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Alors, petite fille, tu fais toujours confiance à cette bande d'hommes répugnants?

-Pourquoi tu es là?

Toi et moi, nous avons quelques différents. Je te propose de régler tout ça maintenant.

-Maintenant? Je ne sais même pas où nous sommes.

Dans un coin de la tête du clown. Il a réussi à m'ouvrir un passage pour que je puisse te rencontrer.

-Alors, ce que j'ai pu voir jusqu'à présent était des résidus de souvenirs de Laughing Jack?

Tu parais bien dégoutée, tout à coup. Aurais-tu enfin compris que tu ne peux pas avoir confiance en ces inhumains?

-Que tu le veuilles ou non, ce sont mes amis. Tu peux les détester autant que tu le souhaites, ça ne changera rien à ce que je ressens pour eux.

Réfléchis bien, petite fille. Les hommes sont tous les mêmes.

-Je t'arrête tout de suite. Tu as tord. C'est aussi ce que je pensais avant de les rencontrer. Mais ils m'ont accueilli et m'ont aimé sans même savoir qui j'étais. Ils sont ma seule famille. Tu n'as pas le droit de m'ôter ça.

Bien. Je ne vais pas essayer de te comprendre, ce que tu penses d'eux me dépassent. Tu as fait ton choix. Alors, es-tu prêtes à défendre tes idéaux?

-Je...oui, bien sûr.

Alors battons nous. Celle de nous deux qui déclare forfait la première doit sans contestations se plier aux désirs de l'autre.

Je reculais de quelques pas, observant la bête sauvage devant moi. Elle était assise, attendant patiemment ma réponse. C'était la première fois que je prenais le temps de la détailler.

Ses pupilles noires étaient soulignées par son pelage entièrement blanc qui faisait ressortir le côté naturellement agressif de ses yeux. Ses pattes musclées lui permettaient de rattraper ses ennemis en un temps record. Ses crocs qu'elle ne sortait que lorsqu'elle se sentait menacée m'étaient pour l'instant cachées, mais je les devinais aiguisés et tranchants.

C'était de la folie de me mesurer à elle. Même avec toute la détermination dont je disposais, je n'avais clairement aucune chance contre la louve. Ses griffes encore imprégnées du sang d'un malheureux me le rappelaient.

-C'est indéniable, ta proposition est inéquitable. Je ne fais pas le poids contre toi, et tu le sais.

Donc tu abandonnes. Alors à partir d'aujourd'hui, tu m'obéiras sans faire d'histoire.

-Alors là, tu rêves ma jolie.

Un sourire sembla rapidement agrandir ses babines avant d'être remplacé par son éternel masque de meurtrière. Sans crier gare, elle sortit ses crocs tachetés de ce même rouge âcre que ses serres.

Je n'eus que le temps de comprendre que je devais courir qu'elle ne se mit en position d'attaque. Ses jambes arrières légèrement fléchies lui assurant une victoire inévitable.

Sans attendre plus, je me mis à courir le plus vite possible. Soudainement, le long couloir aux murs blancs se changea en une vieille pièce jaunie par le temps. Les quelques lumières qui clignotaient rajoutaient un côté glauque à l'ambiance.

Je m'arrêtais, me retrouvant devant un immense mur bétonné. J'étais prise au piège entre les briques et ma louve qui ne se pressait pas, prenant son temps pour m'humilier. J'entrepris de longer la parois, tâtonnant le mur alors que les lumières s'éteignaient les unes après les autres.

Je me cognais la main sur ce que j'identifiais comme étant une poignée de porte. Une vague de soulagement me prit rapidement. Voilà ce qui suffirait à ralentir ma louve.

Je l'actionnais sans réfléchir et m'aventurais dans la nouvelle pièce. À peine étais-je passée de l'autre côté, que mon corps glissa sur les lattes de planchers mal fixées.

Mon premier reflex fut de me rattraper à quelque chose, n'importe quoi. Mes doigts s'agrippèrent autour d'un objet que l'éclairage médiocre de la salle ne me permettait pas de reconnaître. Malheureusement, ma prise, trop fragile, céda rapidement, me propulsant en arrière.

Dans mon élan, je m'écrasais lourdement au sol. Sous le choc de l'impact, le parquet craqua avant de complètement s'effriter. Mes mains entourant toujours ma première bouée de sauvetage, je n'eus pas le temps de me maintenir à autre chose que je me retrouvais encore une fois à chuter.

Je tombais sur les fesses, étouffant un cri de douleur. Grâce à la lumière bien plus présente que dans la salle précédente, je pouvais facilement identifier les environs.

Je lâchais vivement le morceau de colonne vertébrale que je tenais fermement dans mes mains. C'était donc ça, ma bouée? Je détachais mon regard des quelques os et observais l'endroit où j'étais actuellement.

Je me trouvais sous un chapiteau, un de ce qui portait fièrement les couleur du cirque. Mais celui-ci était bien différent de ceux que j'avais pu visiter auparavant.

Des bâtons de feu illuminant l'ensemble de la pièce étaient proprement disposés à intervalles réguliers. Entre chaque bout de bois se trouvaient d'affreux restes de cadavres en décomposition, empalés sur des broches en métal. La puanteur qui s'en dégageait agressait mes narines, m'empêchant de respirer à ma guise.

Au milieu de la piste du cirque, la où les numéros sont effectués, un carrousel tournait seul, donnant une ambiance malsaine à la scène.

Je m'approchais du centre du chapiteau, le dégoût nouant ma gorge en voyant le manège devant moi.

Les habituels chevaux en plastique avaient été remplacés par tout types de bêtes empaillées. Seulement, aucuns membres ne correspondaient au bon animal. Leurs pattes avaient été arrachées puis vulgairement raccommoder sur le corps d'un autre. Leurs yeux avaient tous été retirés et leur sourire agrandi. Leurs ventres encore ouverts, leurs organes tombaient à mes pieds, glissant sur le sol au rythme du manège.

-Sale clown de malheur, tu peux pas avoir un esprit moins...tordu?

Un hurlement inhumain me ramena à ma triste réalité. Il fallait que j'en finisse avec toutes ses conneries. Je ne pouvais pas concevoir une défaite. C'était impensable.

Entendant la porte au dessus de moi craquer, je pris la décision de m'enfoncer un peu plus dans le monde du clown. Ma louve n'était pas loin, je devais me dépêcher.

À bout de souffle, je me mis à la recherche d'un objet, n'importe quoi, ayant des propriétés dangereuses. Je ne pouvais pas perdre ce combat. Cela signifierait céder le contrôle à ma louve. Ne plus avoir de pouvoir sur mon propre corps.

Tous les chemins que j'empruntais me menaient au même endroit. Je finissais toujours par retourner devant ce fichu carousel. Alors que je poussais une énième porte et que je pénétrais une nouvelle fois dans l'entre de Jack, mon regard se porta sur un corps jonchant le sol sale.

Je pouvais jurer ne pas l'avoir vu les fois précédentes. Je me reculais, prête à courir. J'abaissais la poignée de la porte, la poussais avec tout mon poids, mais elle ne s'ouvrit pas.

Tu ne peux pas fuire éternellement, petite fille.

Prise au piège. J'étais prise au piège.

Le loup du manoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant