11. Rainy mornings

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J'en oublie presque la clé USB, posée devant moi. Poussée par l'adrénaline de découvrir ce qu'elle contient, je grimpe quatre à quatre les marches de l'escalier qui mène à ma chambre. J'attrape mon ordinateur, que je n'ai pratiquement pas touché depuis que je suis rentrée, et j'y insère fébrilement le petit périphérique noir. 

Un dossier sobrement nommé "NYC" s'ouvre. Il contient une vingtaine de photos de tous les lieux ou Ayden et moi avons transporté notre amour et nos douleurs. Le B54, Duggal house, sa chambre, le studio... Je suis présente sur chacune d'elles. Le plus souvent de dos, ou dans une position qui ne me permet pas de m'apercevoir qu'Ayden me capturait. Il y a des dizaines d'images de moi, qui correspondent toutes à un moment particulier de notre histoire. Quand je croyais qu'il s'en foutait, qu'il était dans sa bulle, il m'observait. Je retrace souvenir après souvenir l'histoire de chaque photo, me blessant un peu plus profondément. 

Celle qui me fait le plus de mal a été prise devant la maison de ses grands parents. Assise sur la balançoire, j'ai la tête penchée sur le côté. Le filtre en noir et blanc donne un aspect mélancolique à l'image, et m'arrache presque le cœur. Je me rappelle de ce jour comme s'il s'était produit la veille. Ce jour-là, j'avais appris à le connaître un peu. C'est une des premières et presque seules fois, avant cette lettre, où il m'avait entrouvert la porte de ses souvenirs. Une autre encore est magnifique : recouverte d'un drap bleu, je suis en train de dormir. Je ne me suis jamais beaucoup vue en plein sommeil, mais la sérénité qui se dégage de moi me coupe le souffle. 

J'ai tellement mal devant ces images que je suis incapable de pleurer. Je n'avais jamais compris la portée de la citation de Jane Austen qui dit "Il y a des larmes dans le cœur qui n'atteignent pas les yeux". Elle prend maintenant tout son sens. Soudain faible, mais les yeux secs, je m'allonge sur le lit de mon enfance, qui me paraît bien trop étroit pour contenir la douleur qui m'étreint. 

Je ne me doutais pas une seconde qu'il m'aimait comme ça. Confusément, depuis longtemps, je sais qu'il y a cette force entre nous contre laquelle ni lui ni moi ne semblons pas être capables de lutter, mais je ne savais pas que j'étais si importante à ses yeux. Je ne sais pas ce que cette nouvelle me fait. Il ne me fait pas du mal volontairement, c'est un fait, mais s'il m'aime autant qu'il le dit, j'ai peur de savoir ce qui se serait passé si ça n'avait pas été le cas.  

Il me manque... il me manque tellement. Cette lettre me prouve encore à quel point je suis incapable de lui résister. Mais je le dois, parce que si je ne le fais pas, je vais me perdre dans cette relation bancale et étouffante. Et même si ça m'arrache le cœur, je dois garder le silence. Il ne faut pas que je l'appelle tant que je ne suis pas sûre d'être capable de lui parler sans retomber dans ses bras.

Après avoir relu une dernière fois les mots gravés par Ayden sur cette feuille de papier, et qui me permettent de croire que tout est encore possible, je range sa lettre dans mon sac à mains. Je ne peux pas m'en séparer. Je me connais, je la relirai un million de fois s'il le faut jusqu'à la connaître par cœur. Je ne vais pas bien, et j'ai très froid, je décide donc qu'un bain brûlant devrait me détendre un peu. 

Léa doit passer me prendre à neuf heures, et je sais qu'elle le fera. Quand elle a décidé un truc, elle va jusqu'au bout. Cette deuxième soirée d'adieux avant Londres est peut-être finalement une bonne idée pour échapper à la réalité pendant quelques heure. Avec une certaine amertume, je réalise que je n'ai même pas commencé à préparer mes bagages, signe évident que je ne suis pas très en forme ni prête à partir pour Londres. 

C'est une ville dans laquelle je n'ai jamais envisagé de me rendre, à part pour des vacances. Vu de loin, je n'aime pas particulièrement l'atmosphère de l'Angleterre. Ce côté conservateur me rebute un peu. Mais avoir des préjugés n'est pas dans mon caractère, alors je ferai de mon mieux pour m'adapter. J'espère qu'Erin et son tempérament de feu y arriveront aussi. 

Alive after all - Tome 2 - Edité aux Editions HLabOù les histoires vivent. Découvrez maintenant