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Le combat avait été rude mais nous avions gagné après beaucoup d'efforts. Les hommes de mon frère étaient ligotés et placés dos au mur dans le hall d'entrée de l'immeuble qui avait servi à mon frère de base principale. Ayant envie de d'affirmer ma victoire devant mon père tout en humiliant mon frère, j'avais réuni tous les otages, y compris ceux attrapés avant la bataille finale. J'avais aussi mis mon frère au centre du hall, bien en face de la porte par laquelle entrerait mon géniteur qui avait été prévenu par le garde qu'il avait posté comme surveillant de la base.

A un certain moment, mon frère avait repris conscience. Il avait alors commencé à rire, de ce même rire dément qu'il avait eu le soir où j'ai définitivement commencé à détester ce grand frère, de huit ans mon ainé, qui m'avait tellement fait souffrir.

Flashback

Ma mère m'observait avec un regard doux tout en me racontant la légende chinoise du serpent blanc. Elle accompagnait chacun de ses gestes d'une caresse sur mes cheveux coupés à ras. Jusque-là, rien qui ne changeait de d'habitude, mais à la fin de son récit, au lieu de m'embrasser le front et de me souhaiter une bonne nuit, elle me proposa de jouer à cache-cache. Dans l'innocence de mes huit ans, j'avais été heureux de cette marque d'attention supplémentaire de la part de ma mère. Je m'étais donc joyeusement caché dans le placard du couloir et attendais patiemment que ma mère me retrouve, mais à la place de ses pas si légers et rapide, j'entendis des pas lourds et lents qui s'approchaient de ma chambre avant d'entendre un rire qui me glaça le sang, le rire de mon demi-frère, mon modèle, celui qui s'amusait à jouer avec moi pendant de longues heures d'été. Ce rire, qui me parut pétrifiant, n'était que le prédecesseur de la véritable horreur, j'entendis des bruits de mitraillettes un cri guttural que je reconnus comme celui de ma mère.

Fin du flashback

J'avais plus tard appris que la maîtresse de mon père, et accessoirement la mère de mon demi-frère, qui était une des lieutenantes de mon père, avait ordonné à son fils de venir à notre domicile pour tuer ma mère afin d'avoir mon père pour elle seule à jamais. A son plus grand bonheur, elle avait réussi, mon père s'était remarié avec elle exactement quinze jours après. Depuis je haïssais cette famille parfaite qui me jetais son bonheur au visage. Ce rire qu'avait reproduit mon demi-frère m'avait rappelé cette nuit-là, et comme à chaque fois que cela me revenait à l'esprit, j'étais en train de faire une crise d'anxiété, je ressentais un grand vide en mon for intérieur, je commençais à être sûr de perdre et de me faire humilier par mon père.

Je tentais de me calmer, mon géniteur ne devait absolument pas me trouver dans cet état ou alors il aura une raison de ne pas me nommer à la tête des triades. Malheureusement, c'était trop tard, mon père était rentré pile au sommet de ma crise, j'avais du mal à respirer et le voir n'arrangea pas les choses. Comme je l'avais prévu, il avait profité de ma faiblesse pour m'humilier, expliquant aux hommes pourquoi je ne pouvais faire un bon chef, en disant que j'étais faible, désorganisé et ne comprenait pas l'objectif de cette organisation.

« Shaky times, the future is fucking up with my past"

Cette humiliation ne fit que rallumer les étincelles qui restaient des cendres de ma haine présents avant le malheureux incident que m'avait provoqué le rire de mon frère. Je me levais et brandis un pistolet, que j'avais caché dans ma botte, vers mon père ce qui fit retenir le souffle à toutes les personnes présentes dans le hall.

« Tu vois Père, tu avais tout prévu sauf le fait que tu ne me connaissais pas assez et moi beaucoup trop. Tu m'as traité comme un bouffon, le singe de service, mais tu n'as jamais pensé un seul instant que je pouvais représenter une réelle menace pour toi ou ton fils. Tu as réalisé une carrière brillante à la mafia mais tu as vieilli et tu es devenu tel une baleine échouée, un poids mort, un obstacle à l'évolution de cette organisation. Et si j'ai bien appris une seule chose venant de toi c'est qu'il faut supprimer tout ce qui ne sert à rien. Je suis donc ravi de t'apprendre que tu ne sers plus à rien. »

Et je tirai, ce qui d'après la charte de l'organisation, aussi cruelle soit elle, m'élevait au rang de la victime. Je ne venais pas de tuer mon père, vu qu'il ne s'est jamais comporté comme tel, juste un homme qui n'avait fait que me sous-estimer et me faire souffrir depuis que j'étais en âge de comprendre ce qu'il me disait.

« Talkingshit, they don't fail
I'm the monkey, you're the whale
Well done, now you're dead"
    

Sun TzuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant