Chapitre huit.

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Cinq minutes plus tard, Éos a les pieds étendus sur la table, la tête basculée en arrière, calée par ses bras, et fixe avec intensité le plafond. Moi, je suis assise sagement dans le canapé, n'osant plus me balader dans la pièce, de peur de tout réduire en miette.

- Donc nous avons déjà dépassé une étape importante, déclare la jeune femme. Deux, en fait.

- Lesquelles ?

- Celle du baiser et celle des premières barrières qui tombent – ce qui n'est définitivement pas l'ordre habituel. Maintenant, il faut que nous soyons à l'aise l'une avec l'autre. Une sorte d'amitié accélérée, pour continuer dans l'inhabituel. Des idées pour que cela se fasse ?

Je hausse les épaules. Me demander à moi n'est vraiment pas une excellente solution. Plus je peux éviter les rapports humains, mieux je me porte. Timéo peut en témoigner.

Il est le seul meilleur ami que je n'ai jamais eu. J'ai bien quelques amis par-ci par-là, à qui j'envoie parfois des messages et avec qui je partage de très bons moments, mais je ne me suis jamais complétement ouverte à eux. Ils ne me le reprochent pas, cependant, je sens qu'ils aimeraient que je fasse plus. Ce qui, bien malgré moi, me bloque davantage.

Éos ne résonne pas de la même manière : elle ne réclame pas, elle demande seulement en espérant que je donne en retour. J'aime ça.

- Merci de l'aide, raille celle-ci quand elle comprend que je ne briserai pas le silence. Bon... On peut continuer les questions, je pense que c'est le plus simple. A ton tour !

- Tu as une passion ?

- La peinture. Enfin, tout ce qui se rapproche du dessin. Je ne sais pas si je suis douée, mais j'aime ce que je fais et ça me suffit. Le meilleur film sur Terre, selon toi ?

- Je ne peux pas choisir ! Il y en a tellement de biens, de géniaux et d'extraordinaires !

- Bon, alors, qu'est-ce qui t'attire quand tu regardes un film ?

Il me faut quelques instants pour collecter toutes mes pensées et les sortir de manière cohérente :

- La façon dont est traitée l'intrigue, ainsi que les personnages. Les films qui ont pour seuls buts de nous en mettre plein les yeux, tu les aimes une fois ou deux, pas plus. Mais ceux qui ont un beau visuel, des personnages complexes et une intrigue qui tient la route, tu pourrais les regarder sans te lasser. Même si les effets spéciaux ne sont pas forcément fantastiques, par exemple.

- Waouh ! Tu viens de déballer ta plus grande réplique depuis qu'on se connaît ! J'aime ce développement.

J'ignore son commentaire, histoire de ne pas paraître encore plus ridicule. A la place, je demande :

- Pourquoi dessines-tu ?

- Pourquoi les films ? Pourquoi la mythologie ? Ce n'est pas une question qui se pose, Rhéa. C'est comme ça, c'est ce que j'aime depuis que je suis toute petite, tout simplement. Tu es déjà tombée amoureuse ? me questionne-t-elle ensuite, après une pause de quelques secondes.

- Non.

- Tu es déjà sortie avec quelqu'un ?

Même si cela aurait dû être mon tour, je réponds :

- Encore non.

Elle redresse la tête et plante ses yeux dans les miens. Toute leur intensité est reportée sur moi et je ne suis pas sûre de pouvoir le supporter très longtemps.

- Attends, attends, attends. On t'a déjà embrassée ?

- Ouais. Il y a une demi-heure.

Elle écarquille les yeux de stupeur. Je reste droite comme un piquet, sans savoir que faire – de mon corps entier, ainsi que de mon être.

- Donc je suis ton premier baiser ? laisse-t-elle échapper, après s'être remise de sa surprise. Merde...

- Tu sais, je m'en fiche un peu.

- Développe, s'il te plaît. Ça ne me fait pas me sentir moins mal.

Je soupire et m'apprête à passer une main dans mes cheveux, avant de me souvenir que je ruinerais ma coiffure. Je regarde chaque coin de la pièce, sauf les yeux d'Éos.

- On fait souvent beaucoup de bruit autour d'une première fois, cela me semble exagéré. Un baiser représente un pas important dans une relation, alors quand il s'agit d'un tout premier baiser, on crie à l'amour, le vrai, le véritable. Mais non, t'embrasser ne signifie pas, à ce que je sache, que je vais finir ma vie avec toi. Ou que je souhaitais avoir des enfants avec Timéo, tout simplement parce que j'ai accepté de le lui « offrir ».

Voilà ma deuxième longue réplique à son intention ! Elle doit être aux anges.

J'accompagne bien les guillemets avec mes paroles et un roulement des yeux, qui fait sourire Éos. Peut-être que j'ai à moitié paniqué à l'idée d'embrasser mon meilleur ami, mais c'est parce que je suis comme ça. Je pense une chose et, parfois, c'est dur de l'appliquer. Correction : c'est toujours compliqué de la mettre en œuvre.

- Selon moi, une première fois, peu importe de laquelle on parle, ne devrait être portée de la sorte au sacré. Parce que, rendons-nous à l'évidence, il en existera plein.

La jeune femme me fixe toujours avec insistance. Je n'aime pas dire ce genre de choses, mais j'ai réellement l'impression qu'elle tente de sonder mon âme.

- J'accepte ces explications, me répond-elle. Je me sens mieux, pour tout te dire. D'ailleurs, je valide complétement ! Les premières fois, c'est surcoté.

Et, finalement, elle observe à nouveau le plafond, me laissant libre de respirer normalement.

UN MOMENT D'ÉTERNITÉ Où les histoires vivent. Découvrez maintenant