Lettre N°7

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Chère Guitare,

Laisse-moi d'abord te dire que je suis désolée de t'avoir fait pleurer. Sache que ce n'était absolument pas mon intention. J'espère que tu ne m'en veux pas trop... et que ta sœur n'en a pas parlé à ta mère. En parlant de parents, ma mère aussi n'arrive pas à oublier son travail quand elle est à la maison (elle, est directrice d'une grande entreprise) ; elle passe son temps à remplir des rapports sur son ordinateur. Le week-end aussi. Et durant les vacances également. Je me demande comment elle fait parfois...

Sinon j'aimerais beaucoup entendre ta composition. Pour être honnête, ça me touche beaucoup que tu aies mis un de mes poèmes en musique. C'est également un peu étrange, je ne vais pas te mentir, mais c'est un agréable étrange. D'ailleurs, en parlant de choses agréables, j'ai mangé un croissant. Ça faisait une éternité que je n'en avais plus mangé. Mais je dois avouer que c'est vachement bon. Très gras – soyons francs – mais super bon quand même.

Pour enchaîner sur un autre sujet, comment va ton amie ? J'admets que la fin de ta lettre n'était pas très rassurante la concernant. J'aimerais donc beaucoup avoir de ses nouvelles. Et pour continuer sur le thème de la vengeance, non, je ne compte pas te donner mon nom, ni mon adresse. Pas seulement parce que je crains une potentielle revanche de ta part, mais également parce que je trouve que c'est plus intéressant de faire connaissance ainsi, par lettres interposées. Un peu vieux jeu, me diras-tu peut-être, mais surtout tout sauf conventionnel, te répondrais-je volontiers. Ne penses-tu pas que c'est agréable de parfois sortir de la norme ? D'oublier les lois et obligations de cette société aux mœurs étranges pour se sentir un peu plus libre, même si ce n'est que le temps d'une lettre ?

Et voilà que je m'égare à nouveau. Je trouve que cela m'arrive un peu trop souvent ces derniers temps. Mais bon, passons. J'espère que tu ne m'en tiendras pas rigueur. C'est que je suis un peu sur les nerfs vois-tu. Et tout ça à cause d'un stupide cours d'anglais. Ma prof adore faire des débats, in english of course. Le thème d'aujourd'hui était l'homosexualité. Et évidemment, tout le monde a jugé utile de sortir les arguments bien trop vieux et revus dans le genre : « oui, mais c'est pas naturel » - oups, pardon, « Yes, but it's not natural » ou encore « these people are not like us, they are not normal » - je t'épargne l'accent pourri - et tant d'autres idioties du genre... J'avais l'impression d'être sur le point d'exploser. J'aurais tant voulu pouvoir hurler, crier qu'ils avaient tous tellement tord, de démonter leurs arguments les uns après les autres...

Mais évidemment, je n'ai rien fait, comme toujours. Je me suis contentée de baisser les yeux, sans dire le moindre mot, de me perdre dans la contemplation de mes poings, si serrés que mes ongles rentrant dans ma peau me faisaient mal. Je me suis faite oubliée, comme d'habitude. J'ai attendu. Le cours s'est enfin terminé, après une éternité. Mais les conversations ont persisté. Tant et si bien que quand je suis rentrée chez moi, je n'étais pas bien. Pas bien du tout. Alors la première chose que j'ai faite a été d'aller voir si tu m'avais répondu. Lire ta lettre m'a rendu une esquisse de sourire. J'ai ensuite acheté un croissant au kiosque. Et après l'avoir mangé je me sentais enfin mieux.

Tout de même, il reste une question qui tourne et se retourne dans ma tête, envers et contre tout. Pourquoi faut-il que les gens se montrent toujours aussi stupides lorsqu'il s'agit de parler de personnes qu'ils estiment être différentes d'eux ? Qu'ont-elles de si anormal pour eux ? Ne peuvent-ils donc pas passer outre ? Nous sommes tous humains non ?

Enfin bref, voilà, c'était mon coup de gueule du jour. j'espère que je ne t'ai pas embêtée avec ça, mais je crois que j'avais besoin d'en parler. Il fallait que les mots sortent et ne restent pas bloqués à l'intérieur, bien trop dévastateurs.

Désolée, je ne pense pas avoir réussi à t'avoir fait rire aujourd'hui non plus, contrairement à toi qui y parviens sans aucune difficulté. Il semblerait que l'humour ne fasse malheureusement pas partie de mes qualités, pardonne-moi. Mais j'espère tout de même que tu auras quand même pris un peu de plaisir à lire ma lettre...

Plume

Plume et GuitareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant