.
Et il me prend dans ses bras. Ma tête est posée contre son torse et j'entends les battements de son cœur s'accélérer. A moins que ce soit les miens qui battent tellement forts qu'ils résonnent dans ma tête.
- Tant que tu es avec moi, il ne t'arriveras rien. Gardes ça en tête, OK ? Dit-il en me relevant la tête pour que nous puissions nous regarder.
Cette soudaine proximité me met mal à l'aise. Je n'avais pas réalisé que nous étions aussi proches. Je hoche simplement la tête car aucun son ne sort de ma bouche.

Je n'ai pas dormi de la nuit. Zach est parti vers cinq heures du matin et il était impossible pour moi de dormir. Inutile de préciser le pourquoi du comment. Sincèrement, je n'aimerai pas être à la place des gens dans les couloirs, que je suis actuellement en train de croiser. J'ai clairement l'air d'un zombie. Je suis d'ailleurs étonnée qu'ils n'aient toujours pas fait sonner d'alarme. Ma tête fait peur. J'ai probablement les cheveux en bataille et des cernes immenses sous les yeux. J'étais tellement fatiguée que je n'ai pas remarqué que le cour avait déjà commencé depuis trente minutes et que tout le monde était en train de me regarder parce que le professeur m'avait posé une question, à laquelle, j'étais incapable de répondre, évidemment. Et me voilà désormais dans le bureau du principal. Il me semble qu'il me parle mais je n'écoute rien. Jusqu'à ce qu'il dise une phrase qui m'interpelle :
- Êtes-vous sûr que tout va bien mademoiselle ? Vos notes ont dernièrement chutées et certains de vos professeurs remarque que vous n'êtes plus vraiment attentive en cours, dit-il en penchant la tête sur le côté et en me regardant dans les yeux, tellement intensément que j'ai l'impression qu'il est capable de lire dans mes pensées.
- Oui, ne vous en faites pas pour moi. Je vais bien. Je manque juste de sommeil ces derniers temps. Rien de bien alarmant, dis-je en essayant de sourire.
Il me regarde, dubitatif.
- Bien, rentrez chez vous. Cela ne sert à rien de rester ici aujourd'hui. Allez vous reposer.
Je le remercie et rentre chez moi. Une fois à l'intérieur, j'entends la voix de ma mère suivie d'une voix d'homme. Je la reconnaît aussitôt. Zach. Que fait-il ici ?
- Oui, il est clair que désormais, le danger se fait plus grand.
Étonnamment, je ne veux pas entendre la suite. Cela ne me regarde pas. Je claque la porte pour leur faire comprendre que je suis là.
- Ally ? C'est toi ? S'écrie ma mère.
J'entre dans le salon, et ils me regardent tous les deux. Complètement paniqués.
- Tu n'ai pas censé être en cours ? Dis ma mère.
- Si, tout comme Zach. Que fais-tu ici ? Répondis-je.
Il regarde désespérément ma mère, espérant de l'aide.
- Je voulais faire un gâteau mais je manquais d'ingrédients, alors je suis allée chez des voisins pour leur en demander mais, malheureusement, personne n'avait ce que je voulais. Du coup j'ai finit chez Zach et je l'ai invité à boire le café, dit-elle.
C'est l'excuse la plus bidon que je n'ai jamais entendu. Je n'y crois pas une seule seconde mais je hoche la tête. J'en parlerai plus tard avec Zach. Même si je me doute que je n'aurais pas de réponses aussi facilement.
- Pourquoi es-tu rentrée ? Finit-elle par dire.
- Plusieurs de mes professeurs n'étaient pas là, alors j'ai terminé plus tôt.
Je préfère leur mentir plutôt que de leur dire la vérité. Je ne veux pas qu'ils s'inquiètent. Je n'attends pas de réponses et monte rapidement dans ma chambre. A peine à l'intérieur, je m'avachis sur mon lit et ne met pas beaucoup de temps à m'endormir. Malgré toutes les questions que j'ai en tête.

Je suis réveillée par quelqu'un qui me frotte doucement la joue.
- Ally, réveilles-toi.
Et si c'était lui ? Et si Zach m'avait menti et qu'il ne l'avait pas tué ? Je me réveille en sursaut. Et à mon plus gros soulagement je me rends compte que ce n'est que Zach.
- Tu m'a fais une de ses peurs ! Dis-je en m'exclamant alors qu'il explose de rire.
Je reprends :
- Qu'est-ce que tu fais encore ici ?
- Je suis passée par la fenêtre de ta chambre.
Impossible. Je l'avait fermé, il n'a pas pu rentré par la fenêtre.
- Et si tu arrêtais de me mentir ne serait-ce une minute ? Dis-je en me redressant.
- Je ne te mens pas, Ally, répond-il en me regardant droit dans les yeux.
J'en ai plus qu'assez de tous ces mensonges. Je fais semblant de croire à ces paroles pour éviter tout conflit. Cela me prend trop de mon énergie et je suis épuisée.
- Tu parlais de quoi avec ma mère ?
- De plein de choses, elle est super sympa ! Dit-il en changeant d'humeur très rapidement. Comme s'il se voulait convainquant.
J'arrive de mieux en mieux à le déchiffrer. Et j'en suis ravie. Je sais qu'il me cache quelque chose. Mais il ne répond à aucune demes questions et dévie chaque sujet concernant ses
« secrets ». Soudain, je me rappel de la conversation qu'il avait avec ma mère quand je suis arrivée chez moi.
- Zach ?
- Oui ?
- De quoi parlais-tu avec ma mère ? Quel danger se fait plus grand ?
Il se racle la gorge, mal à l'aise.
- Tu es sûr que tout va bien ? Répond-il.
Il dévie carrément le sujet.
- Non, je ne vais pas bien. À cause de toi. Je n'arrive pas à croire que tu puisses me cacher autant de choses. Maintenant tu as des secrets avec ma mère ! Ce sera quoi la prochaine ? Tu veux peut-être que je te présente mon père ? Malheureusement pour toi, ça risque d'être légèrement moins drôle qu'avec ma mère. À moins que tu ne le connaisse déjà ? Peut-être même que c'est ton meilleur pote ?
- Ally, combien de fois vais-je devoir te le répéter ? C'est uniquement pour te protéger. Je fais ça pour ton bien et uniquement pour ça. Alors arrêtes de te poser un milliard de questions.
Je m'apprête à répondre quelque chose mais il se lève et sort de ma chambre. Sans rien dire. Une fois de plus.