Lettre N°11

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Chère Guitare,

Je ne sais pas par quoi commencer. Actuellement, y a trop de choses qui se bousculent dans ma tête. J'ai écouté ta compo. Juste après avoir lu ta lettre. Et depuis, je ne fais que pleurer. D'ailleurs, je m'excuse d'avance si cette lettre en fait les frais.

C'est tellement étrange. J'ai l'impression que mes joues sont devenues rivières. Je n'arrive pas à m'arrêter. Ni à me calmer. Pourtant je n'ai aucune difficulté pour écrire. C'est étrange. Tellement étrange.

Je pleure. Je pleure mais ça fait longtemps que je ne me suis pas sentie aussi bien. C'est comme si tout ce que j'ai accumulé de non-dits et de tristesse se trouve dans un immense barrage dont on vient d'ouvrir les vannes. Tout sort enfin. Ça fait du bien.


Désolée, j'ai du faire une pause. Ma mère est rentrée plus tôt. Normalement, cela ne lui arrive jamais. Mais rien n'est normal aujourd'hui. Elle m'a trouvé en train de pleurer. Et elle a fait quelque chose de si étrange. De si inhabituel. De si agréable pourtant.

Elle m'a prise dans ses bras. Sans poser la moindre question. Comme si elle me comprenait totalement. Je crois qu'elle aussi, pleurait. Je n'ai pourtant pas une relation fusionnelle avec ma mère. Je l'aime et je sais qu'elle aussi m'aime, mais elle est si souvent absente que nous ne sommes pas aussi proches que devraient être une mère et sa fille.

Mais aujourd'hui, rien de tout ça ne comptait.

J'ai fini par me calmer. Après une éternité. Nous avons commandé des pizzas – aucune de nous deux n'avait envie de cuisiner. Et nous avons mangé devant la télévision, ensemble. Elle ne m'a posé de questions. Je n'ai pas parlé non plus. Pourtant, j'ai eu l'impression que nous étions plus proches que jamais.

Maintenant, je suis de retour dans ma chambre. Il est vingt-deux heures passées. Mais je ne me sens pas encore fatiguée. Alors je termine cette lettre. Parce que je veux te dire merci. Car grâce à ta composition qui, je ne l'ai pas encore dit, est absolument magnifique, je peux désormais t'affirmer que je vais mieux. Je n'irai pas encore jusqu'à dire que je vais bien par contre.

Ta composition est magnifique, oui, mais tu l'interprètes surtout à merveille. Ta voix est juste... sublime. Elle partage tellement d'émotions. Et tu joues tellement bien. J'espère tellement que tu puisses accomplir ton rêve et devenir auteur-compositeur-interprète. Parce que tu pourrais alors aider tellement de personnes.

Tu sais, je crois que tu mérites quelques explications. Parce que je ne t'ai jamais vraiment dit pourquoi je me sentais si mal. En fait, tu vois, j'ai l'impression d'être incapable de grandir, ou plutôt je ne veux pas grandir. J'aimerais tant rester au temps béni de l'enfance, où tout paraît tellement merveilleux, où l'insouciance guide encore nos pas. Je ne veux pas de ces responsabilités que l'on obtient étant adulte, je ne sais pas quoi faire de ma vie, ni vers quelles études me tourner. Et quand je vois toutes ces personnes autour de moi tellement sûres d'elles, qui planifient déjà le nombre d'années qui leur sera nécessaire pour atteindre le métier de leur rêve, je me sens si... lamentable. J'ai l'impression qu'un monde nous sépare, comme si elles avaient réussi à franchir un ravin qui me paraît impossible à traverser.

Alors je m'isole. Je m'éloigne. Je réfléchis. Trop. Beaucoup trop. Et je finis par me noyer dans mes propres pensées.

Je suis toujours perdue dans ma vie. Dans mes choix. Mais maintenant que je vais un peu mieux, j'espère que je finirai par avoir les idées un peu plus claires. Je l'espère sincèrement.

Tout ça grâce à toi. Je ne sais pas vraiment comment te remercier Guitare. Mais comme tu as l'air d'aimer manger, je t'offre une prière (et je prie de mon côté pour que tu ne sois pas catholique parce que sinon tu risques de mal le prendre...)


« Prière à l'Estomac sur pattes


Ô toi, être magnifique et omniscient

Notre Dieu aux pouvoirs si puissants

Entends nos humbles prières

Apporte l'appétit sur terre


Et dans ta grande bonté

Diminue le temps que l'on passe à digérer,

Empêche-nous de devenir gras ;

Ainsi l'on pourra

S'empiffrer toute la sainte journée

Sans voir notre poids s'élever


À nous les biscuits, chocolats, sucreries, friandises

Bref, tout ce que réclame notre gourmandise


Bénis cette sainte nourriture

Qu'à ton contact divin elle devienne pure

Puisse ton règne ne jamais s'achever

Et ta gloire toujours être célébrée


Amen »


Plume

Plume et GuitareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant