Chapitre 6 - If you only want to be free

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Plus d'hôpital froid et triste, plus de pas qui résonnent dans le couloir, plus de murs blancs ou aux couleurs délavées, plus d'odeur d'antiseptique et de désinfectant pour les mains. Plus de bips, non plus, ni même le bruit de milles et uns appareils qui bourdonnent ou encore plus de couinements agaçants des chaussures des infirmiers et infirmières qui arpentent les couloirs d'un pas pressé.

Cet après-midi, comme beaucoup d'autres depuis que je la connais, il n'y a plus que le ciel, son immensité, la ville et sa respiration apaisante à côté de moi. Sa présence si rassurante aussi. Et, étrangement, j'ai la sensation que, en même temps que mon moral remonte en flèche grâce à elle, en même temps je me sens de mieux en mieux, comme si ces deux paramètres allaient de pair. Et tout ça, trois listes plus tard, une par semaine.

- Nianiania, je suis sociable, me singe-t-elle. Sauf avec... toi et toi et toi aussi. Ah, et toi aussi, ajoute-t-elle en montrant les passants du doigt tour à tour. Et-

- Mais arrête, la coupé-je. C'est bon, on a compris.

J'attrape sa main pour l'empêcher de montrer les gens du doigt en donnant une petite tape dessus. Elle est en train de débattre depuis au moins dix bonnes minutes sur ma solitude et mon caractère exécrable avec les autres personnes quelles qu'elles soient. Et cela, depuis qu'elle est arrivée à notre point de rendez-vous et m'a demandé de lui parler de mes autres amis, qui sont inexistants.

- Bon, on y va, lance-t-elle en se levant d'un bon. On perd du temps. La Mort n'attend pas et pas question qu'elle gagne.

Je la suis sans protester, pressé de découvrir ce que son esprit détraqué a préparé pour cet après-midi. Nous marchons d'un pas rapide afin de ne pas perdre de temps. La vie est courte ; il n'y a pas une seconde à perdre. Une fois dehors, libres, j'ai l'impression de respirer plus librement. J'ai l'impression que son sourire est plus grand, aussi.

- Mais t'es folle ! Pourquoi est-ce que je ferais une chose pareille ? m'indigné-je.

- La vraie question c'est : pourquoi pas, Nat' ?

Cette fille va me tuer avant l'heure, je vous le dis. Et j'ignore si c'est une bonne ou une mauvaise chose. Sa foutue liste du jour comprend du saut à l'élastique et faire un bain de foule dans un concert. Je suis, disons, plus raisonnable : il faut juste que je hurle au monde d'aller se faire foutre et qu'on aille en boîte. Elle est totalement et irrémédiablement cinglée.

Je me trouve actuellement hors de la ville en haut d'un pont duquel des gens se jettent accrochés à un fil pour aller côtoyer la rivière en contrebas du bout des doigts. Cette folle veut me faire faire du saut à l'élastique comme s'il s'agissait d'un vélo à quatre roues. Je pense que, inconsciemment, elle veut ma mort. A moins qu'elle ne soit inconsciente, tout court.

- Bref, je pense que le plus logique c'est qu'on fasse le saut à l'élastique puis qu'on aille en boîte comme dans ta liste et en même temps on fera le bain de foule ! lance-t-elle tout excitée.

C'était l'évidence même : elle va me tuer. Et, à coup sûr, je vais me ridiculiser en hurlant comme un gosse. Et elle n'en louperait pas une miette, bien sûr, puisqu'elle compte nous faire sauter accrochés ensemble. Mais dans quoi je me suis fourré ?

- Bon, les jeunes, vous y allez ou pas ? nous questionne impatiemment le mec responsable de nous accrocher à cette foutue corde.

Liana ne dit rien, elle me regarde juste avec ce sourire renversant dont elle a le secret et qui me retourne l'estomac à chaque fois. Ses yeux pétillent de malice et elle est radieuse. A la lumière du soleil, ses magnifiques cheveux bruns paraissent plus clairs. Ce qu'elle peut être belle. Si belle que s'en est douloureux à regarder, et je me rends compte avec un étonnement ému qu'elle aurait pu me demander de sauter sans la corde que je l'aurais fait. Pour elle et ce regard-là, je l'aurais fait les yeux fermés. Ma plume gardienne, tu trouves toujours les mots quand il le faut. Ce silence est l'un de tes plus beaux discours.

A bout de souffle 💜 [𝕋𝕖𝕣𝕞𝕚𝕟𝕖́]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant